Il y a près de sept ans, la formation FLYING COLORS a défrayé la chronique pour deux raisons.
La première parce qu'il s'agit d'un super-groupe réunissant des musiciens de haut vol, certains adulés et d'autres, plus modestement, seulement reconnus et encensés par leurs pairs. La seconde parce que leur premier essai est tout bonnement une tuerie. Vouaille.
Ici, le terme "super-groupe", usé depuis des années par des approches commerciales, parfois peu louables, n'est pas galvaudé. En effet, comment nommer autrement une formation regroupant :
- Steve Morse, l'actuel guitariste de Deep-Purple, un des fondateurs des Dixie Dregs, qui a joué avec Kansas (la reformation de 1986), Living Loud (réunissant Jimmy Barnes, Bob Daisley et Lee Kerslake !). Et pour le fun, le Steve Morse Band (huit albums studio), et en nom propre, trois galettes.
- Mike Portnoy l'ancien batteur de Dream Theater, puis d'Adrenaline Mob, parallèlement de Neal Morse, de Transatlantic et de Winery Dogs (avec Richie Kotzen et Billy Sheehan) ; sans oublier diverses participations et projets éphémères.
- Dave LaRue, l'immense bassiste des pointus Dixie Dregs, que l'on retrouve aussi avec Vinnie Moore (2 albums), John Petrucci (2 albums), Steve Morse (8 albums) et qui accompagne sur scène Steve Vai et Joe Satriani (présent sur le "Satriani Live!")
- Neal Morse, claviériste et pierre angulaire des Transatlantic et Spock's Beard, aussi auteur d'une quantité d'albums en nom propre. (aucun lien de parenté avec le premier)
- Bien moins connu, voire pas du tout en Europe, le plus jeune - et le moins expérimenté - de la troupe, le Texan Casey McPherson ne s'est illustré qu'au sein d'Alpha Rev. Un des groupes de Rock alternatif, ou Indé, les plus en vu aux USA à partir de 2010 ; année où ses chansons ont commencé à sérieusement séduire les Etats-Unis (autre que le Texas qui avait déjà été conquis depuis déjà quelques années).
En ce qui concerne les quatre premiers mentionnés, manifestement ce sont des pointures muent par un besoin viscéral de jouer et qui semblent ne jamais prendre le temps de se mettre au vert.
Paradoxalement, le groupe paraît bien plus se recentrer sur McPherson que sur n'importe qui d'autre. Il y a déjà ses solides capacités de multi-instrumentistes - il est aussi à l'aise au piano qu'à la guitare - qui lui permettent de ne jamais être en retrait, même si évidemment il ne peut rivaliser avec les deux monstres "Morse" ; mais surtout il y a sa voix... Une tessiture et des inflexions assez particulières injectant à ce robuste Rock-progressif, des mélodies Pop, accessibles. Entre Matthew Bellamy et Freddy Nelson (⇒ lien). Un chant qui permet des ouvertures vers un public plus large, pas nécessairement amateur de Progressif et/ou Rock-heavy, et en conséquence des ouvertures également commerciales.
Le premier disque de 2012, plébiscité autant par la presse que le public, est déjà un classique. Le second, "Second Nature", sorti deux ans plus tard, marque une légère baisse de régime. Plus compacte, plus musclé mais moins pertinent.
Alors que l'on aurait pu croire que cette formation faisait désormais partie du passé, la plupart de ses membres étant accaparés par d'autres projets, un troisième album arrive sur le marché en automne 2019.
Si comme mentionné ci-dessus, le chant de McPherson peut donner à la musique de Flying Colors des perspectives commerciales, c'est avec une chanson qui a un pied dans le Heavy-metal que la joyeuse bande entame ce disque. Avec son riff purement Metôl et le jeu belliqueux de Portnoy, "The Loss Inside" rue dans les brancards. Et le suivant, "More", déjà présenté en avant-première par un clip, tout comme le précédent, garde cette immersion dans une forme de Heavy-metal lyrique. McPherson l'en extrait légèrement avec des intonations bien proche de Muse.
Deux morceaux, presque enchaînés, qui devraient logiquement séduire, sinon intéresser, les inconsolables de Porcupine Tree.
Bien qu'il s'y montre compétent et fort intéressant, Flying Colors ne tient pas à s'enfermer dans ce genre, et en sort dès "Cadence" qui revient à leur singulier Rock-progressif (après une courte introduction singeant Brian May et son harmonizer), couplant harmonie et exaltation, et coloré de refrains Pop proches d'une déclaration enflammée d'un ménestrel passionné, mettant ses sentiments à nu. On renoue avec la magie du premier essai. Il en est de même avec "Guardian" qui progresse même d'un cran. D'apparence plus simple, ce morceau parvient à allier finesse, mélodie et force, tout en plaçant en avant la batterie et la basse. Cette basse qui se fend d'un excellent solo qui, en dépit du bagage de LaRue, s'évertue à coller au caractère de la chanson, plutôt que faire de l’esbroufe. Comme pour un plat raffiné de chef, ce ne sont pas nécessairement les éléments principaux qui font la saveur du plat. Ainsi, ici, ce sont les claviers qui, bien qu'en retrait, quasiment en mode subliminal, créent une bulle mélodique. Le chant, lui, ne fait que renforcer les parois de cette bulle.
D'une pièce maîtresse on passe à une autre avec "Last Train Home", qui tire son essence du Kansas des périodes liées à Steve Walsh. Rappelons que Steve Morse fit partie de ce groupe (1986 à 1989, et 1991), et que l'autre Morse joua avec Kerry Livgren. Ce dernier Morse reprend pour l'occasion le micro et pour la dernière partie ramène cette belle pièce dans les pénates de son ancien groupe, Spock's Beard.
Plus étonnant, "Geronimo" alterne entre mouvements de Funk-Soul et mouvements de Rock FM, le tout ne se dépêtrant jamais de l'étiquette chromée de Toto. Même la tessiture de la distorsion de la guitare reprend celle de Steve Lukather. Et que dire du jeu de Portnoy qui paraît alors rendre hommage à feu-Jeff Porcaro.
Une recherche commerciale ? On peut se poser la question, d'autant plus avec l'aseptisée "Love Letter", qui a tout les attributs pour séduire les radios, avec sa Pop allégée à la Electric Light Orchestra et ses chœurs à la Beach Boys. Un morceau rigolo mais qui semble avoir été parachuté, gâchant presque la fête, cassant l'ambiance. Ce que ne parvient pourtant pas à faire "le trouble-fête" "Geronimo".
"You Are Not Alone", sombre ballade inspirée par l'expérience qu'a vécu Casey McPherson après le passage de l'ouragan Harvey au Texas en août 2017, lorsqu'il s'est porté spontanément au secours des victimes. Un appel à l'espérance, douce exhortation pour se redresser et affronter l'adversité ; une pièce chargée de spleen qu'aurait pu composer Steven Wilson.
Après un douteux "Love Letter", sujet à caution, la troupe choisit de clôturer ce troisième chapitre par une pièce ambitieuse et bien classieuse. "Crawl" est pur Rock-progressif avec de multiples changements d'ambiance qui évitent tous les pièges inhérents au genre, en particulier la pompe et l'autosuffisance. On y retrouve encore quelques points communs avec Kansas. Cependant, cette fois-ci, ils télescopent le spectre de Queen. Mike Portnoy délivre une prestation renversante, qui va à l'encontre des accusations de ses détracteurs qui l'accusent de bourrin, d'être trop "Metal". Alors que dès le premier morceau il fait preuve de retenue, de souplesse et de subtilité (et là, pourtant, il se lâche dans un blast-beat lors du solo de shredders de Steve)
"Nous sommes nés sous un ciel ensanglanté, noir et bleu, dans le spectre de la nuit... Vous êtes face au vent, et bientôt vous trouverez votre chemin. D'abord sur vos genoux. Il y a de la beauté dans l'Automne, quand nous apprenons à ramper... Il y a une ascension pour votre requiem. Descend et rampe encore, et naître... Les étoiles te tombent dessus, et ça t'éloigne..."
Le temps le confirmera ou au contraire le désavouera, mais, dans son ensemble - car leurs plus belles compositions se trouvent sur leur premier - ce "Third Degree" se présente comme le meilleur des trois.
🎶🛸🚀
C'est excessivement agaçant ces mecs qui alignent les mesures asymétriques, les 4/5, les 9/8, impossibles à suivre... du grand art ! Ecoutez l'intro batterie du 1er clip... Rien ne retombe sur rien ! Essayez de battre la mesure sur le deuxième clip, personne ne peut danser là dessus ! Typique du rock-prog hyper technique (mais des mises en places ultra classiques, presque caricaturales). On aimerait avoir un Steve Morse aussi créatif sur Deep Purple (le 2è titre c'est du DP, le riff, l'orgue Hammond, les breaks). Content de savoir Steve Morse en forme, car sur le dernier DP (le dvd bonus) il disait sa souffrance de jouer avec l’arthrite. J'espère qu'il ne se dope pas au fentanyl, comme beaucoup de ses collègues qui y sont restés (Tom Petty, Prince...)
RépondreSupprimerIntéressant ce que tu écris sur la batterie. Pour moi, sur l'excellent "Guardian", c'est chargé de triolets qui varient suivant les mouvements, ponctué de quelques roulements vifs. Et sur le break, le jeu des cymbales est en osmose avec la guitare en les laissant résonner, comme si Portnoy voulait suivre le sustain du solo de Morse.
SupprimerQuant à savoir pourquoi Steve Morse n'est pas aussi créatif sur Deep-Purple (depuis Bananas ?), le bruit court qu'il ne jouirait pas d'une totale liberté. Du moins, sur certains albums. Mais il y a aussi un problème de disponibilité. Steve, plus jeune, est plus actif extra-Purple que tous les autres membres (du Pourpre).
Mais je ne lui connaissais pas ce problème d'arthrite. Il ne donne pourtant pas l'air d'en souffrir.
Le solo de Neal Morse sur "Loss Inside" est un hommage évident à Jon Lord. Ou sinon, c'est un braquage.
Sur le dvd bonus du dernier DP, le making-of, assez intéressant d'ailleurs, on voit un Steve Morse presque aux bord des larmes expliquer qu'il souffre du poignet, que c'est devenu très dur de jouer pour lui, et qu'il ne sait pas ce que l'avenir lui réserve. Comme l'album était en prise live, ils ont beaucoup jammé, mais Morse ne pouvait pas suivre ces longues jams instrumentales, il faisait des pauses régulières. Le producteur lui faisait travailler ses solos parties par parties, et les recollaient ensuite au mixage... (donc l'aspect live du disque n'est pas si vrai que ça. Ce qui agace Ian Paice, lorsqu'il dit que les ingés son retravaillent tout derrière eux, leur son, et surtout les tempos, qui sont tous réalignés numériquement au mixage, alors que lui, joue exprès devant ou derrière le temps, voire accélère parfois volontairement sur certains passages, ce qui pour lui fait toute la saveur d'un groupe comme DP, une liberté dans l'exécution, impossible de nos jours depuis les transferts numériques. Ian Paice que je cite toujours en exemple quand moi-même je ralentis le tempo parce que j'ai trop bu !!)
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