La sortie d’un Tarantino fait désormais évènement, on s'en pourlèche les babines, on se régale des rumeurs sur telle baston énorme, ou fusillade féroce, à quelle sauce le cinéaste va-t-il cuisiner le genre abordé, guerre, polar, western, kung fu ?... Sauf que là, peau d'zob ! C'est quoi au juste ce film ? Une chronique
contemplative et nostalgique sur une époque (fantasmée) qu’il a à peine connue - le cinéaste avait 6 ans à l'époque des faits.
Ce
grand raconteur d’histoire nous livre ici un film sans intrigue, ou presque. Ca
déroute. On suit pendant près de deux heures (la première partie) un acteur sur le déclin, Rick
Dalton, toujours accompagné de sa doublure cascade Cliff Booth, qui lui sert de
chauffeur. Drôle de couple. Jamais j'aurais cru dire ça d'un Tarantino, mais ils sont filmés avec une réelle tendresse, voire une pincée de pudeur. Si si. Le personnage de Booth est à mon sens moins développé. Leur relation hiérarchique (la star/l’homme de l’ombre, le
maitre/le chauffeur) tourne à la complicité (plateau télé, pizza et bière pour regarder une série qu'ils ont tournée !) puis à l'amitié : dernière réplique de Rick pour Cliff « T'es un vrai ami ». Court, mais ça a le mérite d'avoir été dit ! Car au départ, quand Rick prend conscience que sa carrière est derrière lui, en chiale, et s’épanche sur l'épaule de l’autre, Cliff le repousse d’un « Oh oh oh » offusqué. Pas
de ça ici, pas de ça chez nous.
Tarantino
les filme dans le Los Angeles de 1969, de tournages en tournages, et s’amuse à
récréer des séries TV en noir et blanc (« Chasseur de prime »
décalque de « Au nom de la loi » avec Steve McQueen, ou
« FBI » décalque du « Dragnet » de Jack Webb) et des séries
B. western. A cette occasion, une des plus belles scènes oppose dans un long
dialogue Rick Dalton et une jeune actrice de 8 ans (plan fixe mais judicieusement recadré) à qui il confie son
désarroi et son angoisse ne n’être plus rien, fini, comme un vieux cowboy au
dos brisé ne pouvant plus monter à cheval, s'identifiant au personnage du bouquin qu'il est en train de lire.
ONCE UPON A TIME raconte cet Hollywood qui change, ces acteurs contraints de travailler pour la TV, de s’exiler en Italie tourner des westerns, que Rick Dalton exècre car les héros y sont des tueurs, des cyniques. Cocasse quand on connait l’admiration de Tarantino pour ce cinéma, jusque dans le titre de son film. Dalton finira par y aller jouer pour Sergio Corbucci.
ONCE UPON A TIME raconte cet Hollywood qui change, ces acteurs contraints de travailler pour la TV, de s’exiler en Italie tourner des westerns, que Rick Dalton exècre car les héros y sont des tueurs, des cyniques. Cocasse quand on connait l’admiration de Tarantino pour ce cinéma, jusque dans le titre de son film. Dalton finira par y aller jouer pour Sergio Corbucci.
Rick
Dalton et Cliff Booth ne se reconnaissent plus dans ce monde peuplé
de hippies hirsutes, sales, une honte pour le pays. C’est le premier aspect du
film, qui nous donne des scènes dramatiques quand Dalton répète comme un forcené et rate une réplique,
prend conscience de son alcoolisme, ou drôles lorsque Cliff Booth (Brad Pitt et
son accent texan) défie Bruce Lee en duel sur le tournage du « Frelon
Vert ». Tarantino fait apparaitre des personnages réels, Steve McQueen,
Mama Cass, Michelle Phillips, Roman Polanski et surtout Sharon Tate. Tarantino
la filme à la fois comme un être de chair (joli plan d’elle endormie à demi-nue
où elle… ronfle) et une icône, un ange blond à la beauté radieuse (Margot
Robbie) qui symbolise à elle seule le cataclysme de cette fin de décennie.
[voir l'article consacré à Manson : California Girls ].
Magnifique
scène de Sharon Tate entrant dans un cinéma qui projette MATT HELM, avec Dean
Martin et elle-même, toute heureuse de se voir à l’écran, riant des réactions
du public, ou lorsqu’elle achète le livre TESS D’UBERVILLE pour son mari
(Polanski** l'adaptera en 1979).
L’atmosphère
s’assombrit lorsqu’un type frappe à la porte de sa maison. Il cherche le
précédent occupant, Terry Melcher, producteur des Beach Boys. Ce petit homme au
regard perçant, c’est Charles Manson. Lui et sa Famille sont installés dans le Spahn Ranch, ancien lieu de tournage
reconverti en site touristique avec balades à cheval. Cliff Booth y raccompagne
une jeune hippie qu’il a prise en stop (la très craquante Margaret Qualley), il connait l’endroit pour y avoir
travaillé. Tarantino y filme une longue séquence inquiétante. Cliff
Booth souhaite saluer le proprio, George Spahn, mais ce n'est pas du goût de cette bande de filles aux regards perdus,
crispées par l'arrivée de cet intrus en chemise hawaïenne.
En
sautant de février en août 1969, les 8 et 9 août pour être précis, Tarantino
cristallise son récit sur la nuit du massacre de Cielo Drive, et mon commentaire s'arrête là, puisque le cinéaste a demandé à ce qu’on n'en dise rien. Épilogue controversé, on se souvient du procès en révisionnisme
pour INGLORIOUS BASTERDS, ou DJANGO. J'vous donne juste mon avis : y'en a qui s’étranglent, moi j'applaudis.
ONCE
UPON A TIME me rappelle JACKY BROWN (1997), le moins tarantinesque de
sa production. Il y a une allusion avec un plan dans le couloir de l’aéroport
de Los Angeles, et son carrelage coloré, filmé pour le générique de JACKY. Un
film non-violent pendant 2h30 (il se rattrape joliment sur la fin !) assagi, plus mûr, le cinéaste semble privilégier les scènes
pour leur simple beauté, premier degré, ces plans de balades en voitures, amples mouvements de
caméra à la grue (0% numérique !) nous montrant toujours ce que cachent les décors (plan au drive-in, superbe !), ou juste Cliff Booth
torse nu sur un toit pour réparer une antenne, le torse d’airain dans le soleil
couchant, la caméra survolant les toits pour redescendre vers la résidence Polanski.
On
retrouve tout de même ses gimmick préférés, insertions de commentaires, l’image
dit une chose que la voix off contredit (la géniale scène où Rick Dalton évoque son casting pour LA GRANDE EVASION, Tarantino en reprend une scène mais efface Steve McQueen
et y incruste DiCaprio !), le cinéaste utilise tous les ressorts du
montage et de la mise en abime, les scènes de tournages sont très intelligemment conçues. Et toujours ces plans sur des pieds féminins, son fétichisme récurrent ! Ses acteurs sont
tous là, ou presque (Tim Roth est au générique mais coupé au montage), les deux stars mais aussi Kurt Russell qui joue un cascadeur (comme dans BOULEVARD DE LA MORT),
Bruce Dern, Michael Madsen, Zoé Bell, et lorqu’Uma Thurman n’est pas libre,
c’est sa fille qui fait une apparition. On retrouve une bande son ah-hoc,
soul, folk, rock (Vanilla Fudge, Deep Purple Mk 1, Bob Seger, Neil Diamond) et
là encore, il la manipule, la malaxe, commence un morceau si on ouvre une porte,
l’arrête si on la referme, ou qu’une voiture démarre, qu’un autoradio
s’éteint.
Le
film peut décontenancer, on aurait aimé sans doute moins de plans de bagnoles
et voir davantage ses acteurs jouer (Pacino a deux scènes…), mais c’est réalisé
avec une telle maestria, une telle gourmandise, un tel amour du cinéma, qu’on se laisse emporter dans ce long récit sans
récit, mélancolique, jusqu’au chaos final. Visiblement beaucoup de scènes ont été coupées, donc est-ce le montage définitif ?
Attention, pendant le générique de fin, une petite surprise, donc ne vous barrez pas de la salle !
Attention, pendant le générique de fin, une petite surprise, donc ne vous barrez pas de la salle !
**
la polémique : Polanski, sans avoir été officiellement consulté, était au courant du projet, et s'est déclaré à la lecture du synopsis "surpris du traitement". Mais beaucoup s'en offusquent. Tarantino argumente que le meurtre de Sharon Tate est aussi un évènement public, historique, symbolisant la fin des idéaux hippies. Qu'il s'est emparé du personnage pour ce qu'elle représentait de cette époque. Il ne s'agit pas d'un film sur le couple Polanski / Tate. Il faut se souvenir que Polanski était une immense star à Hollywood, adulé par les intellectuels, les critiques, comme avant lui des Godard ou Truffaut. Dans une scène, Rick Dalton, béat, clame son admiration pour le cinéaste polonais, "j'ai comme voisin le réalisateur de Rosemary's baby !!".
Yes!! Vu dans ton "village", au Max Linder Panorama, un vrai bonheur!
RépondreSupprimerPlein de trucs à dire mais tu as quasi tout dit.
Juste 3 bricoles: Di Caprio m'épate de plus en plus, il a peur de rien, joue avec son image quitte à s'enlaidir, au physique comme au moral. La scène avec la gamine que tu as souligné est révélatrice.
M Qualley c'est aussi celle de la pub Kenzo, peur de rien aussi celle là.
Entendre Brad Pitt se faire traité de vieux m'a filé un coup...
Le dénigrement de Bruce Lee m'a passablement chagriné mais je ne fais pas parti de sa famille (donc de quoi je me mêle, et puis Tarantino nous a habitué à faire ce qu'il veut) mais je comprends que sa gamine et ceux qui l'ont connu puissent s'offusquer.
T'as omis Out Of Time des Stones dans la BO, c'est pourtant le seul titre joué en entier.
Grosse marade aussi quand Bruce Dern se prétend aveugle, dit qu'il peut pas deviner si le mec dont parle B Pitt est rouquin et qu'il annonce après qu'il va mater la TV avec sa copine le soir!...
Vais m'allumer une Red Apple...
traitER...
RépondreSupprimerWaouh, au Max Linder ça devait être quelque chose !
RépondreSupprimerD'après ce que j'ai lu, de ce qu'on a raconté à Tarantino, Bruce commençait à avoir son petit égo, et l'anecdote sur Casius Clay est parait-il vraie. Peut être une boutade... On dit la scène raciste parce que Brad Pitt l'appelle "Kato", genre "bamboula"... Connerie !! Kato est le nom de son personnage dans "Le Frelon vert", tout simplement... Comme tu dis, QT fait et raconte ce qu'il veut. La preuve avec la fin du film...
J'ai oublié les Stones, comme une quarantaine d'autres !!!
Ouaip! Projection en 35 mm au Max Linder! 3 niveaux: la fosse et 2 balcons, écran incurvé. Faut réserver, j'y suis allé le mercredi 14 jour de la sortie et t'as une file d'attente jusqu'à Chartier (j’exagère à peine...). Avec la réservation tu vises la caisse spécifiée et là tu doubles tout le monde. Yop la boum...
SupprimerJe voulais pas m'étendre sur le cas Bruce Lee mais si tu m'invites:...
Je connais très bien la vie du petit dragon, j'ai lu une palanquée de bouquins sur lui, dont celui de Linda sa femme.
Elle a écrit que Lee disait à propos d'un éventuel affrontement avec Mohamed Ali: "Regarde ma main, c'est la main d'un petit chinois. Il me tuerait !"
Tu sais combien je vénère Tarantino, mais ça ne m’empêche pas de rester critique.
Quentin quand on le braque il s'énerve et envoie chier tout le monde (remember Spike Lee pour Django).
Je soupçonne le réalisateur d'avoir survolé en diagonale la story de B Lee, et en effet ce dernier était l’entraîneur des scènes de combat de Sharon Tate pour Matt Helm. Sa présence dans le film est justifiée quant au délire de Tarantino quant à valoriser la qualité de combattant de B Pitt. C'est pas une raison pour lui faire dire n'importe quoi dans ses interviews!
En résumé fais ce que tu veux avec ta péloche Quentin, mais ne dis pas des conneries pour justifier ton magnifique délire.
Fin de la transmission
C'est au Max Linder que j'avais vu "The Doors" d'Oliver Stone, la claque, salle enfumée... et avant ça "La chute de l'empire romain" (pas à sa sortie...) une salle impressionnante, une des dernières je crois à avoir eu un projo 70 mn.
RépondreSupprimerPour Bruce lee, je m'incline. Je répète ce que Tarantino a dit... Je sais qu'il ne faut pas toujours prendre ses déclarations à la lettre. Il en rajoute un peu, c'est ce qui fait son charme. D'ailleurs, dans une interview récente, interrogé sur le mouvement #Me too (lui qui a bossé avec Weinstein pendant 20 ans mais n'a jamais rien vu et su, alors que Brad Pitt, son pote, quand il était avec Gwyneth Paltrow avait été dire à Weinstein ses quatre vérités quand elle était revenue traumatisée d'un casting dans la salle de bain du producteur...) il disait : "Peut-être que certains de mes films vont vieillir, qu'on y trouvera des défauts, que certaines scènes seront jugées, avec le temps, déplacées. Je l'accepte. Mais je continuerai à filmer ce que je veux, comme je le veux, sans me censurer". Amen.
Puisqu'on parle de Casius... Cette saillie entendue dans le doc "When we were kings" : "Je suis tellement rapide, que lorsque que je ferme l'interrupteur, je suis au lit avant que la lumière ne s'éteigne" !! J'adore !!!
Alors, Paris, c'est comment ? Sympa avec les travaux, non ?
Paris...j'ai réussi à faire le tour de la Concorde sans me faire emplatrer par un parisien. Normal, y'en avait pas, que des touristes. Les travaux : Bd Poissonnière, t'as un étranglement en haut, une chicane de travaux, 3/4 d'heure...Aucune place de stationnement, donc parking du Rex, open 24/24, recup' bagnole verdict 44,50€...Sinon Bruce Lee avait dit s'être inspiré et avoir étudié le jeu de jambes de Cassius Clay, et Clay avoir avoué être jaloux de Lee lorsque sa femme le trouvait craquant au cinoche. Faudrait que le Tarantino creuse un poil ses sources, ou qu'il m'appelle...
RépondreSupprimerJe l'ai emprunté en DVD à la médiathèque. Il y a au début une énorme citation du Privé d'Altman: la scène ou Brad Pitt prépare la gamelle de son clebs est une resucée de celle où Elliot Gould essaie de gruger son chat avec une boîte qu'il n'aime pas.
RépondreSupprimerMaintenant que tu le dis, effectivement, je me rappelle cette scène du Privé, à l'époque je n'avais pas fait le rapprochement.
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