- M'sieur
Claude, après Beethoven, Schumann et Brahms, le cycle complet des chroniques
consacrées à Bruckner touche à sa fin…
- Oui Sonia, il restera la 1ère
symphonie et peut-être en été une brève pour la symphonie de jeunesse en Fa
reniée par le compositeur, pas top en effet…
- La 7ème
est l'une des plus abouties parait-il, voire même l'unique succès du vivant de
Bruckner. Vous confirmez ? C'est quoi ou qui Nowak ?
- Oui, l'allegro
et l'adagio confirment le génie d'un compositeur qui connaît enfin un
début de reconnaissance… Nowak est l'ultime édition critique, j'expliquerai…
- Encore un
nouveau chef dans la série d'articles Bruckner. Bernard Haitink, souvent écouté dans le
blog, il a pris sa retraite à 90 ans passés en septembre je crois…
- Oui deux
derniers concerts. J'ai longtemps hésité pour choisir l'interprétation entre des
dizaines de gravures… Celle-ci est un miracle d'un brucknérien historique…
Je me rappelle toujours avec sympathie le récit de
l'initiation de Luc au concert symphonique avec la 5ème symphonie. Luc précisait
"ce qui caractérise Bruckner est la brièveté de ses thèmes". Amusant, car
c'est tout le contraire, ainsi dans la 7ème
symphonie le premier thème sur les trois que comprend l'allegro
initial s'étire sur 21 mesures (en deux phrases) soit 1'05". Bruckner avait piégé notre ami Luc. Comment ? Ces longs
thèmes sont constitués de plusieurs motifs enchainés que le compositeur adore
disséminer dans les développements à la polyphonie complexe. Pour conclure cette remarque, dans
la 5ème, le thème principal du final comprend quatre sections que le
diable de musicien ne présente dans leur continuité qu'au bout d'une vingtaine
de minutes ! Et pour en rire, je signale que le rédacteur "pro" de l'article de Wikipédia
a voulu donner l'exemple solfégique, mais a tout bonnement oublié la seconde phrase de ce grand
thème ascensionnel et élégiaque débutant la 7ème… 😄.
La 3ème symphonie de 1873 fut dédiée à Wagner
qui trouva la partition de son cadet intéressante (Clic). Mais Anton devra attendre
1890 pour assister à la première et encore dans
une version estropiée… Bruckner est toujours un fan du
compositeur de Tristan
et du Ring,
son style représentant l'osmose entre le contrepoint de Bach
et le chromatisme wagnérien. À Vienne la conservatrice, admirer le maître munichois
de l'opéra est quasiment un blasphème. Le critique et écrivain Eduard Hanslick continue donc de torpiller l'œuvre de Bruckner. Hanslick n'a quasiment aucune formation
musicale, ne joue d'aucun instrument, mais reste le maître à penser autoproclamé
de la vie musicale viennoise et notamment des opérettes un tantinet simplettes.
Seul Brahms trouve grâce à ses yeux…On en reparlera la semaine prochaine.
Le premier mouvement de la 7ème symphonie est achevé en juillet 1882, juste avant que l'Europe des
compositeurs fasse le voyage à Bayreuth pour écouter la création de Parsifal, le drame sacré (pour reprendre
la terminologie de Wagner) qui sera son ultime
chef-d'œuvre lyrique. Bruckner apporte alors des retouches à son premier mouvement,
mais l'influence de cette expérience mystique à Bayreuth ne s'arrêtera pas là.
Artur Nikisch |
Le succès populaire de la 7ème symphonie
ne s'est jamais démenti. Moins parfaite que la 8ème mais
plus accessible que la 5ème et son final
sophistiqué, elle est devenue le hit des concerts incluant une symphonie de Bruckner. Facile à interpréter ? Justement
non, notamment les codas des mouvements extrêmes qui doivent échapper à des
dérives outrancières d'esprit wagnérien au bénéfice de la poésie… Et cela, Bernard Haitink dans ce disque de 1978 l'a bien compris, ce qui est rare dans la
pléthore de gravures existantes…
Rencontrant d'emblée le succès, la symphonie n'a que très peu
été revue par le compositeur, juste des détails comme le coup de cymbale de l'adagio (avec ou sans ?)…
Trois éditions sont utilisées par les chefs : Édition Gutmann de 1885 du nom
du premier éditeur – qui n'aimait pas l'œuvre. Et celles des musicologues Robert Haas et Leopold Nowak (1944 et 1954) qui sont les références (parfois contestées) de nos
jours… Bernard Haitink utilise la
partition de Nowak pour cette
interprétation de 1978. (Partition)
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Bernard Haitink est déjà très
présent dans le blog. Logique pour cet artiste néerlandais qui peut se targuer d'une
carrière de plus de soixante ans. Dans les années 60, il sera l'un des premiers
à graver une intégrale Bruckner pour Philips en compétition avec Eugen Jochum
pour DG. (Clic)
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Décor pour Parsifal |
2/2/2/2, 4 cors, 4 tubas wagnériens*,
3 trompettes, 3 trombones (ténor, alto et basse), Tuba, cymbales*, triangle*,
timbales, cordes.
(*) Dans l'adagio et le final, uniquement pour les tubas.
1 - Allegro
moderato : Surgissent du néant des trémolos aux violons 1 et
2. Des trémolos qui baignent l'exposé de la sidérale double phrase qui
constitue le thème A de 21 mesures. Un thème d'une grande noblesse
caractéristique du style des introductions des symphonies de Bruckner. Un thème articulé sur des arpèges et des sauts
de double octave ; émotionnellement : une grandeur mystique qui ne s'oppose en
rien à un romantisme bucolique. Il est dommage qu'au disque, on n'entende
jamais la clarinette qui accompagne la seconde phrase. [1:27] Forme sonate
oblige, le thème est réexposé dans son intégralité mais accompagné par les bois à l'unisson et une tenue des cors divisés en deux groupes, comme
les isons dans le chant grégorien originel. (Ison : note tenue sans aucune rupture par des basses profondes pendant
le récitatif d'un verset voire d'une litanie très longue).
Caspar David Friedrich - Paysage rocheux |
Le thème 2 est introduit de manière très ludique et
allègre par les bois avant que de nouveau les cordes s'élancent vent debout. [4:28]
Exposé du troisième thème, devenu un passage obligé chez Bruckner pour agrémenter d'une riche
polyphonie des mouvements très longs sans lassitude. Ce sont les cors lointains
puis les trompettes qui le chantent sur un écrin de pizzicati. Encore une mode
d'orchestration déjà très prisé depuis la 5ème
symphonie un peu méchamment surnommée la symphonie des pizzicati.
[5:02] L'orchestre se déploie sur ce thème mettant à contribution tous les
pupitres, enfle pour conduire le passage jusqu'à un climax marqué par une
fanfare robuste [6:51]. Cette exposition se termine par une péroraison
construite sur un renversement du thème 3 et montre à quel point de symphonie
en symphonie, Bruckner a appris
à maîtriser clairement une étonnante profusion d'inventions mélodiques à partir de motifs
complexes mais attachants. Une recherche ardue concrétisée par un contrepoint complexe
sur la partition, mais très lisible à l'écoute, et surtout sans aucune
répétition pour satisfaire le dogmatisme de la forme sonate. [7:39] Cors et
bois entonnent les premières mesures du développement. Après les accents
agrestes concluant le début de l'allegro, la musique devient méditation, alternant
répons concertant des bois [8:05] et prière allante des violoncelles [9:19].
Rarement Bruckner n'a
atteint une telle sérénité religieuse teintée d'optimisme.
[11:16] Qui dit compositeur de nature tourmentée dit transcription de son angoisse dans sa musique, souvent par un passage
pathétique, mais ici et curieusement, s'éclairant de mesure en mesure. Cette
évolution sans transition marquée prend aux tripes et, très habilement, nous
reconduit à la réminiscence du thème 1 [12:55] ; sans relâche remettre son
ouvrage sur le métier, ainsi se résume le travail de Bruckner… Une reprise des
différents thèmes avec des jeux d'orchestration passionnants nous conduira vers
la coda. [19:32] Après un long crescendo élégiaque, la coda se déchaîne : frémissements
des cordes et dialogues des vents gagnent une puissance cataclysmique mêlant
accords des cuivres et des bois, roulements de timbales, quartelets fff
implacables aux violons et scansions farouches aux cordes graves ; une forme de
conclusion titanesque facilement transposable à l'orgue rugissant sous une
voûte…
Avant de
poursuivre, deux mots sur l'approche de Bernard Haitink. Le Concertgebouw est à son niveau habituel : des cordes généreuses et sans vibrato imprécis, aucun pathos, des cuivres éclatants. Le tempo est idéal quant à
l'équilibre entre la spiritualité opposée à la contemplation et à l'évocation
du terroir qu'aimait tant Bruckner étranger aux mondanités
viennoises… Prise de son correcte. Capter avec clarté cette musique devient un sport de
haut niveau 😃.
Caspar David Friedrich - Entrée d'un cimetière |
Appuyé
sur un premier groupe thématique A lui-même scindé en quatre sections A1 à A4,
l'introduction en ut # mineur, la tonalité
douloureuse par excellence, s'étire sur 37 mesures !! A1 : Un choral des tubas
wagnériens et du tuba basse énonce un prologue plutôt qu'un motif principal.
Souligné par une déploration des altos et des cordes graves, il émane de ces
premières mesures un immense chagrin. La couleur sépulcral des tubas s'imposent
ici a contrario de celle plus lyrique et brillante des cors, choix ingénieux d'orchestration. Cette innovation
dans l'orchestration, sans doute un hommage à Wagner
qui imagina l'instrument construit par Sax
pour le Ring,
fera école dans les deux dernières symphonies à venir, mais en alternance
avec quatre cors supplémentaires. [21:35] Le motif A2, le sous-thème et leitmotiv
principal de l'adagio, affligé et haletant, constitué d'une suite d'arpèges rabattus (montants-descendants),
surgit mf, rythmé comme une marche funèbre mais sans trop
d'accentuation ni d'héroïsme comme dans la 3ème de Beethoven, plutôt de la rage face à la perte
d'un ami. Ce motif est longuement développé crescendo puis decrescendo, ressentiment
puis résignation. [22:15] A3 : un motif court et sinueux symbolisant
peut-être l'incompréhension face au mystère du trépas. [22:15]
A4 : une mélodie sinueuse, aux cordes, le groupe instrumental dominant dans
cette longue introduction, mélodie qui s'élance dans l'aigu à travers diverses variations
secondaires : une lumière d'espoir aux clarinettes et un dernier choral des
tubas pour clore une séquence de 36 mesures 4/4 en tout et pour tout… Bruckner atteint la quintessence de ses
élans mystiques. Bernard Haitink adopte un tempo marqué, assagissant le climat
possiblement mortifère de cette procession au bénéfice d'un phrasé articulé et quasi
lumineux. J'ai réécouté l'interprétation en live de Celibidache
à Munich, et à ma grande surprise, les tempos trop étirés qui firent la
renommée en termes de spiritualité du chef diluent exagérément à mon sens la
densité de la polyphonie et donc la passion qui doit s'en dégager. Juste une impression à confirmer.
Caspar David Friedrich - Crépuscule |
3 - Scherzo :
sehr schnell (Très rapide) : Bruckner aimait
bien les scherzos bien carrés, puissants, des scherzos mettant en scène des
fêtes villageoises et des robustes paysans. Autre constante, leur forme est
d'une rigueur académique parfaite😊. Scherzo-trio-scherzo
da capo. Sur la forme, aucune fantaisie alors que Schumann dans sa 1ère
symphonie nous entraînait dans une joyeuse folie en moins de six
minutes, n'hésitant pas à insérer deux trios dans son mouvement… Cette absence
de prise de risque s'explique sans doute par les éternelles critiques à l'égard
de son écriture déjà complexe en termes de contrepoint. On ne retrouve même
plus les petites codas insolites des scherzos des 2ème et 3ème
symphonies (et encore présentes en fonction des éditions et réécritures successives).
Caspar David Friedrich - Monastère en ruine au soleil |
[46:56] Le trio avec son thrène poétique des cordes
contraste nettement avec la rythmique acérée du scherzo. Des interventions au
caractère descriptif et champêtre aux bois, cuivres et même timbales
agrémentent cette promenade naturaliste se concluant par une mini coda, un conciliabule
délicat entre les bois sauf les bassons, de pp à ppp. [49:47] Reprise da
capo du Scherzo. Nonobstant sa symétrie répétitive, nous sommes ici très loin
des scherzos de pur divertissement et franchement parfois insipides des débuts
du romantisme. Par son tempo soutenu comme indiqué, Bernard
Haitink nous mène à la fête. N'avons-nous pas entendu Bruckner trop
souvent interprété à gros traits épais et teutoniques ?
4 - Finale : bewegt, doch nicht schnell (mouvementé,
mais pas trop rapide) : Pour le final, la tâche est rude après l'écoute
d'un grand allegro tri-thématique généreux, d'un adagio qui joue la carte de
l'immuabilité et du deuil telle une liturgie symphonique, et d'un assez bref mais
trépidant scherzo plein de panache. Bruckner avait
trop souffert des critiques concernant la démesure de ses symphonies pour
réitérer une conclusion bâtie sur un final très complexe et de plus de vingt minutes, comme pour les 4ème et 5ème symphonies. Prudent, il
souhaite achever sur une note optimiste son ouvrage commencé positivement en
mi majeur, une tonalité positive, un choix rarissime dans sa production. Dans l'interprétation écoutée,
le final ne dure que douze minutes… Pour l'auditeur de l'époque, l'impression d'assister à un renouveau artistique à l'écoute des trois
premiers mouvements risquerait d'être une nouvelle fois contredite par un final
potentiellement roboratif… Si Bruckner continue
de composer un final construit sur plusieurs thèmes, on n'entendra là que des motifs
brefs.
[53:24] Premier motif arpégé, gorgé de vitalité, un
rien martial ; joué par violons et altos et conclu par une espièglerie du
hautbois solo. [53:45] Rapide reprise, mais aux cordes graves avec
interventions du hautbois puis, sur les deux dernières mesures, des cors et des
trompettes fort vaillants, fantaisie d'orchestration exprimant le désir du
compositeur d'écrire avec simplicité pour le mélomane mais avec d'élégantes
fioritures. [53:59] On continue ! Troisième idée, un peu plus longue, énoncée
toujours allègrement par les deux clarinettes, la flûte et les vents accompagnés par
des trémolos des violons 1 et 2. Là encore pour colorer le récit, les cors interviennent
pendant les quatre mesures du motif. On retrouve donc le principe de l'allegro,
à savoir constituer un groupe thématique imposant à partir de trois thèmes
variés. Les transitions sont assurées par un changement d'orchestration, le
style général de l'ensemble étant écrit sous le signe d'un phrasé bien cadencé. [54:30]
Une mélodie sinueuse constitue le second groupe thématique. Il est réservé au début aux violons et altos, tandis que violoncelles
et contrebasses en pizzicati voientt le retour de deux incursions des tubas
wagnériens et du tuba basse. Un cas unique dans les trois dernières symphonies que la présence
de ces instruments hors de l'adagio. Ce beau récitatif va se prolonger avec un
léger crescendo.
[56:22] Furieusement ff, l'orchestre fait
jaillir toutes ses forces sur une reprise du motif introductif dans une
tessiture élargie. Le tempo est ralenti pour offrir à l'ensemble une vigueur à la
fois dionysiaque et cyclopéenne. LE développement ? Oui, sans doute. Je ne
commente plus. Nous n'avons écouté qu'une centaine de mesures sur 339 ! J'avoue
avoir mis un certain temps dans ma jeunesse à percer la richesse de ce mouvement très
"mouvementé", comme Bruckner le
précise dans l'indication de tempo d'entrée de jeu. Et dire que le musicologue Jean Roy disait dans les années 70 "cette musique m'ennuie".
Je dirais tout au contraire que dans ce final, elle m'amuse, mais Bernard Haitink et son orchestre
d'Amsterdam n'y sont pas pour rien grâce à la précision des attaques et l'équilibre entre les pupitres. [1:04:28] la coda s'annonce aux cors telle une
péroraison sur le motif 1. Comme un certain loup dans un conte, l'orchestre ne
cesse de gonfler et d'enfler ; une ascension titanesque nourrie ff d'arpèges granitiques
jusqu'à l'ultime retour de l'arpège du thème A de l'allegro clamé par tout le
groupe des cuivres, les cinq tubas compris !! Vingt dieux !
Pour paraphraser la petite femme de ménage dans une
pub culte pour Pliz, (Vidéo) Bruckner a dû se
dire, angoissé par l'accueil qui attend sa partition, "je n'écrirai pas cela tous les jours".
Notez bien qu'en tant que Toon, je ne rédigerai pas non plus tous les jours des
chroniques aussi vastes 😅 ! N'écoutez
pas à pleine puissance en pleine nuit, vous risqueriez de finir fiché S.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Très populaire au concert, cette symphonie, la
seule à s'être imposée du vivant de Bruckner avant
l'intérêt porté à l'ensemble de son catalogue à partir des années 60, et encore
pas à pas, dispose d'une discographie pléthorique.
L'œuvre est restée chasse gardée de la culture
germanique pendant toute la première moitié du XXème siècle, des
interprétations parfois marquées des lourdeurs teutoniques jusqu'à
l'incompréhensible pour cette musique d'essence mystique et romantique. On
atteint l'absurdité absolue avec son appropriation par Hitler, Goebbels et Cie qui associeront
stupidement leurs idéaux de virilité aryenne et de passion pour les légendes païennes
guerrières aux débordements orchestraux
de Wagner et de Bruckner. Même
pour Wagner, le final apocalyptique du Crépuscule des Dieux, une extinction
totale de la soi-disant race supérieure, ne peut pas faire oublier le monceau de ruines d'un Berlin
anéanti avec son führer, conséquence de la folie de soudards qui se sont pris
pour les personnages très heroic fantasy de Wagner, soit des
surhommes. L'adagio a été diffusé sur la radio allemande au lendemain de la
mort d'Adolf Hitler. Brrr ! Le timide, bonne pâte et peu séduisant Anton qui dédicaça
sa 9ème
et dernière symphonie "au bon Dieu" a du se retourner
dans sa tombe. Par aille<!! Critical event !! current buffer is full - contact your system
manager>
- Mamzelle
Soniaaa… Mon article est en carafe… un pb informatique, comprends pas…
- Voyons… Ah,
c'est M'sieur Luc qui a attribué des quotas de MBytes pour limiter les
chroniques romans comme les votres… Je veux bien vous redonner 100 Koctets supplémentaires,
mais pas un de plus…
Donc, les grands interprètes brucknériens historiques
comme Wilhelm Furtwängler, Otto Klemperer ou Eugen Jochum ont largement participé à la
discographie de la grande tradition saxonne. Le premier a laissé des
témoignages d'une sensibilité sidérale, mais il faut bien le dire, la monophonie
dessert cette musique aux timbres brumeux par moments. L'enregistrement de Jochum pour DG de 1964 avec la Philharmonie de Berlin reste une pièce
maîtresse de sa première intégrale pour le label hambourgeois ; il récidivera à Dresde pour EMI. Mais, est-ce que vivacité doit
rimer avec austérité ? À écouter pour la noblesse du trait. On trouve des
interprétations dans diverses intégrales connues, mais les hits sont
curieusement des témoignages isolé sur un album. (DG – 5/6)
Grand brucknérien, Karl
Böhm avait enregistré en 1976
les 7ème
et 8ème
à Vienne, un coffret qui fit sensation par
sa légèreté, la 7ème étant disponible en édition bon marché. Quarante ans plus tard, des approches plus aériennes ont changé la
donne, et à cette interprétation somme toute un peu raide on préfèrera la luminosité
d'un live de 1977 avec l'orchestre de la radiodiffusion bavaroise (Audite – 6/6).
Autre légende de la tradition autrichienne, Herbert von Karajan revient à la fin de sa
vie à Bruckner qu'il avait bousculé sèchement dans son
intégrale inégale des années 70-80. En 1989,
quelques semaines avant sa disparition il enregistre son ultime gravure avec
cette symphonie. Pour une fois, diraient les méchantes langues, nous n'écoutons
pas le maestro mais Bruckner :
articulation parfaite, couleur de la philharmonie de
Vienne somptueuse, tempos acérés chassant tout hédonisme, bref une
gravure testamentaire et bouleversante (DG - 6/6).
Surprise. Jeune, Nikolaus
Harnoncourt disait de Bruckner, de
mémoire "ce
compositeur a passé sa vie à recomposer la même symphonie, déroutant".
Apôtre des baroqueux et des musiques dégraissées des fadeurs romantiques, le
chef aborde classique et romantisme tardivement en appliquant ses découvertes à
propos du baroque. Ce disque de 1999
est un miracle ! Le maestro retrouve l'humanité et la fraicheur oubliées chez l'homme
Bruckner. Alacrité, transparence, un phrasé ciselé magnifiant
bonheur et mélancolie. Encore la philharmonie de Vienne
mais avec un effectif de cordes réduit. Une prouesse de prise de son analytique
de la part des ingénieurs du son. (Teldec
– 6+/6). Existe en coffret avec les symphonies 3, 4 et 8. (Version Haas pour la
7).
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Il existe aussi une très chouette version de Karajan avec l'OP Berlin, parue chez EMI et enregistrée en 1971 -c'était paru dans un coffret de 3 LP, avec en complément, la 4ème symphonie du même Bruckner-. Elle est moins connue, mais meilleure à mon avis, que celle enregistrée pour DGG dans le cadre de l'intégrale Bruckner.
RépondreSupprimerSi tu aimes Bruckner, comme cela semble être le cas, je te recommande également la 4ème remarquablement narrative enregistrée par William Steinberg, elle est peu connue, comme d'ailleurs ce chef très injustement tombé dans un relatif oubli...
William Steinberg ? Injustement oublié, le mot est faible ! J'avais commenté (il y au bail) sa version volcanique des Planètes de Holst avec le symphonique de Boston disque DG avec une prise de son démente en vinyle !!! J'en avais deux exemplaires ; j'ai pu en vendre un super prix à un collectionneur. Il a du resté 3 jours sur rakuten... Sur le CD, en complément, Ainsi parla Zarathoustra de Strauss en 29', fulgurant pour cette partition un peu disons... rugueuse.
SupprimerJe ne connaissais pas cette version de 1971. Par contre j'ai découvert Bruckner en 1970 (18 ans) avec la 9ème à Berlin pour DG, une belle version isolée, crépusculaire... A priori, nous sommes d'accord l'intégrale DG (avec une aile sur les jaquettes) n'est pas un must.
Merci pour ta fidélité, ce papier pensé depuis des mois m'a sérieusement occupé :o)
Bon dimanche...
La semaine prochaine, Brahms : Trio N° 3
Oui Bruckner est l'un de mes chouchous, de 5 à 8 versions pour chaque symphonies en album isolé ou en intégrales...
Quand il arriva à Boston au courant des années 70, Steinberg était déjà fatigué et très malade : il enregistra donc peu pour DGG, et, outre les deux excellents disquues que tu as ctés, on trouve aussi un très disque Hindemith avec cet orchestre. En revanche, pour Capitol, dans les années 50-60, il enregistra énormément avec son orchestre de Pittsburgh, et souvent avec un très vif succès: quasiment aucun déchet ! J'en parle un peu ici : http://latelierdediablotin.fr/WordPress3/2017/01/buffalo-bill-se-rend-a-vienne/
RépondreSupprimerEn revanche, et contrairement à toi, j'aime beaucoup l'intégrale Bruckner - Karajan/Berlin, et, parmi toutes celles qui peuplent ma discothèque -les deux Jochum, l'iconoclaste Celibidache, Wand/Cologne, Barenboim/Chicago ou encore Tintner, sans même parler des versions isolées de telle sou telle symphonie (auchoix : Böhm, Abbado, Sinopoli que j'aime beaucoup pour les 8 et 9, Haitink, ...-, je n'en connais aucune qui me plaise plus. En Allemagne ou en Angleterre, elle reste assez systématiquement recommandée comme premier choix, il n'y a guère qu'en France qu'on la critique de manière plus nuancée -et où l'on voue un culte aussi prononcé pour Celibidache, même si le soufflet semble un peu retombé désormais...-.
J'ao également une merveilleuse version de cette 7ème transcrite pour orchestre de chambre par Eisler : c'est réellement très beau ! (1 CD MDG)
Un des interprètes qui a toujours fait autorité dans Bruckner était le chef roumain Sergiu Célibidache, assez avare d'enregistrements malheureusement. C'est à lui que je dois d'avoir eu une révélation concernant cette œuvre de Bruckner, que je ne connaissais jusque là que dans la version Bohm-Vienne. Je dois avouer que j'ai du mal avec ce compositeur : je trouve que... "ça n'avance pas", que c'est grandiloquent de façon assez gratuite. Bref, je trouve ça assez spécial, c'est pas ma tasse de thé (suis volontiers mahlerien, par contre). Mais j'ai eu un choc en écoutant cette septième, par ce chef (un live avec l'orchestre de la radio de Stuttgart, concert du 8 juin 1971, chez Arkadia). Là, ça avançait, ça progressait, là le 1er mouvement devenait enfin cette cathédrale que je n'avais jamais entrevue avant, et là je ne me suis pas ennuyé une seconde ! J'en suis resté très étonné moi-même, à vrai dire...
RépondreSupprimerCurieusement les tempos de Celibidache à Stuttgart sont ceux indiqués sur la partition. Exemple 27 min contre 35 lors des lives de Munich édités par EMI. Années 80 90... Je vous rejoins il y a toujours une forme de stagnation mystique dans les mouvements lents. Au maestro d'apporter les bonnes articulations.
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