- Ignace ♫♬.
Ignace♫♬. C'est un♬ petit♬, petit♬ nom charmant♪… chantait Fernandel en 1937 M'sieur
Claude… Vous nous avez déniché un bel inconnu ? Qui, Où ? Quand ?
- Sacrée
Sonia ! Une chanson d'une rare niaiserie… Moscheles est un composteur pour le
moins oublié, contemporain de Beethoven et de Mendelssohn…
- Ah oui, la
symphonie date de 1828, un an après la mort de Beethoven… A priori un
romantique ? Vous confirmez ?
- Oui, et un
très proche ami de Mendelssohn dont il adopte à sa manière le style… Pas le
brio des deux symphonistes célèbres, mais très vivant… à découvrir…
- Le chef Nikos
Athinäos est grec, vous nous en avez déjà parlé à propos des symphonies de
Czerny, un autre compositeur trop à l'ombre des géants…
- Oui à
l'époque, j'avais dû traduire du grec pour faire connaissance avec ce chef…
Tout évolue, il a maintenant une belle page en anglais sur Wikipédia…
Portrait de Ignaz Moscheles par son fils Felix (1860) |
On ignore souvent, moi le premier, qu'avant Antonín Dvořák (1841-1904), il y a eu une vie musicale intense dans ce qui s'appelle
aujourd'hui la Slovaquie et la République Tchèque. Il est vrai que ces pays ont souvent été divisés, réunis ou intégrés dans divers empires au gré de
l'histoire de l'Europe central. Prague
et dans une moindre mesure Brno sont
des capitales musicales incontournables depuis l'art baroque jusqu'à l'époque contemporaine.
Lors d'un papier récent consacré à la 39ème symphonie de Mozart, je rappelais que son opéra Don Juan
et sa bien nommée 38ème
symphonie "Prague" rencontrèrent un vif
succès lors de leur création à Prague alors que leur accueil à Vienne fut
plutôt tiède…
Isaac Ignaz Moscheles voit le
jour en Bohème en 1798 dans une
famille aisée de la communauté juive. Son père qui joue de la guitare souhaite
que l'un de ses enfants devienne musicien… C'est le jeune Ignaz qui va se révéler le plus doué pour
satisfaire les ambitions paternelles. Il apprend le piano et se passionne pour
les œuvres de Beethoven. Il va aussi
découvrir au conservatoire de Prague le répertoire pour le clavier de Bach, Mozart
et Clementi. Naître en 1798 en fait le quasi
contemporain de Schubert né en 1797. Beethoven a 28 ans et s'est déjà fait un nom à Vienne. Mendelssohn
aura beaucoup de points communs à partager avec Moscheles
dont une amitié sans faille. Mendelssohn,
certes né en 1809 est lui aussi issu
d'une famille juive et bourgeoise. Juif, un handicap à une époque où
l'antisémitisme ferme les portes aux carrières brillantes… Les deux
compositeurs seront amenés à se convertir, Mendelssohn
au protestantisme, Moscheles à l'Église
anglicane dans les années 1820. L'un
et l'autre ont une passion pour promouvoir la musique de leur temps, Beethoven notamment.
Le pianiste virtuose qu'il devient sillonne l'Europe
et entretient des liens d'amitiés étroits avec les compositeurs de son temps,
en particulier ceux d'origine juive qui comme lui ou Mendelssohn
qui doivent s'imposer dans un monde où la culture chrétienne dicte ses règles,
citons Anton Rubinstein, Joseph Joachim pour les plus connus.
En ses jeunes années, Moscheles
étudiera avec Salieri et Albrechtsberger, un pédagogue de renom
contemporain de Haydn. Preuve de ses
capacités pianistiques, Beethoven
lui confiera un travail de transcription de son unique opéra, Fidelio.
De 1821 à 1843, il s'installe à Londres, embrasse
la foi anglicane et devient organisateur de concerts. Passionné de piano il
côtoie Hummel, Liszt
et Chopin. C'est peut-être cette activité de
défenseur de cet instrument encore nouveau et d'interprète qui va occulter en
partie son statut de compositeur. Il est vrai, et nous allons l'entendre, que chez
cet homme le talent prend le pas sur le génie. Pourtant il nous a légué huit concertos
pour piano plutôt agréables et un catalogue d'une bonne centaine d'ouvrages
dont la symphonie
en Ut que nous allons écouter ce jour. Bien entendu Moscheles a écrit un certain nombre
d'ouvrages pour le piano ainsi que des œuvres de musique de chambre
incluant le clavier. N'oublions pas qu'après la révolution opérée par Ludwig
van sur le genre de la symphonie, beaucoup de compositeurs, Brahms en
particulier, seront intimidés avant d'oser composer pour l'orchestre des
ouvrages de musique pure.
En 1843, à
son retour d'Angleterre, il rejoint son ami Mendelssohn
à la direction du conservatoire de Leipzig, ville dans laquelle il disparait en
1870.
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Nikos Athinäos (1946-) |
La 9ème de Beethoven date de 1824 et la 9ème de Schubert sous-titrée la grande de 1825. Donc en un mot, en 1828 nous sommes en plein essor du
romantisme, même si on ne trouvera aucune expression des affres beethovéniens
dans cette symphonie plutôt bon enfant et guillerette. La tonalité dominante de
do majeur préfigure un ouvrage heureux. Pour ceux qui la connaissent, le
rapprochement avec la 1ère symphonie de son ami
Mendelssohn est assez pertinent.
Autre argument en faveur d'une conception d'approche
romantique, l'orchestration qui anticipe celle de la seconde moitié du XIXème
siècle, principalement par le pupitre des cuivres d'une puissance brucknérienne
première manière :
2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes de tessitures
différentes, 2 bassons, 2 trompettes, 4 cors (2 tessitures différentes), trois trombones
(alto, ténor, basse), timbales et cordes.
La date réelle de la création est inconnue des tablettes.
On suppose que son ami Mendelssohn
en a dirigé la première à Londres en 1829 en paralèle de la création anglaise de sa propre 1ère symphonie écrite en 1824. Johann Philipp Christian Schulz et l'orchestre
du Gewandhaus de Leipzig l'avaient jouée en 1827, le jeune Felix n'ayant que 17 ans ; sans grand succès ni lendemain, il faut le
dire. Les anglais apprécient mieux les nouveautés, comme souvent…
Comme le rappelle Sonia, le chef grec Nikos Athinäos, grand dénicheur d'œuvres
injustement oubliées officie pour ce disque. Voir la biographie de cet artiste
dans la chronique Czerny (Clic). Nous retrouvons l'orchestre de l'Etat du Brandenbourg de Francfort,
ses chaudes couleurs et une prise de son bien équilibrée assurée par le label Christophorus.
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Portrait de George Henschel par Felix Moscheles |
[2:39] L'allegro s'élance gaiement et avec humour sur
deux appels de trompettes suivi de l'exposition du premier bloc thématique. La
mélodie se révèle fougueuse et fera indéniablement penser au style de Mendelssohn : articulation marquée, ton
léger même si martial. Il faut noter que la première symphonie
vraiment "pro" de son ami allemand, "l'italienne" est
nettement postérieure, à savoir 1842.
La 2ème étant plutôt une cantate. Donc une symphonie conventionnelle ?
Non, je confirme mon opinion, le romantisme est bien présent, peut-être pas
celui inspiré par la littérature de Goethe
ou encore de Hugo ou de Lamartine comme chez Liszt, mais débonnaire, la musique pleine
de verve d'un bon vivant. Oui, en effet aux antipodes de la marche funèbre de
la symphonie "héroïque" de Beethoven.
À propos de ce denier, le point faible qui a sans doute empêché cette œuvre de
se maintenir au répertoire est l'absence de thèmes qui frappent d'emblée
l'auditeur, en particulier des gifles comme l'immortel pam
pam pam paaam ! Une thématique élégante et bien troussée mais
plus impersonnelle que celle imaginée par les grands noms du romantisme cités
depuis le début de cette chronique. Pourtant le discours très coloré est
nettement plus passionnant que celui de la partie orchestrale des concertos pour
piano de Chopin,
ce n'est pas un scoop. [4:38] ou [7:37] les reprises assez conventionnelles
dans la forme ne le sont guère dans l'orchestration très variée, ce qui fait le
charme de cette musique et confirme le talent de Moscheles
pour exploiter de manière nouvelle et virevoltante l'harmonie. [9:03]
Changement de climat avec un sentiment de pathétisme, d'empressement, et surtout
toujours ces dialogues à découvert de bois très idiomatiques dans cette œuvre. [11:15]
Réexposition du thème de l'adagio mais sans la superbe initiale. Là, il faut
saluer Nikos Athinäos qui
donne à ce long mouvement (14 minutes) une fantaisie dans le phrasé qui évite
l'ennui lié à la forme sonate rigoureuse. La coda est assez banale.
Lady assise par Felix Moscheles |
3 - Scherzo.
Allegro con fuoco (Trio - Un poco moderato) : [20:12] Le scherzo est
assez bref et débute de manière rugueuse. Là encore, la liberté volubile donnée
aux bois permet de compenser la relative faiblesse thématique. [22:17] Le trio
se présente telle une danse villageoise avec un thème chanté par le hautbois
puis par la flûte ou encore un cor. Un scherzo étant à trois temps, la rythmique
soutenue et galante choisie par le compositeur pourrait nous entraîner vers le
monde de la valse… Le scherzo est rejoué da capo sans reprise.
4 - Introduzione. Adagio —
Finale. Allegro vivace : [25:34] Le final débute énergiquement par une
suite d'accords vigoureux et syncopés. Seul, le hautbois amorce un début de
thème qu'il complétera quelques mesures plus tard. Là encore l'adagio ne se résout
pas à affirmer un tempo plaintif. On retrouvera de-ci delà des motifs extraits
des mouvements précédents. Tout cela n'est pas, il faut l'admettre, d'une folle
imagination, mais au moins, c'est gai voire primesautier.
Une symphonie allègre dont la résurrection ne remet
pas en cause l'histoire de la symphonie romantique mais montre que bien avant Schumann ou Berlioz,
dès la publication des chefs-d'œuvre de Beethoven,
le romantisme s'imposait grâce à des compositeurs acquis à sa cause. Le ton
épique des deux premiers mouvements permet à cette symphonie d'échapper
définitivement à la musique de pur divertissement.
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- Elle est
zarbie l'illustration de la vidéo M'sieur Claude : on dirait un sous-marin
cuirassé futuriste dessiné par Bilal ou tout droit sorti du film rigolo La
Ligue des gentlemen extraordinaires…
- Oui Sonia,
ce site en a toute une collection… Aucun rapport avec la symphonie… Cela dit
cet éditeur de vidéos propose des pépites introuvables incroyables…
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