- C'est rigolo M'sieur
Claude, vous illustrez cette chronique avec la pochette LP et le visuel de ce que je pense
être la réédition CD des symphonies par Karl Böhm. Un souvenir ?
- Oui Sonia, bien vu ! J'ai
découvert Schubert à la fin des années 60 avec cet album extrait d'une
intégrale. Un disque culte qui se vendait comme des petits pains…
- Karl Böhm
représente l'école romantique dans les symphonies de Schubert, ce n'est pas
trop teuton comme interprétation…
- Ça se discute. Il s'agit d'une des premières intégrales des symphonies du jeune Franz. Le maestro
autrichien veut nous montrer le romantisme qui se cache dans des œuvres a
priori de facture classique.
- J'écoute ce passage, et
pourtant j'ai l'impression d'entendre du Mozart… Donc une musique assez opposée
au romantisme assez sombre de la symphonie dite inachevée…
- Oui Sonia, mais c'est
justement là que Böhm par sa grande intelligence met en avant le Schubert en
devenir alors qu'il n'a que 19 ans !!!
L'intégrale
des symphonies de Schubert gravée avec la Philharmonie de Berlin par le soi-disant
traditionaliste Karl Böhm entre 1963 et 1971 n'a jamais quitté le catalogue depuis l'époque du vinyle
jusqu'à nos temps "numériques". La présentation a souvent évolué, et il y a une quinzaine
d'années, le coffret de 4 CD était encore vendu au prix fort.
Dans
ces années 60, les symphonies de jeunesse de Schubert
sont encore très peu jouées. Deux intégrales font réellement concurrence à celle du maestro
autrichien, l'une de István Kertész
avec la Philharmonie de Vienne
réalisée pour DECCA et l'autre de Wolfgang Sawallisch à Dresde pour Philips. On trouve aussi des albums isolés,
notamment de Lorin Maazel… Depuis, on ne les compte plus ! Et c'est bien car
cette musique n'a rien d'un exercice d'un apprenti compositeur encore maladroit. Il y a
quelque temps, nous avons écouté la 4ème dite "tragique" sous la
baguette allègre de Marc Minkowski. Un cycle capté en 2012. (Clic)
Les
six premières symphonies ont été écrites entre 1813 et 1818. Plus tard, la 7ème restera au niveau
d'esquisse et la 8ème "inachevée"
marquera en 1822 un cap important dans l'évolution du style et les dimensions de l'écriture
symphonique de Schubert. Ces six
symphonies initiales verront donc le jour pendant la fin de l'adolescence, entre les
16 ans et 21 ans de Franz. La 5ème date de
l'automne 1816.
1816
: Beethoven triomphe enfin, même si ses symphonies épiques ne sont pas encore
devenues immortelles comme de nos jours. Mozart et Haydn sont devenus des géants de l'histoire.
Bach a été oublié mais Mendelssohn va le réhabiliter. Quant à Schubert ? Il reste inconnu
au bataillon et ignoré du grand public ! Seuls quelques amis encouragent sa frénésie de composer
et organisent autour de lui des soirées musicales entre potes… Pour survivre,
le jeune homme fait office d'instituteur auprès de son père.
La
nouvelle symphonie porte le numéro de catalogue D 485. À 19 ans, Schubert a donc déjà composé la moitié de son
catalogue sachant que la maladie l'emportera à 31 ans. En septembre, il écrit sa
symphonie en quelques semaines. Bien entendu, de son vivant elle ne sera pas éditée et peut-être uniquement jouée lors d'une soirée amicale chez Otto Hatwig. Il faudra attendre 1841 pour la découvrir en public…
Schubert jouant de la guitare (pas une Gibson 😊) |
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Troisième
chronique consacrée au chef autrichien Karl Böhm.
Mozart était au programme des deux
premières, d'abord pour son interprétation métaphysique du Requiem pour DG dans les années
70 qui reste un modèle prouvant que Mozart
composait déjà dans l'esprit romantique au crépuscule de sa vie. Et puis deux
symphonies, les N° 29 & 31. (Clic) et (Clic)
La
biographie la plus détaillée de ce grand serviteur de la musique, de l'époque
classique à la musique moderne, se trouve dans la chronique dédiée aux
deux symphonies. On ne sera pas surpris que Karl Böhm,
si grand mozartien, tant dans les œuvres orchestrales que dans les opéras, ait
particulièrement réussi ses gravures des symphonies de jeunesse de Schubert, qui, comme écrit plus haut, sont
un peu les héritières de celles de son ainé. Ajoutons qu'il sera aussi un
interprète de premier plan de la symphonie "inachevée" et de
la 9ème
"La
grande", plusieurs fois enregistrées.
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1 – Allegro : à la manière de son maître Haydn, Schubert avait comme habitude de commencer
ses symphonies par une introduction notée adagio, entrée en matière empreinte d'incertitude.
Ici, rien de tout cela. Trois accords aux vents sur la tonalité de si bémol
majeur illuminent les premières mesures du début. Même si la partition précise
un legato marqué, Karl Böhm
impose un subtil staccato qui allège le trait jusqu'à l'espièglerie. Les
premiers violons exposent alors un thème vivifiant et sont rapidement rejoints
par une rythmique énergique des autres cordes. Voici la magie schubertienne :
comme Beethoven ou Mozart (des symphonies ultimes), la
thématique se retient immédiatement. Le plaisir à l'écoute naît de cette
évidence, de l'enthousiasme porté par ces mélodies simples et joyeuses. Fidèle
à la forme sonate, Schubert réexpose (sans les
accords de vents) le premier groupe mélodique qui se développe avec une virilité
grandissante. La petite harmonie est exploitée avec imagination, le compositeur
montrant une fois de plus que l'on peut faire beaucoup avec peu d'instruments. [4:07]
Un dialogue des bois auquel succède un échange virulent des cordes introduit
une idée plus secrète, plus sombre. Ô de manière furtive, l'allégresse domine
le mouvement. Les arpèges des cordes de la coda se veulent même rageurs sous la
poigne de fer du chef. Les cordes graves de Berlin un peu trop présentes ? Oui sans doute
; depuis les années 60, les contrebasses se sont faites moins lourdes. Mais
quelle élégance dans cette direction radieuse…
Beethoven (chapeau haut de forme) et Schubert (lunettes) en promenade |
2 – Andante con moto : [7:23] Le mouvement
lent prend son temps, près de dix minutes. La paternité de Mozart
y est particulièrement tangible. Les cordes prennent la main pour une délicate
méditation. Que de sérénité avant l'entrée de la flûte et du hautbois puis des autres
vents. [9:06] Une seconde idée contrastée, hésitant entre des ambiances bucoliques et
nocturnes intervient pour nous rappeler que Schubert
a sans doute parcouru les partitions d'un certain Beethoven.
Le chant des bois domine la mélodie qui va se développer accompagnée par une
scansion marquée des seconds violons et des altos, de nouveau un principe très mozartien.
Une marche lyrique et romanesque (romantique sur le fond ?). Schubert n'hésite pas à reprendre les
divers motifs dans ses développements jusqu'à un passage plus ténébreux. Karl Böhm
laisse s'écouler avec grâce cette musique qui se conclut par de lointains
appels de cors.
3 – Menuetto Allegro molto
– Trio
: Comme indiqué sur la partition, Karl
Böhm aborde avec retenue le menuet qui
pourrait presque porter le nom de scherzo. La musique bien que n'étant pas
d'une originalité très poussée se distingue par une belle articulation entre
les parties de cordes et de bois. Le trio évoque la Vienne friande de fêtes et
de danses, la cité amoureuse des ländler.
4 – Allegro Vivace : Le final
bondit, une danse énergique un peu folle. La musique d'un jeune chien fou qui
espère mais ne sait pas (et ne saura jamais) qu'il deviendra l'un des
compositeurs les plus remarquables du XIXème siècle, des décennies plus tard. Ce bref allegro
n'est que verve et dynamisme, mais sans aucune brutalité, au contraire,
l'élégance princière est bien présente dans le propos. On surprendra Karl Böhm à nous offrir l'une des codas
les plus souriantes de la discographie.
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On
aurait pu espérer de Nikolaus Harnoncourt
un rafraîchissement de la discographie. Hélas : tempi frénétiques et fluctuants,
discours haché, en un mot une déception. Je passe.
Claudio Abbado en 1988
exige de son interprétation jeunesse et fougue. Un ensemble d'instruments
modernes, mais force est de constater que l'orchestre de
chambre d'Europe n'est pas la Philharmonie
de Berlin, que le son est bien flou et que le chef donne le sentiment de jouer la
montre. Pour ceux qui trouvent Böhm
trop romantique uniquement ou pour les fans du grand chef italien (DG –
4/6). Disponible dans une intégrale en CD ou en MP3.
Le
Schubert successeur de Mozart (dans la forme) a bien entendu attiré
les chefs d'orchestres amateurs d'authenticité, de jeu sur instruments
d'époque du début du XIXème siècle. Un album comportant les symphonies 2, 5, 8 et 9 a été enregistré par Charles Mackerras avec l'orchestre de l'âge des lumières.
L'allègement de la partie de cordes, la vitalité des tempos me conduisent à
conseiller ce très bel album pour une découverte de l'univers symphonique de Schubert. La battue du chef est drue et
convient bien à cette musique juvénile (Virgin
– 5/6).
Enfin,
nous en avions déjà parlé à propos d'une 4ème
symphonie pleine de feu. La direction festive de Marc Minkowski avec ses musiciens du Louvre complète ces quelques
suggestions (Naïve – 5/6).
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Deux
interprétations valent mieux qu'une ! Successivement : la version de 1967 de Karl Böhm puis celle de Charles Mackerras virevoltante sur instruments
d'époque :
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