jeudi 12 mars 2020

PAYBACK de Brian Helgeland (1999) par Luc B.

C’est quoi un film de chevet ? Pas forcément un classique, ou un chef d’œuvre, mais un film qu’on aime avoir près de soi au cas où. Généralement des films de genre, et pour mézigue, des trucs comme VERA CRUZ, DE L’OR POUR LES BRAVES, HIBERNATUS (et oui !)  ADIEU POULET… Dans le genre polar, y’en a un qui se tient là : PAYBACK. A mon avis une des meilleures série B des deux dernières décennies, ça tombe bien, il fête ses 20 ans !
Si l’histoire vous rappelle quelque chose, c’est normal. Le film est adapté d’un roman de Donald Westlake (écrivain majeur de la Série Noire) qui avait déjà eu droit à un superbe traitement au cinéma en 1967, par le tout jeune John Boorman, sous le titre LE POINT DE NON RETOUR**, avec Lee Marvin (et chroniqué en son temps).
On dit que l’intrigue d’un bon film se résume en une phrase. On va essayer : un petit truand délesté de sa part de butin par ses complices est décidé à reprendre son fric. L’adage est donc vrai. Le truand, c’est Porter. Comme (Juste) Leblanc, il n’a pas de prénom… Porter et Val Resnick s’emparent d’une mallette de fric qui appartient à une triade chinoise. Faut voir comment. Une ruelle, deux bagnoles face à face, Porter qui accélère, et vlan, le coup du bélier. Y’a 130 000 dollars à se partager. Mais Val Resnick, qui est en dette auprès de la mafia de Chicago, et rêve d’entrer dans l’organisation, bute Porter avec la complicité de sa femme – celle de Porter - et lui pique sa part.
Y’a des trucs qui ne se font pas… Porter se remet finalement, aidé par Rosie (Maria Bello vue chez Cronenberg) une call-girl à qui il servait de chauffeur. Une fois sur pieds, il recherche Val Resnick. Sauf que le gars fait maintenant parti de ma mafia. Et que le fric, il ne l’a plus. Pas de problème. Porter ira sonner chez qui à son fric. Et si on lui dit non, il ira frapper plus haut. Et si c’est toujours non, il ira chercher des noises au big boss…
Ce que j’adore dans ce scénario, c’est ce petit truand un peu minable, mais homme de principe, qui fait chier tout le monde pour 70 000 dollars. Leitmotiv du film, alors que les gars de la mafia brassent des millions, lui ne veut que ses 70 000 billets. Quand on lui parle des 130 000, il râle, s’impatiente : « Non, c’est 70 000 ». Le film procède par étages, à chaque fois Porter monte plus haut dans la hiérarchie mafieuse réclamer son dû. Resnick d’abord, un sadique qui prend son pied à frapper les femmes, et adore les coups de fouets de sa maîtresse sado, Pearl, jouée par la sexy Lucy Liu.
Puis y’aura Carter, joué par l’excellent William Devane, déjà faux jeton dans MARATHON MAN. Faut voir Porter débarquer dans son bureau, mettant au tapis deux gardes du corps avant même de dire bonjour. Carter lui enverra ses tueurs qui finiront en barbecue dans leur Bentley. Au-dessus, y’a Justin Fairfax, et là c’est carrément l’immense James Coburn qui s’y colle. Etre menacé d’un flingue est une chose, mais que Porter envoie une bastos dans ses valises en cuir d’alligator contenant ses costards sur mesure, là, non ! Y’a des trucs qui n’se font pas (bis). La scène est fameuse.
Et puis en haut de la pyramide, c’est Bronson. Kris Kristofferson. Y’a du lourd au casting. Mais l’affaire serait trop simple sans deux flics pourris jusqu’à la moelle, les inspecteurs Leary et Hicks, ce dernier joué par le colosse Bill Duke, avec sa paire de lunettes retenues par une chaine en or. Si y’a du fric à se faire, ces deux-là en seront. Porter va vraiment devoir serrer les fesses pour frayer avec tous ces vautours et en ressortir vivant.
Le scénario enchaine les scènes d’anthologie, celle de Pearl et ses sbires armés jusqu’aux dents, le traquenard de Porter pour éliminer les deux flics, Rosie en cadeau d’anniversaire pour le fiston de Bronson, Rosie encore qui voit débarquer Val Resnick l’écume aux lèvres dans son appart, heureusement pour ses miches que Porter y avait oublié ses clopes, et bien sûr la scène finale dans un appartement piégé.
Dans PIERROT LE FOU, Godard faisait dire à Samuel Fuller : « le cinéma, c’est trois choses : action, action et action ». Amen. Brian Helgeland a retenu la leçon. Pas de psychologie, de social, mais un film qui ne cesse d’avancer, qui marque son héros à la culotte, ne le lâche pas. Rarement on aura pris fait et cause pour un gars comme ça, Porter, battu, torturé, flingué, assommé, on lui roule dessus, le mec se relève et fonce. Après lui, le déluge. Il veut juste ses 70 000 dollars. Qui mieux que Mel Gibson pour endosser la panoplie, brute flegmatique qui ne cause pas, boit pas, mais flingue. Il faut le voir désarmer en une fraction de seconde l’andouille et fier à bras Arthur Stegman, petite frappe génialement joué par David Paymer. Car les seconds rôles sont choyés.  
C’est le premier film de Brian Helgeland, qui n’a pas spécialement brillé depuis derrière une caméra, mais très habile avec une machine à écrire. Ne serait-ce que pour avoir adapté L.A. CONFIDENTIAL de James Ellroy pour Curtis Hanson (1997, autre film de chevet) ce gars-là mérite un prix Nobel. Il a aussi scénarisé MYSTIC RIVER et CREANCES DE SANG pour Eastwood, GREEN ZONE pour Paul Greengrass, et bossé pour les frères Scott, Ridley et Tony.
Son film est direct, sans fioriture. Et violent (Tarantino est passé par là). Trop violent, à tel point que les studios n’ont pas approuvé le montage final. C’est le chef déco, John Myhre, qui d’après Mel Gibson aurait repris certaines scènes et modifié la fin. Helgeland a sorti sa propre version en 2006 (que je n’ai pas vue) mais apparemment moins bonne, pour une fois les pontes de la Warner ont fait le bon choix. La bande son permet d’entendre BB King, Hendrix, Dean martin ou James Brown, sherry on the cake.   
PAYBACK c’est de la série B limite classe A, comme MEMENTO de Christopher Nolan ou USUAL SUSPECTS de Brian Synger, sans le côté tarabiscoté de l’intrigue. Un pur Film Noir, en ligne claire, bien dégraissée sur l’os, génialement interprété, filmé sans génie mais filmé quand même, qui va droit à l’essentiel, le tout torché en 1h40. Je dis bravo, et je dis, j’en redemande.

** Pour l'article sur la version de John Boorman, c'est ici : Le point de non retour
Couleur  -  1h40  -  scope 1 :2.35

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