vendredi 25 octobre 2019

CHAMBRE 212 de Christophe Honoré (2019) par Luc B.


Alors que la fibre du cinéma français depuis la Nouvelle Vague est de tourner en décor réel, Christophe Honoré choisit ici de tourner quasiment tout en studio. Une rue est reconstituée, avec ses façades d’immeubles de part et d’autre. Ça sent le studio à plein nez, effet assumé, comme cette neige qui tient plus du coton hydrophile, et le travail sur les éclairages. Filmer en studio permet surtout de bâtir les décors en fonction des mouvements de caméra. Ainsi, ces travellings depuis le dessus des pièces, la caméra enjambant les murs et cloisons, comme on le voyait dans TAXI DRIVER.
Cela permet aussi des mouvements de grue pour relier un appart à un autre, ce qui est tout à fait raccord avec le thème et l’intrigue du film, le dédoublement. A savoir Maria, prof de droit, une Don Juan au féminin, une collectionneuse d’hommes, qui trompe outrageusement son mari Richard y compris avec ses élèves. Richard, neurasthénique, ne s’en offusque à peine, mais Maria fera sa valise et s’installera à l’hôtel, juste en face, chambre 212, pour faire le point sur sa vie, ses amours. Depuis sa fenêtre elle peut regarder Richard tromper son blues dans ses grosses chaussettes de laine. 
L’intrigue va convoquer le même Richard mais âgé de 20 ans de moins, ainsi qu'Irène, la prof de piano qui entretenait une liaison avec lui lorsqu’il était ado. La Irène d’il y a 20 ans… Car le film évolue sur deux époques filmées en une, avec donc les mêmes personnages âgés/jeunes dans les mêmes scènes. Ainsi Irène, 35 ans, rencontrera-t-elle Irène, 55 ans ! Le film s’apparente à la fois à la comédie (mouais, on y reviendra) et au fantastique, la mère et la grand-mère de Maria faisant aussi une apparition.
Avec aussi ce ressort scénaristique : la conscience de Maria, sa volonté, apparait sous les traits d’un personnage. Vêtu d’un veston léopard, Maria s’étonne que sa Volonté ait la tête de Charles Aznavour, dont le type reprend quelques chansons, choisies forte à propos, Aznavour ayant souvent décrypter le couple en chanson.
L’idée n’est pas mauvaise, le scénario bien fichu, mais on se heurte à un problème assez tôt. Les références. On pense immédiatement à Woody Allen qui a plusieurs fois utilisé les mêmes ficelles, et surtout à Bertrand Blier (amplifié par l’apparition de Carole Bouquet). Le problème de Christophe Honoré est qu’il n’a ni la grâce et la légèreté du premier, ni l’ironie mordante et le sens de l'image du second. Son film est malin, mais la comédie irrésistible annoncée, n’est pas franchement au rendez-vous. On sourit quelques fois, mais je n’ai pas entendu la salle se bidonner.
Les scènes avec Monsieur Volonté sont amusantes, l’acteur y fait beaucoup, comme celle où la chambre est remplie de 30 types survoltés, les anciens amants de Maria, sous le regard médusé de Richard 25 ans, qui voit ainsi tous les hommes qui partageront le lit de sa femme dans les années à venir !
Ce qui plombe un peu le film, ce sont les dialogues, surtout au début, ce qui n'engage à rien de bon. On a affaire à des gens lettrés (plan de Maria devant un rayonnage de bibliothèque) qui s’expriment comme dans des bouquins de philosophie. On n’y croit pas un instant. C’est ampoulé et du coup, il nous semble que les acteurs jouent faux. Vincent Lacoste (Richard à 25 ans) recycle son numéro habituel, visiblement peu à l’aise avec les dialogues qu’on lui colle, Benjamin Biolay (Richard à 45 ans) semble s’ennuyait avec une partition un peu pauvre en effets, dommage car le mec est plutôt bon acteur. Irène à 35 ans est jouée par Camille Cottin, qui truste les écrans de cinéma depuis quelques temps, on ne s’en plaindra pas, et celle autour de qui toute l’histoire tourne, Maria, est jouée par Chiara Mastroianni.
J’ai un souci avec elle… ce n’est pas de sa faute, c'est son ADN. Dans ses yeux je ne peux m'empêcher de voir ceux de son père Marcello, et dans sa voix, son débit, on entend celui de sa mère, Catherine Deneuve. Je ne suis pas certain que Christophe Honoré la filme comme un Woody Allen filmait amoureusement Diane Keaton ou Mia Farrow, ou comme Blake Edwards filmait Julie Andrews, lui qui aurait aimer sans doute ce scénario vaudevillesque. 
Cette distance due aux dialogues et à une mise en scène qui manque de peps, aux effets parfois redondants, et pour tout dire assez maniérée, empêche le spectateur de vraiment faire corps avec les personnages. On est finalement comme Maria à sa fenêtre, un témoin, on essaie de s’intéresser à ce qui se passe, à ces gens, sans vraiment y prendre du plaisir.
Le film est ambitieux narrativement parlant, original dans sa forme et dans son ton – c’est à mettre à son crédit - mais sans doute trop intellectualisé. 


couleur  -  1h30  - format 1 :1.85 

  

1 commentaire:

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