J’adore
ce genre de film, comme pas mal de gens j’imagine. David contre Goliath. L’individu
contre la société. Un genre très ancré dans le cinéma américain, avec pour
héros des quidams, journalistes ou avocats. Récemment on a pu voir PENTAGONE’S
PAPERS de Spielberg, SPOTLIGHT de Tom McCarthy (tiens, avec déjà Mark Ruffalo),
et bien sûr ERIN BROCKOVICH (2000) de Steven Soderbergh, auquel on pense
beaucoup à propos de DARK WATERS. A savoir le combat d’un individu seul contre le
système.
Le
scénario s’inspire d’un article de journal consacré à l’avocat Robert Bilott,
les réels protagonistes faisant des apparitions à l’écran, comme
le rappelle le générique de fin, ça aussi les américains adorent.
De
quoi ça cause. Vous avez des poêles Téfal chez vous ? Eh ben ça cause de
ça… Le Téflon. Substance chimique crée par la société de pétrochimie Dupont de
Nemours, un revêtement très résistant qui pour être efficace doit être aggloméré
avec de l’acide perfluorooctanoïque, appelé aussi PFOA, ou C-8 (comme 8
molécules de carbone) avec une pincée de fluor concentré, ce même fluor qu’on
retrouve dans les dentifrices. Waouh, il se la pète ce chroniqueur avec sa culture moléculaire… C’est que j’ai
reçu à mes 8 ans le coffret Mako-Chimie.
A
la fin des 70’s, l’avocat Robert Bilott intègre un cabinet d’avocats spécialisé
dans l’industrie chimique, dont une enseigne manque à leur palmarès : Dupont de
Nemours. (Douponne, comme prononcent les américains, société américaine crée par le
français Éleuthère Irénée du Pont de Nemours au XIXème siècle, alors fabriquant de poudre à canon). Le job de Bilott est de faire entrer de nouveaux portefeuilles
client. Quand débarque en salopette dans les locaux fastueux de Taft,
Stettinius and Hollister un fermier d’Ouest-Virginie, Wilbur
Tennant, avec un carton rempli de VHS attestant de l’empoisonnement
de son bétail
par la société Dupont. Bilott pense régler l'affaire en deux jours... il plaide
encore aujourd’hui, 40 ans plus tard.
DARK
WATERS suit un schéma narratif éprouvé, voire convenu. Robert Bilott vient
constater l’étendue des dégâts sur la propriété de Tennant, recueille les
premiers indices, qui l’amènent à suspecter un scandale sanitaire national. La
scène chez Tennant est prenante, quand le fermier explique ne plus pouvoir
enterrer ses vaches empoisonnées mais les bruler par dizaine, petits monticules
de cendres et de terre au bout de son terrain.
Robert
Bilott va se faire envoyer par Dupont tous les documents concernant le PFOA,
scène ubuesque où arrivent par coursier des centaines de cartons plein de
dossiers qu’il faudra lire, comprendre, trier, analyser, comme les archives du ministère de
l’environnement et comptes-rendus d'experts. Le déclic se fera
à partir d’une image, un plan au début du film, une gamine à
vélo, souriante, les dents noircies. Même symptôme que les vaches du fermier.
Or, le point commun entre les bêtes et les humains, c’est qu’ils consomment la
même eau.
Il
y a des choses très intéressantes dans ce film, ces images aériennes de la ville, des fleuves et rivières où circulent le poison. Wilbur Tennant ostracisé par
les habitants de sa ville, parce qu’il s’attaque au géant de l’industrie qui
emploie et nourrit toute la population locale, voir le terrain de
sport, l’école, financés par Dupont. Ou comment tenir en laisse et bâillonner
le citoyen à coups de subventions. Ou ce paradoxe de Bilott qui attaque devant les tribunaux la société qu'il devait logiquement défendre.
Le
souci, c’est qu’il y a aussi des trucs moins intéressants. En premier lieu, la
mise en scène. Y’a rien à se mettre sous la dent. C’est d’un classicisme convenu
absolu. Todd Haynes qui nous avait émerveillé avec VELVET GOLDAMINE (1998), LOIN
DU PARADIS (2002) ou I’M NOT THERE (2006) se montre incapable d’insuffler de la
niaque à son récit, nous propose des plans sans âme, prisonnier de son sujet, le
film-dossier dont il faut absolument refléter la véracité, les vrais noms, les
vrais lieux, un gage d’authenticité bien américain, mais dont on se fout
totalement. A l’actif de Haynes, avoir souhaité une photographie très 70’s dans
les premières scènes, et un rendu plus contemporain au fur et à mesure que les
années passent, le récit se déroulant sur 30 ans.
La
femme de Robert Bilott, Anne Hathaway assez transparente à l’écran, choucroutée à souhait, est une
caricature de ces épouses américaines des années 50 sans réelle personnalité. J’ai du mal à cerner la position du patron de Bilott, joué par le pourtant excellent Tim
Robbins qu'on est content de revoir à l'écran. Défendre son associé dans sa quête de justice ou défendre les intérêts de sa société. Tout cela n'est pas clair, son personnage est pourtant attachant. Autre hic, l'acteur Bill
Pullman qui fait une prestation assez mauvaise. On en vient à Mark Ruffalo,
admirable comédien, mais aussi instigateur et producteur du film, donc doublement investi
dans son rôle d’activiste écolo, qui fait de Robert Bilott un personnage
besogneux mais terne, là où on entendait du flamboyant.
Tout
est vrai, et on peine à y croire. Comme le fait que Dupont de Nemours, reconnu
coupable, refuse une indemnisation globale aux 3800 et quelques victimes (comme dans l'affaire du Médiator en France) mais demande
et obtient un procès au cas par cas, autrement dit, 3800 procès distincts, qui
comme le dit le président du tribunal, « nous amènerait à clôturer le
dossier en 2089 » une fois la plupart des plaignants décédés… Le cynisme
est total, scandaleux, devrait nous prendre aux tripes et nous faire hurler, mais Todd Haynes et Mark Ruffalo préfèrent rester sur la
ligne consensuelle du docu-drama richement documenté plus que sur un thriller d'investigation.
C'est pas mal fait, on
ne s’ennuie pas. Mais la démonstration est redondante,
centrée sur un personnage à l’écran finalement assez fade. Quand Soderbergh, Lumet
ou James Bridges (LE SYNDROME CHINOIS, 1979) s’emparaient de tels sujets, ça
avait plus de gueule.
Le "haletant, fascinant, bouleversant" de l'affiche est sans doute de trop.
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