C’est quoi
un film de chevet ? Pas forcément un classique, ou un chef d’œuvre, mais
un film qu’on aime avoir près de soi au cas où. Généralement des films de
genre, et pour mézigue, des trucs comme VERA CRUZ, DE L’OR POUR LES BRAVES, HIBERNATUS
(et oui !) ADIEU POULET… Dans le
genre polar, y’en a un qui se tient là : PAYBACK. A mon avis une des
meilleures série B des deux dernières décennies, ça tombe bien, il fête ses 20
ans !
Si l’histoire
vous rappelle quelque chose, c’est normal. Le film est adapté d’un roman de
Donald Westlake (écrivain majeur de la Série Noire) qui avait déjà eu droit à
un superbe traitement au cinéma en 1967, par le tout jeune John Boorman, sous
le titre LE POINT DE NON RETOUR**, avec Lee Marvin (et chroniqué en son temps).
On dit que l’intrigue
d’un bon film se résume en une phrase. On va essayer : un petit truand délesté
de sa part de butin par ses complices est décidé à reprendre son fric. L’adage
est donc vrai. Le truand, c’est Porter. Comme (Juste) Leblanc, il n’a pas de
prénom… Porter et Val Resnick s’emparent d’une mallette de fric qui appartient
à une triade chinoise. Faut voir comment. Une ruelle, deux bagnoles face à
face, Porter qui accélère, et vlan, le coup du bélier. Y’a 130 000 dollars à se
partager. Mais Val Resnick, qui est en dette auprès de la mafia de Chicago, et rêve
d’entrer dans l’organisation, bute Porter avec la complicité de sa femme –
celle de Porter - et lui pique sa part.
Y’a des
trucs qui ne se font pas… Porter se remet finalement, aidé par Rosie (Maria Bello
vue chez Cronenberg) une call-girl à qui il servait de chauffeur. Une fois sur
pieds, il recherche Val Resnick. Sauf que le gars fait maintenant parti de
ma mafia. Et que le fric, il ne l’a plus. Pas de problème. Porter ira sonner
chez qui à son fric. Et si on lui dit non, il ira frapper plus haut. Et si c’est
toujours non, il ira chercher des noises au big boss…
Ce que j’adore
dans ce scénario, c’est ce petit truand un peu minable, mais homme de principe,
qui fait chier tout le monde pour 70 000 dollars. Leitmotiv du film, alors
que les gars de la mafia brassent des millions, lui ne veut que ses 70 000
billets. Quand on lui parle des 130 000, il râle, s’impatiente : « Non,
c’est 70 000 ». Le film procède par étages, à chaque fois Porter
monte plus haut dans la hiérarchie mafieuse réclamer son dû. Resnick d’abord,
un sadique qui prend son pied à frapper les femmes, et adore les coups de
fouets de sa maîtresse sado, Pearl, jouée par la sexy Lucy Liu.
Puis y’aura
Carter, joué par l’excellent William Devane, déjà faux jeton dans MARATHON MAN.
Faut voir Porter débarquer dans son bureau, mettant au tapis deux gardes du
corps avant même de dire bonjour. Carter lui enverra ses tueurs qui finiront en barbecue dans leur Bentley. Au-dessus, y’a Justin Fairfax, et
là c’est carrément l’immense James Coburn qui s’y colle. Etre menacé d’un flingue
est une chose, mais que Porter envoie une bastos dans ses valises en cuir d’alligator
contenant ses costards sur mesure, là, non ! Y’a des trucs qui n’se font
pas (bis). La scène est fameuse.
Et puis en
haut de la pyramide, c’est Bronson. Kris Kristofferson. Y’a du lourd au casting.
Mais l’affaire serait trop simple sans deux flics pourris jusqu’à la moelle, les
inspecteurs Leary et Hicks, ce dernier joué par le colosse Bill Duke, avec sa
paire de lunettes retenues par une chaine en or. Si y’a du fric à se faire, ces
deux-là en seront. Porter va vraiment devoir serrer les fesses pour frayer avec
tous ces vautours et en ressortir vivant.
Le scénario
enchaine les scènes d’anthologie, celle de Pearl et ses sbires armés jusqu’aux
dents, le traquenard de Porter pour éliminer les deux flics, Rosie en cadeau d’anniversaire
pour le fiston de Bronson, Rosie encore qui voit débarquer Val Resnick l’écume
aux lèvres dans son appart, heureusement pour ses miches que Porter y avait oublié
ses clopes, et bien sûr la scène finale dans un appartement piégé.
Dans PIERROT
LE FOU, Godard faisait dire à Samuel Fuller : « le cinéma, c’est
trois choses : action, action et action ». Amen. Brian Helgeland a
retenu la leçon. Pas de psychologie, de social, mais un film qui ne cesse d’avancer,
qui marque son héros à la culotte, ne le lâche pas. Rarement on aura pris fait
et cause pour un gars comme ça, Porter, battu, torturé, flingué, assommé, on
lui roule dessus, le mec se relève et fonce. Après lui, le déluge. Il veut
juste ses 70 000 dollars. Qui mieux que Mel Gibson pour endosser la panoplie,
brute flegmatique qui ne cause pas, boit pas, mais flingue. Il
faut le voir désarmer en une fraction de seconde l’andouille et fier à bras Arthur
Stegman, petite frappe génialement joué par David Paymer. Car les seconds rôles
sont choyés.
C’est le premier
film de Brian Helgeland, qui n’a pas spécialement brillé depuis derrière une
caméra, mais très habile avec une machine à écrire. Ne serait-ce que pour avoir
adapté L.A. CONFIDENTIAL de James Ellroy pour Curtis Hanson (1997, autre film
de chevet) ce gars-là mérite un prix Nobel. Il a aussi scénarisé MYSTIC RIVER et
CREANCES DE SANG pour Eastwood, GREEN ZONE pour Paul Greengrass, et bossé pour
les frères Scott, Ridley et Tony.
Son film est
direct, sans fioriture. Et violent (Tarantino est passé par là). Trop violent,
à tel point que les studios n’ont pas approuvé le montage final. C’est le chef
déco, John Myhre, qui d’après Mel Gibson aurait repris certaines scènes et
modifié la fin. Helgeland a sorti sa propre version en 2006 (que je n’ai pas
vue) mais apparemment moins bonne, pour une fois les pontes de la Warner ont
fait le bon choix. La bande son permet d’entendre BB King, Hendrix, Dean martin
ou James Brown, sherry on the cake.
PAYBACK c’est
de la série B limite classe A, comme MEMENTO de Christopher Nolan ou USUAL
SUSPECTS de Brian Synger, sans le côté tarabiscoté de l’intrigue. Un pur Film Noir,
en ligne claire, bien dégraissée sur l’os, génialement interprété, filmé sans génie mais filmé
quand même, qui va droit à l’essentiel, le tout torché en 1h40. Je dis bravo,
et je dis, j’en redemande.
** Pour l'article sur la version de John Boorman, c'est ici : Le point de non retour
** Pour l'article sur la version de John Boorman, c'est ici : Le point de non retour
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