samedi 14 mars 2020

HAYDN / HUMMEL - Concertos pour trompette – Alison BALSOM – par Claude Toon



- Ah, je me disais dernièrement qu'il y a bien longtemps que Claude ne nous a pas déniché l'une de ses artistes canons et sans doute talentueuses… De la trompette !
- Oui, ça change du violon et du piano, les virtuoses de la trompette sont souvent des hommes, comme Maurice André en classique, en jazz on ne les compte plus…
- En effet, Chet Baker, Miles Davies, Louis Armstrong, ceux qui me viennent à l'esprit… Une américaine cette belle blonde ?
- Non anglaise Sonia, une grande fille aux allures de top model, elle a complété ses études au Conservatoire de Paris… Petite quarantaine et discographie abondante…
- Il n'est pas très long ce concerto de papy Haydn ? C'est qui Hummel ?
- Non mais la musique, ce n'est pas au poids. Mais il est bien composé et rigolo, comme d'habitude Haydn associe poésie et humour, un grand cru du répertoire… Celui de Hummel, un contemporain de Beethoven est souvent joué en complément d'un disque…

Trompette baroque (1600)
Trompette à clefs (1790) ; celle de Haydn
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Trompette moderne à piston de 1890
Ce concerto brillant est une œuvre tardive de Haydn, de 1796 pour être précis. La raison est technique, on venait d'inventer en 1790 (le trompettiste virtuose Anton Weidinger) une trompette à clefs qui permettait de jouer toute la gamme chromatique à douze tons donc les notes altérées par des ♭ et des ♯ et non uniquement la gamme naturelle de do majeur par exemple. Avant, depuis le moyen-âge, les trompettes étaient un simple tuyau de laiton enroulé, avec des trous bouchés avec les doigts, comme les flûtes à bec. Cette limitation harmonique explique que le répertoire pour soliste soit si pauvre avant la fin du siècle des lumières… Cela dit, mais modernisée, la trompette n'est pas un instrument très en vogue par son côté clinquant et agreste, on l'entend depuis des siècles sonner dans les fanfares et les finals des oratorios (Alléluia du Messie de Haendel) et les cantates de Bach pour proclamer la grandeur du Divin. En ce siècle où le violon et le piano s'imposent comme les instruments majeurs, la trompette apparaît comme ringarde… Hormis Haydn et Hummel dont le concerto est aussi présent sur le disque, les compositeurs célèbres ne s'y intéressent guère…
Au début du romantisme, la trompette à clefs aura du mal à s'imposer, le mécanisme étant peu pratique. L'invention vers 1865 de la trompette moderne à pistons permettra à l'instrument d'acquérir ses lettres de noblesse. Dans l'orchestre, on lui confie des solos très difficiles (symphonie 5 & 9 de Mahler, Petrouchka de Stravinsky) et des concertos et pièces diverses lui sont dédiées.
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Alison Balsom
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Hummel
Alison Balsom est native du Hertfordshire, un comté au nord de Londres. Pour les amateurs de people et pour dissuader Rockin' de toute tentative galante, la blonde trompettiste n'est autre que Madame Sam Mendès à la ville, le réalisateur de American Beauty (4 oscars) et aussi de Les Sentiers de la perdition, de Spectre, un Bond avec Daniel Craig et de 1917 commenté récemment par Luc.
Elle commence l'étude de la trompette dès l'âge de 7 ans. Elle fréquente divers conservatoires britanniques et sort diplômée à seulement 16 ans de Cambridge. Elle vendra se perfectionner au Conservatoire supérieur de Paris connu pour la qualité de l'enseignement adapté aux instruments à vent.
La jeune femme impose son instrument sur toutes les scènes du monde malgré un répertoire moins fourni, le mot est faible, que celui pour le piano, le violon et même la flûte. Elle étend le catalogue assez mince pour la trompette soliste, quelques soient les modèles, en établissant des transcriptions de concertos pour d'autres instruments et en créant nombres d'œuvres contemporaines composées à son intention, tel le concertino pour trompette de James MacMillan.
Sa discographie est très riche avec environ une douzaine d'albums à son actif réunissant une myriade de compositeurs de l'époque baroque à notre temps : Purcell, Messiaen, Françaix, Hindemith, Martinů, Vivaldi, Bach, Debussy, des dizaines d'autres plus ou moins célèbres… L'album de ce jour de 2008 comporte deux des concertos les plus prisés, ceux de Haydn et de Hummel mais aussi de Jan Křtitel Jiří Neruda de l'époque classique tchèque ou de Torelli, un baroqueux italien.
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Concerto de Haydn :
Le premier point commun avec celui de Hummel est qu'il a été composé et dédié au trompettiste virtuose Anton Weidinger, l'inventeur de la fameuse trompette à clefs jouant "juste" toutes les gammes chromatiques. Le concerto daté de 1796 est ainsi en mi bémol majeur, une création impossible même à l'époque de Mozart mort en 1791… Très divertissant, il est créé par son dédicataire en 1800 mais devra attendre 1929 pour son édition ; il fait le bonheur des trompettistes…
En 1796 Haydn a achevé depuis peu son fabuleux cycle de 104 symphonies dont les 12 dernières, les londoniennes, font appel à un orchestre étoffé qui sera en termes d'effectif la référence en cette fin de l'époque classique et pendant les débuts du romantisme, notamment chez Beethoven. Les trombones devront attendre plus tard. Donc :
2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 trompettes naturelles, 2 cors, deux timbales et les cordes.
Pour la douzaine d'années de vie qui le guideront à l'âge vénérable pour l'époque de 77 ans, Haydn abandonne l'univers symphonique pour la composition de six messes (l'homme était franc-maçon mais il faut bien avoir un gagne-painJ). Et puis on ne peut passer sous silence les oratorios La Création et Les Saison de 1798 et 1801, aboutissement et synthèse de son art. Il composera peu au début du XIXème siècle, fatigué et souffrant mais dieu vivant dans le monde musical viennois…
On pense à tort que Haydn a peu composé de concertos. On en compte quand même 44 pour la plupart des instruments : piano et clavecin, flûte, cor, etc. et même pour vielles à roue ! Ceux pour violoncelle sont les plus connus. Des œuvres agréables mais occultées par le génie des concertos de Mozart ou de Beethoven, d'une hauteur de vue bien supérieure… Celui pour trompette est unique en son genre, une composition conjoncturelle en rapport avec la trompette chromatique toute neuve…

L'œuvre est de forme traditionnelle en trois mouvements :
Anton Weidinger
Allegro : Haydn a toujours fait preuve d'élégance et d'épicurisme dans ses musiques. Bien entendu la trompette a le beau rôle mais la thématique n'est en rien démonstrative. La virtuosité se met au service du divertissement et de la poésie. Alison Balsom obtient de sa trompette un phrasé incisif mais jamais criard, une justesse inouïe et un brillant legato. L'orchestre de chambre allemand de Brème reste vaillant mais lui aussi sans pesanteur.
Andante : Haydn réutilisera le thème galant de ce mouvement pour écrire  l'hymne autrichien en 1797

Allegro : Très guilleret et martial, un défilé amusant de soldats de plomb,  appliquant la forme sonate et la forme rondo. J'ai utilisé le trépidant motif pour l'illustration sonore d'un film-diapos créé par des enfants vers 1970… (Le numérique n'existait pas, on galérait). L'histoire d'une marguerite triste d'être plantée prisonnière de la terre. Elle s'ennuie et décide de partir en voyage découvrir le monde… La petite mélodie sautillante et ludique jouée par la trompette servait d'intermède en leitmotiv quand la fleur aventureuse se déplaçait d'une scénette à une autre😊.

Concerto de Hummel :
Je ne m'étends pas aujourd'hui sur la biographie de ce compositeur jamais invité dans le blog. C'est un papier sur la trompette dans l'univers concertant et je ne veux pas voler la vedette à notre Alison au look de fée elfique. Contemporain de Beethoven (1770-1827), Johann Nepomuk Hummel (1778-1837) appartient à ce groupe de compositeurs assurant la transition entre les styles "classique" et "romantique" à l'ombre de Mozart et de Beethoven mais aussi de Haydn qui fut son professeur.
Thomas Klug
Si sa musique ne rivalise pas avec le génie de celle des trois grands maîtres cités auxquels on peut ajouter Schubert, sa production n'est pas  dénuée d'intérêt, loin de là, surtout à l'écoute de certains de ses six concertos pour pianos qui à l'époque étaient autant appréciés du public que ceux de Ludwig van… Même si les rapports avec l'ombrageux Beethoven connurent des tensions, les deux hommes étaient amis, et également pianistes virtuoses l'un et l'autre. Je consacrerai un billet à l'un de ses concertos pour piano forte. Ses opéras sont oubliables…
Le concerto pour trompette daté de 1803 est dédicacé à Anton Weidinger comme celui de Haydn. Les deux concertos partagent la même tonalité : mi bémol majeur, mais celui-ci peut être joué en mi majeur. Dans les deux cas des tonalités optimistes… Petit détail, Hummel composera aussi un trio pour trompette à l'intention d'Anton Weidinger.
L'orchestration du concerto de Hummel est plus chambriste et proche de celle d'un Mozart : 1flûte, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors, timbales et cordes. L'ouvrage comporte très classiquement trois mouvements. Le concerto dure près de 25 minutes soit le double de celui de Haydn.
1 - Allegro con spirito : bien que l'orchestration soit plus légère, l'allegro présente une introduction allègre et solennelle qui expose les thèmes du mouvement. [2:03] La trompette fait une entrée tardive avec héroïsme pour proclamer le premier thème et galanterie pour énoncer le second. La structure en forme sonate est requise, un allegro à l'esprit épique qui par moment m'a fait penser à la puissance du concerto l'Empereur de Beethoven (toute proportion gardée). J'avais oublié de préciser que l'orchestre est conduit par Thomas Klug originaire de Hanovre.
2 – Andante : Très charmeur, l'andante adopte l'esprit romantique. Sur une scansion des cordes, un motif élégiaque agrémenté de trilles (quelle finesse dans le jeu de l'artiste) ouvre le mouvement lent. Le développement est introduit par des trilles à la flûte, une orchestration plutôt originale, très beau chant du hautbois également. Et même un climax lyrique achève l'andante…
3 – Rondo : directement enchaîné, le rondo est une course folle très rythmée et incisive, une danse bucolique endiablée. Ne pas oublier : une très belle prise de on !
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2 commentaires:

  1. Ah, ça y est : je constate que Warner Classics cède également à la mode des pochettes de CD racoleuses, phénomène dont Decca s'était fait une spécialité ces dernières années ;-) !!! Bon, ça ne casse pas trois pattes à un canard, ces deux concertos pour trompette -je cherche encore trace de l'Empereur de Beethoven : le test est négatif chez moi ;-) -, mais ça permet de passer une agréable demi-heure musicale ! Et ça rajoute à l'aspect "cuivré - chasse à courre" de ma journée d'hier :-)

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  2. Je ne vois pas pourquoi, les artistes classiques de la nouvelle génération devraient s'afficher avec des godillots, habillées comme pour se rendre à des obsèques, un chignon grisonnant et des lunettes en écailles :o))))
    Non pas des chefs-d'oeuvre, mais ça change...
    Oui, "l'empereur", c'est très fugace, limite psy :o)
    Le papier sur l'ouvrage pianistique de 4 plombes et plus paraît jeudi

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