U-TURN : ICI COMMENCE L'ENFER d'Oliver stone (1997) - par Claude Toon
Jennifer Lopez et Sean Penn
Encore un film bien barré mêlant comédie satirique,
polar noir foncé et au fur et à mesure de son déroulement, une débauche de
violence. Des réalisateurs ont parfois envie de se faire plaisir, changer de
style, réunir un casting de dingue avec des "stars" ne venant parfois
que pour une minute de figuration. Sortir du registre habituel peut déconcerter leurs aficionados et les critiques. Ce fut le cas pour U-Turn tourné en 1997
par Oliver Stone qui divisa les cinéphiles et
fut même nominé deux fois au Razzie Awards : pire réalisateur pour Oliver Stone
et pire second rôle masculin pour Jon Voight.
Aucune "récompense" cela dit, Postman de Kevin
Costner ayant raflé la mise cette année-là. Pourtant le public
avait plutôt adhéré à ce délire avec une moyenne de 3,3 sur le site allociné.
Razzie Awards ? Dur pour Oliver
Stone, le réalisateur militant et humaniste, plusieurs Oscars au
compteur, Midnight
Express, Platoon, né un 4 juillet, en
bref 52 nominations dans divers grands shows et 14 prix. Pour l'anecdote, le
plutôt bien léché Alexandre fut nominé 4 fois auxdits Razzie Awards. On s'en
fout un peu, mais avec des réalisations sérieuses comme JFK (tiens, avec Kevin Costner dans le rôle du procureur Garisson) ou Tueurs nés,
on n'attend pas un film opposant truculence et hyper violence. Cela dit hyper violence,
si on a vu MidnightExpress
ou Tueurs nés…
J'en arrive au film du jour.
Billy Bob Thorton (si, si...)
Bobby Cooper (Sean Penn) taille la route à vive allure
à bord d'une mustang décapotable collector modèle 1964 rouge. Ah l'Arizona et
ses paysages grandioses et désertiques. Enfin, Oliver Stonenous affranchit
d'entrée, on n'assistera pas aux vacances de M. Cooper. Plans furtifs de vautours
qui se régalent de bestioles écrasées. Bobby en ajoute une au stock. Et puis il
pète une durite (pas lui, la Mustang). Un carrefour, quelques pancartes trouées
comme au temps des Dalton, un bled proche au nom ambigu, Superior.
Arrivée dans un garage décrépi mi mécanique, mi carrossier, mi casse (ok ça
fait trois mi). Un seul mécano, Darrell
(BillyBobThorton),
un amas ventripotent de crasse et de cambouis à l'air débile, dégénéré et
escroc, une dentition de zombie en fin de vie (oxymore). Un BillyBob
Thorton méconnaissable ou plutôt identifiable grâce au générique ; penser
à donner le prix Nobel pour les maquilleurs et les costumiers. Pas de mystère,
Bobby débarque dans l'un de ces
bleds oubliés par Dieu dans l'Amérique profonde. Oliver
Stone ricane derrière sa caméra à filmer l'échange entre le
garagiste surréaliste et un Bobby hâbleur,
impatient, désagréable et prétentieux. On identifie vite : une petite frappe qui s'est
taillée d'un Las Vegas où pour lui l'air est malsain vu son bandage à la main
(ceux qui ont vu Casino
de Scorcese connaisse le tarif de l'amende
infligée au tricheur ou débiteur de la Mafia : une manucure à coups de marteau ou
de cisaille).
John Voigth et Sean Penn
Une durite, une durite… de 1964, il faut un peu de délai…
Bobbycherche un troquet pour échapper au soleil de plomb. Visite de Superior :
bâtiments en ciment sans aucun charme (euphémisme), usines en ruines ; le paradis. Le
scénario est très dense et je ne dois pas raconter l'histoire. Bobby est entré en enfer comme a cru
bon d'ajouter le distributeur français. Bobby
trimbale un sac rempli de dizaine de millier de dollars pour aller solder ses
dettes dans la Capitale du jeu du Nevada. Mais Bobby se révèle la scoumoune incarnée. Pour Dante, l'enfer est derrière une
porte surmontée de l'inscription "Abandonne tout espoir toi qui entre ici". Pour
Bobby la porte prendra la forme d'un
drugstore où il veut acheter une simple bière. Mince, ça ne devrait pas être compliqué
d'acheter une bière, et bien si quand deux abrutis débarquent pour braquer la tôlière
: un clone mexicain de Mimie Mathy
qui bute les malfrats à coup de fusil à pompe et disperse le magot de Bobby lors de cette tuerie à la Tarantino !
Pour trouver les 200 $ destinés à Darell, Bobby enchaînera les plans foireux
jusqu'à un final digne du Grand-Guignol, occasion pour le cinéaste de faire
défiler une faune locale très haut de gamme. Examinons ces barjos plus ou moins dans le désordre. Un
mendiant aveugle (John Voight)
d'origine indéterminée traîne en ville, un ancien baba cool de Woodstock
reconverti en SDF qui philosophe des inepties à longueur de temps (le John Voight
de Délivrance
ou Macadam cowboy
est lui aussi identifiable uniquement au générique). Oliver
Stone métamorphose ses comédiens en monstres caricaturaux, un
festival de l'outrance. Deux débutants : Toby
N. Tucker (Joaquin Phoenix à 22 ans),
un ado que les hormones ont rendu sociopathe et qui s'est fait tondre TNT dans la
tignasse. Il veille comme un mac sur Jenny
(Claire Danes, 17 ans) qui l’ignore, une blondinette
nymphomane qui fait du gringue à tout ce qui porte un pantalon, Bobby compris. (D'où une bagarre en
trio d'anthologie en pleine rue.)
Nicke Nolte
Continuons. Plus au cœur de cette histoire sordide : Grace McKenna (Jennifer
Lopez), une bombe rescapée d'une réserve indienne ; tous les mâles de
Superior matent sa plastique avenante avec en priorité son postérieur. La belle
est mariée à l'ex de sa mère, une autre indienne morte (sous les coups ou
suicidée ?). Donc mariée au bourgeois du coin, Jake McKenna (Nick Nolte),
une brute sans scrupule qui maltraite Grace.
Du coup, est-ce sa fille ? de l'inceste ? Allez savoir dans ce bled
de fous. Jake crève de jalousie mais de manière plus vicieuse que Toby… Il ira jusqu'à proposer à Bobby de buter sa femme pour partager une assurance vie !!!! Il a surpris Bobby en train de bisouiller Grace d'ailleurs. Bobby est une petite frappe, mais de là à tuer… Ajoutons la cerise
sur le gâteau : Le shérif Virgil Potter
(Powers Boothe)qui tient le volant de sa bagnole de service
d'une main et une flasque d'alcool dans l'autre. Marié, un gosse, on
pourrait imaginer un personnage presque normal ; pas le moins du monde, il en
pince aussi pour Grace qui semble
être le catalyseur des déviances sexuelles de Superior. Ah les braves gens !
On se résume et on conclut : vous plongez tous ces cinglés
dans un creuset abject et vous touillez, les stratégies les plus glauques s'échafaudent pour permette à Bobby d’honorer une facture de 200 $. Qui sortira vivant de ce délire de roman noir jailli de
la plume de John Ridley qui marche à sa façon
sur les plates-bandes d'un Elmore Leonard
(Jacky Brown)
?
Oliver Stone rythme
son film avec gourmandise. Il y a quelques longueurs, des roucoulades entre Bobby et Grace un peu superflues à mon sens. Les dialogues sont savoureux.
Le réalisateur adore les coquetteries côté photographie et cadrage : des floutés et
même du NB, des contreplongées…, mais sans logique affirmée. De rares petits points
faibles dans cette fable grotesque et sanguinolente. Le casting est d'enfer
(sans jeu de mot), chacun survoltant le rôle de composition qui lui est confié,
toujours diabolique. Des habitués du réalisateur ont détesté le côté
"foutoir" du script, un avis pertinent au regard des outrances volontaires
de la mise en scène.
Format : Couleurs (Technicolor) -
35 mm - 1,85:1 - Dolby Digital / SDDS
Durée : 120 minutes - interdit -16 ans.
Musique : Ennio Morricone plus
chanson de Peggy Lee au générique (it’s a good day - Enfin si on veut)
Ah, je me souviens avoir adoré ce film! Faut que je le ressorte de la collec' du frangin. Sean Penn est un très grand acteur, et puis c'est le seul mec dont Madonna avoue regretter s'être séparé... La façon dont Bobby reste prisonnier de ce bled de barges me rappelle Red Rock West dans lequel Nicolas Cage croit s'échapper pour revenir illico sitôt le panneau dépassé. Grand film, franchement à découvrir!
Ah, je me souviens avoir adoré ce film! Faut que je le ressorte de la collec' du frangin.
RépondreSupprimerSean Penn est un très grand acteur, et puis c'est le seul mec dont Madonna avoue regretter s'être séparé...
La façon dont Bobby reste prisonnier de ce bled de barges me rappelle Red Rock West dans lequel Nicolas Cage croit s'échapper pour revenir illico sitôt le panneau dépassé.
Grand film, franchement à découvrir!