Dans le livre GIRLS chroniqué il y a peu, [un clic The Girls ] Emma
Cline évoquait la Family de Charles Manson, en déplaçant l’action dans le
temps, et s’inspirait des personnages réels pour créer une fiction, qui
s’arrêtait avant les meurtres. Dans CALIFORNIA GIRLS, Simon Liberati nous
replonge dans les 36 heures qui ont précédé et suivi le massacre de Cielo Drive
dans la nuit du 8 et 9 août 1969, mais en appliquant un traitement romanesque. Tout
ce qui est écrit est – hélas – vrai, réel, documenté, mais transcrit avec une
fluidité littéraire.
Manson, avant, après... |
Susan Atkins, "Sadie" |
Charles Manson a le profil type du psychopathe.
Enfance détruite par des parents violents, alcooliques, absents, il s’adonne
très tôt à de petits larcins, verse dans la délinquance, vol, trafic,
proxénétisme. En 1969 il a 33 ans, et a passé la moitié de sa vie en maison de
correction – où il subit de mauvais traitements, sans doute des viols – ou en
prison. Libéré d’une peine en 1967, il rejoint San Francisco, le quartier
hippie d’Haight Asbury, et fraye parmi les musiciens. Lui-même gratte un peu de
guitare, est fan des Beatles, et des rencontres avec Dennis Wilson ou Neil
Young le persuadent de percer dans la carrière de chanteur. Son échec sera un
des leitmotivs du futur massacre de Cielo Drive.
Le refuge de la Famille, le Spahn ranch |
Charles Manson doit constituer son armée. Sa Famille. Dans
les rues de San Francisco, il sera facile de débaucher des exclus en rupture
familiale, de jeunes filles hippies et désœuvrées, de les regrouper en
communauté dans un ranch en Californie, les réunir autour de sa personne
christique, lui, la réincarnation du Christ, le Fils de l’Homme, le Man-son… Des enfants naitront des ébats à répétition
(combien ?) gamins séparés de leurs mères, qui vivotent dans leur crasse, à
poils et sans éducation. Telle est la volonté du maître des lieux. Les nouveaux venus font allégeance en offrant leurs biens matériels à la communauté, doivent donner leur argent au gourou, et promettre d'en trouver d'autre, en volant chez leurs parents, leurs voisins.
Danny Dicarlo (à gauche) et les membres de la Famille, au ranch. |
Les hippies – essentiellement des filles - vivent sous
l’emprise psychologique dictatoriale de ce gnome d’1m54 aux petits yeux noirs
et perçants, à qui elles prêtent des pouvoirs surnaturels. Lui, leur promet un
avenir radieux. [ On pense aux jeunes gars et filles qui partent œuvrer pour Daech ]
Les cowboys et les motards, eux, s’en foutent et s'en méfient du petit gourou. Mais profitent du système, des
trafics, de l’herbe, et des filles.
*******************************************************
Dennis Wilson, un des frères du groupe pop The Beach
Boys, avait fait entrer Manson dans son cercle d’intimes. Ils jouaient de la
musique ensemble, profitaient des filles du ranch, comme Bobby Beausoleil, jeune premier prometteur. Wilson
avait promis de faire enregistrer Manson un album supervisé par
le producteur des Beach Boys, Terry Melcher (fils de l’actrice Doris Day). Mais
ce dernier se méfie du personnage et change d’avis. Manson y voit une insulte à son génie. La nuit du 8
août 1969, Manson ordonne à son bras droit, Tex Watson, et à trois filles du
ranch, d’investir la propriété de Terry Melcher, à Cielo Drive, vers Hollywood,
et de lui donner une leçon.
Roman Polanski et Sharon Tate |
Dennis Wilson et C. Manson |
Le lendemain Charles Manson reforme son équipe pour
une nouvelle virée sanglante, avec en plus Leslie Van Houten. Ils passent des heures
à tourner en voiture dans Hollywood, cherchent des églises à profaner – mais la
nuit elles sont vides – et le choix se porte, au hasard, sur la maison du
couple LaBianca. Manson y pénètre d’abord pour les menacer, les séquestrer,
fait croire à un simple cambriolage. Il quitte les lieux et donne comme
instructions aux filles restées dans la voiture, de «bien saigner ces sales
cochons »… L’enquête montrera que les trois tueurs, Tex, Katie, Leslie, prendront
ensuite une douche bien chaude, un luxe, mangeront dans la cuisine, joueront
avec le chien, et laisseront – comme chez Polanski – des inscriptions aux murs
écrites avec le sang des victimes, et des scarifications sur les cadavres.
« War », « Pigs », « Healter Skelter » (avec une
faute d’orthographe…).
Un autre groupe composé de Sadie et Linda Kasabian était censé
monter aussi une action, retrouver et tuer un micheton, mais Linda se dégonfle,
et les filles passent leur nuit sur une plage de Malibu, orgie de LSD avec des
surfers, dont Miki Dora. Linda Kasabian était la plus faible du lot (elle ne
tuera personne chez Polanski), c’est sur son témoignage que Manson et les
autres seront arrêtés quelques mois plus tard, alors que Manson préparait le
déménagement de la Family dans le désert, et l’installer au fond d’une faille,
à 2000 mètres de profondeur. Le soir du 9 août, il essayait de trouver
suffisamment de cordes pour y descendre tout le monde, et échapper à
l’apocalypse.
Retour au roman. L’épilogue du livre de Liberati est
tristement superbe : les sœurs de Gary Hinman viennent ranger et nettoyer
la maison de leur frère. L’une d’elle vide des ordures dans la poubelle, sur la
rue, et voit passer une moto avec une fille attachée à l’arrière : Linda,
revenue de son orgie de Malibu, trop défoncée pour se tenir assise. Au loin une
radio diffuse la chanson des Beach Boys « California Girls » : I
wish they all could be california Girls, the cutest girls in the world… (je
souhaite qu’elles soient toutes des filles de Californie, les plus mignonnes
filles du monde).
Ouais, Manson ... Comme quoi le LSD fait quelques trous dans le cerveau, même si le sien semblait bien abîmé au départ.
RépondreSupprimerIl parle pas de l’influence du Crowley sur les neurones en vrac de Manson ? Parce que là aussi si on évoque le "mage" anglais, y'a du name dropping de rock stars à faire. En plus de D Wilson, N Youg, A Lee, Beausoleil, K Anger, faut rajouter J Page, K Richards, Bowie un peu plus tard et une multitude de types dans les seventies et décennies suivantes ...
Sinon, le steak pour moi, saignant ...
Si on sort le bottin mondain... Mais les adeptes de Crowley n'ont pas sombré dans cette violence, Manson avait des comptes à régler, et sa solution était tout de même d'exterminer 50% de la population ! LSD ? Apparemment, il n'aimait pas les acides, les interdisait aussi à ses filles. Mais tout autoritaire qu'il était, les buvards rentraient quand même en douce. Pas sûr que "à jeun" ses petits jeunes aient pu se livrer à de telles exactions.
RépondreSupprimerEncore une de ces nouvelles qui prouve (si besoin était) que le cerveau humain est malléable a merci. Barbu d'hier ou barbus d'aujourd'hui... Même combat, même constat. A quoi bon garder en vie (entretenir) ce genre d'individus. Moi perso ça me débecte et ça me révolte.
RépondreSupprimer"Barbu d'hier ou barbus d'aujourd'hui..."
RépondreSupprimerVincent, ce n'était pas les mêmes "barbus"... Mais oui, le "cerveau" ou l'être humain, est capable du pire comme du meilleur. Quand il est entrainé. Et c'est justement ce qui m'interroge. Comprendre. Comprendre pourquoi. Comprendre...
"Garder en vie"... Ils auraient pu être exécuter. Mais on les a laissés en prison. A vie. C'est un autre débat.
Il faut savoir faire face à ce genre de dérive,
Long débat en effet. Pourquoi garder en détention de âmes aussi pourries que celles-là ? Bonjour ce que cela coûte aux contribuables en plus. A côté de ça, ce même pays exécute d'autres êtres humains pour des faits ou délits, certes parfois très graves, mais a cent lieux de ces actes barbares et tout aussi abjectes.
RépondreSupprimerComprendre, comprendre, comprendre dis-tu Luc ? Cela me fait soudain penser a une scène du film The Revenant. Celle ou le personnage joué par Di Caprio découvre que l'indien qui l'avait aidé la veille c'est pendu. Sur l'écriteau qu'il porte autour de son cou, l'omme y avait inscrit "On est tous des sauvages".
Tu dis que l'homme est capable du pire comme du meilleur. Ça c'est bon pour soigner notre petite conscience quotidienne. La vérité malheureusement est tout autre. Et je serai même tenté de dire que c'est souvent dans le pire que l'homme est le meilleur.
Quant a ma petite remarque sur les barbus d'hier et/ou d'aujourd'hui, évidemment que ça n'a rien a voir. Je ne faisais nul raccourci. Mais je pense que tu l'avais compris. Juste une bénigne observation sur cette similitude d'ordre... Esthétique ?
T'as raison de préciser que ce livre n'est sans doute pas a mettre entre toutes les mains.