vendredi 13 mars 2020

DARK WATERS de Todd Haynes (2020) par Luc B.


J’adore ce genre de film, comme pas mal de gens j’imagine. David contre Goliath. L’individu contre la société. Un genre très ancré dans le cinéma américain, avec pour héros des quidams, journalistes ou avocats. Récemment on a pu voir PENTAGONE’S PAPERS de Spielberg, SPOTLIGHT de Tom McCarthy (tiens, avec déjà Mark Ruffalo), et bien sûr ERIN BROCKOVICH (2000) de Steven Soderbergh, auquel on pense beaucoup à propos de DARK WATERS. A savoir le combat d’un individu seul contre le système.   
Le scénario s’inspire d’un article de journal consacré à l’avocat Robert Bilott, les réels protagonistes faisant des apparitions à l’écran, comme le rappelle le générique de fin, ça aussi les américains adorent.
De quoi ça cause. Vous avez des poêles Téfal chez vous ? Eh ben ça cause de ça… Le Téflon. Substance chimique crée par la société de pétrochimie Dupont de Nemours, un revêtement très résistant qui pour être efficace doit être aggloméré avec de l’acide perfluorooctanoïque, appelé aussi PFOA, ou C-8 (comme 8 molécules de carbone) avec une pincée de fluor concentré, ce même fluor qu’on retrouve dans les dentifrices. Waouh, il se la pète ce chroniqueur avec sa culture moléculaire… C’est que j’ai reçu à mes 8 ans le coffret Mako-Chimie.
A la fin des 70’s, l’avocat Robert Bilott intègre un cabinet d’avocats spécialisé dans l’industrie chimique, dont une enseigne manque à leur palmarès : Dupont de Nemours. (Douponne, comme prononcent les américains, société américaine crée par le français Éleuthère Irénée du Pont de Nemours au XIXème siècle, alors fabriquant  de poudre à canon). Le job de Bilott est de faire entrer de nouveaux portefeuilles client. Quand débarque en salopette dans les locaux fastueux de Taft, Stettinius and Hollister un fermier d’Ouest-Virginie, Wilbur Tennant, avec un carton rempli de VHS attestant de l’empoisonnement de son bétail par la société Dupont. Bilott pense régler l'affaire en deux jours... il plaide encore aujourd’hui, 40 ans plus tard.
DARK WATERS suit un schéma narratif éprouvé, voire convenu. Robert Bilott vient constater l’étendue des dégâts sur la propriété de Tennant, recueille les premiers indices, qui l’amènent à suspecter un scandale sanitaire national. La scène chez Tennant est prenante, quand le fermier explique ne plus pouvoir enterrer ses vaches empoisonnées mais les bruler par dizaine, petits monticules de cendres et de terre au bout de son terrain.    
Robert Bilott va se faire envoyer par Dupont tous les documents concernant le PFOA, scène ubuesque où arrivent par coursier des centaines de cartons plein de dossiers qu’il faudra lire, comprendre, trier, analyser, comme les archives du ministère de l’environnement et comptes-rendus d'experts. Le déclic se fera à partir d’une image, un plan au début du film, une gamine à vélo, souriante, les dents noircies. Même symptôme que les vaches du fermier. Or, le point commun entre les bêtes et les humains, c’est qu’ils consomment la même eau.  
Il y a des choses très intéressantes dans ce film, ces images aériennes de la ville, des fleuves et rivières où circulent le poison. Wilbur Tennant ostracisé par les habitants de sa ville, parce qu’il s’attaque au géant de l’industrie qui emploie et nourrit toute la population locale, voir le terrain de sport, l’école, financés par Dupont. Ou comment tenir en laisse et bâillonner le citoyen à coups de subventions. Ou ce paradoxe de Bilott qui attaque devant les tribunaux la société qu'il devait logiquement défendre. 
Le souci, c’est qu’il y a aussi des trucs moins intéressants. En premier lieu, la mise en scène. Y’a rien à se mettre sous la dent. C’est d’un classicisme convenu absolu. Todd Haynes qui nous avait émerveillé avec VELVET GOLDAMINE (1998), LOIN DU PARADIS (2002) ou I’M NOT THERE (2006) se montre incapable d’insuffler de la niaque à son récit, nous propose des plans sans âme, prisonnier de son sujet, le film-dossier dont il faut absolument refléter la véracité, les vrais noms, les vrais lieux, un gage d’authenticité bien américain, mais dont on se fout totalement. A l’actif de Haynes, avoir souhaité une photographie très 70’s dans les premières scènes, et un rendu plus contemporain au fur et à mesure que les années passent, le récit se déroulant sur 30 ans.
La femme de Robert Bilott, Anne Hathaway assez transparente à l’écran, choucroutée à souhait, est une caricature de ces épouses américaines des années 50 sans réelle personnalité. J’ai du mal à cerner la position du patron de Bilott, joué par le pourtant excellent Tim Robbins qu'on est content de revoir à l'écran. Défendre son associé dans sa quête de justice ou défendre les intérêts de sa société. Tout cela n'est pas clair, son personnage est pourtant attachant. Autre hic, l'acteur Bill Pullman qui fait une prestation assez mauvaise. On en vient à Mark Ruffalo, admirable comédien, mais aussi instigateur et producteur du film, donc doublement investi dans son rôle d’activiste écolo, qui fait de Robert Bilott un personnage besogneux mais terne, là où on entendait du flamboyant.
Tout est vrai, et on peine à y croire. Comme le fait que Dupont de Nemours, reconnu coupable, refuse une indemnisation globale aux 3800 et quelques victimes (comme dans l'affaire du Médiator en France) mais demande et obtient un procès au cas par cas, autrement dit, 3800 procès distincts, qui comme le dit le président du tribunal, « nous amènerait à clôturer le dossier en 2089 » une fois la plupart des plaignants décédés… Le cynisme est total, scandaleux, devrait nous prendre aux tripes et nous faire hurler, mais Todd Haynes et Mark Ruffalo préfèrent rester sur la ligne consensuelle du docu-drama richement documenté plus que sur un thriller d'investigation.
C'est pas mal fait, on ne s’ennuie pas. Mais la démonstration est redondante, centrée sur un personnage à l’écran finalement assez fade. Quand Soderbergh, Lumet ou James Bridges (LE SYNDROME CHINOIS, 1979) s’emparaient de tels sujets, ça avait plus de gueule.
Le "haletant, fascinant, bouleversant" de l'affiche est sans doute de trop.  
couleur – 2h10 – scope 1 :2.35  

1 commentaire:

  1. Voici un tel site pour regarder des films est idéal https://voirfilms.zone/ Ce n'est pas la première fois que je l'utilise et il pense qu'il peut vous être très utile mais voyez par vous-même

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