mercredi 14 août 2019

Robin TROWER "What Lies Beneath" (2009), by Bruno




     Robin Trower, indissociable à la Fender Stratocaster et aux amplis Marshall, après des années 80 difficiles, ne donnait guère plus de signe d'activité. Jusqu'à ce qu'en 1994, il refasse surface avec un disque bienvenu, "20th Century Blues", qui, s'en pour autant atteindre les sommets vertigineux d'antan, renouait avec la maestria de son passé. Celui-ci ne fera pas exception. Il s'inscrit même parmi les meilleurs.
 

   Alors que l'on aurait pu craindre le pire parce que Robin Trower assure seul le chant- et que ce n'est pas son domaine de prédilection - le registre majeur de « What Lies Beneath » convient plutôt bien à sa voix traînante, sourde et profonde ; une tonalité qui peut parfois s'ériger comme un mix entre Mark Knopfler et Frank Marino. Il semblerait même que son chant ait bien progressé ; Robin a cultivé ses limites et chante en fonction. En fait, la structure même des chansons semble avoir été conditionnée pour épouser au mieux le tempo flâneur, voire indolent, de Trower.
 

   Pas de surprise notable, dès les premières notes du morceau d'introduction, l'instrumental « Wish You Were Mine », le toucher et le son sont immédiatement reconnaissables. C'est La patte "Robin Trower". Souvent copiée, jamais égalée, à l'exception de quelques musiciens pétris de talent qui, à l'occasion, se fendent, ou se sont fendu, d'une ou deux reprises, comme un hommage respectueux, un tribut au maître. Quelques monstres de la six-cordes qui se comptent sur les doigts d'une main, voire deux mains, parmi lesquels Steve Stevens, Paul Gilbert, Stevie Salas, Ritchie Kotzen. Il y a aussi quelques fins bretteurs qui s'y sont cassés les dents.

     Cette tonalité singulière, reconnaissable entre toutes, c'est d'abord et avant tout une Fender Stratocaster (aujourd'hui un modèle signature [1]) qui baigne dans divers effets. Principalement l'Univibe, le Phaser, la Wha-wha, la Fuzz et l'Overdrive. Plus rarement le Flanger (l'Electric Mistress d'Electro Harmonix qui produit en fait deux effets, le Flanger et le Filter Matrix proche d'une wah bloquée). Ainsi que l'utilisation maîtrisée et harmonieuse du Vibrato. Depuis la fin du siècle dernier, il joue presque exclusivement sur des Fulltone. (Cette boîte américaine, qui a vu le jour en 1993, lui a conçu une Overdrive spécifique, bien crémeuse, qui porte son nom)


     De cet assemblage de différents effets, il crée une symbiose sonique intensément expressive qu'il fait sienne. Un vecteur idéal par lequel son âme parvient à s'exprimer.

Avec néanmoins, un son relativement plus clair, plus propre qu'auparavant (bien plus par rapport aux 70's), et qui n'enlève rien à la force que dégage cette guitare. Une Strato fluide, organique, vivante, sensible, en osmose avec son utilisateur.
Blues-rock-Progressif, travaillé, chiadé, mûri, à ambiance tantôt reptilienne, tantôt vaporeuse, tantôt planante, tantôt « laid-back », que l'on pourrait apparenter, pour mieux situer, à des compositions antérieures comme « Bridge of Sighs », « In this Place », « Sailing », « I Can't Live Without You », « Bluebird », « For Earth below ». "Whish You Were Mine" paraît même être un succédané de ces morceaux, avec néanmoins une nouveauté pour l'auteur : l'apport de cordes que l'on retrouve aussi sur "As You Watch Each City Fall".

Ponctuellement, c'est une touche Soul-blues (pas au niveau du chant) qui vient se greffer, soutenue par l'apport épars de touches d'orgue joué par Roger Cotton (Peter Green Splinter Group, Buddy Witthington, Dr Feelgood, John Mayall, Santana, Nine Below Zero).

     L'album « What Lies Beneath » est tel un vieux volcan, plein de majesté et de force intériorisée, qui démontre parfois qu'il peut être encore menaçant par des envolées de guitares intenses et des fumerolles de notes brûlantes, ou encore en déversant quelques paresseuses coulées de lave en fusion. Et ce, même si la majorité des titres donne envie de se détendre, de se (re)poser; afin aussi de mieux s'imprégner de ce nectar.
Cela devient un peu plus éruptif sur « Skin and Bone », « Sleeping on the Moon », et « Freefall »,

     L'album est remarquablement produit par Livingston Brown, qui joue également de sa basse, claire, puissante et précise. Déjà présent sur l'album « 20th Century Blues » où il officiait aussi au chant. Livingston est un musicien de studio, compositeur, arrangeur qui a déjà joué avec et pour des artistes aussi divers que Sting, Kylie Minogue, Zucchero, Climax Blues Band, UB40, Waterboys, Tina Turner, Bryan Ferry, Seal, Shakira, Jan Akkerman, et bien d'autres. C'est lui-même qui a conseillé l'embauche de Sam Van Essen à la batterie, dont le jeu rappelle par bien des côtés celui de Bill Lordan (ex-Gypsy et Sly & The Family Stone, et qui resta aux côté de Robin de 1974 à 1981).

Une belle réussite de monsieur Robin Trower, et peut-être son dernier grand album.
 


No.TitreDurée
1."Wish You Were Mine"4:02
2."What Lies Beneath"3:30
3."As You Watch Each City Fall (Part 1)"3:25
4."As You Watch Each City Fall (Part 2)"2:12
5."Freefall"3:05
6."Once The Spell Is Broken"4:57
7."Sleeping On The Moon"3:40
8."Time And Emotion"4:39
9."Skin And Bone"3:04
10."Buffalo Blues"4:56
11."Find A Place"4:51

[1] Un modèle qui visuellement n'a absolument rien de particulier, sinon sa tête large, typique de celles des 70's. Rien qui le différencie des autres modèles, à l'image de Trower qui est resté une personne simple et humble, qui n'éprouve pas le besoin de se faire remarquer autrement que par sa musique. Il est d'ailleurs un des rares musiciens à être resté - volontairement - à l'écart du système tentaculaire de l'industrie du divertissement. Un exemple à suivre.
Un corps en aulne, un manche en érable, sans touche rapportée, en profil "C", des micros simples Fender, dont un Texas Special en position chevalet, un Custom 60's RWRP au milieu, et un Customs 54 en manche, et un vibrato standard (vintage). Tirant des cordes : 10-46.



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Autres articles / Robin TROWER (liens) : "Bridge of Sighs" (1974) ; "Sevens Moons" Jack Bruce & Robin Trower (2007).

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