Pas sûr que le
calendrier lui soit favorable, à Sir Elton, surtout après le raz de marée
BOHEMIAN RHAPSODY. Voici donc sur grand écran, le biopic d’Elton John, produit
par lui-même. Ce qui souvent n’est pas forcément une bonne chose (voyez les
deux musiciens de Queen qui ont ripoliné la vie de Freddie Mercury) mais là
Elton John a dit banco, on y va, surtout là où ça fâche.
Donc
contrairement à BOHEMIAN qui racontait tout et surtout n’importe quoi du moment
que le scénario allait dans le sens d’une bonne dramatique hollywoodienne, ROCKETMAN
met les mains dans le cambouis. Chose amusante, le réalisateur Dexter Fletcher est
aussi celui de BOHEMIAN RHAPSODY, il en avait repris le tournage après que
Brian Singer fut viré par la production (mais qui a obtenu de garder son nom à
l’écran). La bonne nouvelle est que Fletcher propose une mise en scène aux
antipodes de l’autre film.
Bon, l’histoire
on la connait, et là par contre tout est très académique. Le petit Reginald
Dwight se découvre une excellente oreille musicale, il étudie le piano à la
Royal Academy of Music, devient virtuose à 11 ans, mais son papa autoritaire
lui fait comprendre que tout ça c’est des trucs de gonzesses, d’autant que le
petit aime feuilleter aussi les magazines féminins, et mater les belles robes. Ce qu’il
veut, Reginald, c’est être chanteur de soul music, car il possède en plus un beau
gosier. Il accompagne au piano des chanteurs américains, monte un groupe, et
rencontre Bernie Taupin, parolier fauché. J’étais
persuadé que Bernie Taupin était gay, eh ben non. Reginald lui fait du plat,
mais Bernie décline. Entre eux, ce ne sera que boulot-boulot, et ça fait 50 ans
que ça dure.
Quand Bernie Taupin arrive avec des textes, Reginald les pose
sur son piano et sort de ses dix doigts boudinés de merveilleuses mélodies...
Tout parait très facile dans le film, instinctif même, j'imagine qu'il faut quand même bosser un peu... Ensuite c'est très classique : deal avec la maison de disque rapace, tournée aux USA, plusieurs soirs au Troubadour de Los Angeles où l’on se presse d’aller
voir la nouvelle attraction anglaise, qui se rebaptise à l’occasion Elton John
(John, comme John Lennon). J’aime cette scène où il pirouette sur son clavier,
le réalisateur le montre comme en lévitation, ainsi que le public, dont on voit
les pieds décoller du sol, manière bien visuelle de montrer l’adhésion des
spectateurs à la musique du p’tit nouveau. Le film est très visuel et me rappelle
parfois un TOMMY light de Ken Russell, [ clic article TOMMY ] l’opéra rock de The Who, et dans lequel figure
Sir Elton.
Le scénario
déroule l’habituel ballet de concerts, boutanches et rails de coke, parties fines, exubérances, costumes extravagants (la robe et perruque Pompadour fallait oser !)
déguisements masquant son vrai moi profond : incompréhension des parents, homosexualité, désamour, solitude. Ressort psycho un peu léger, mais bon, si c'est sa vie à Elton. Homosexualité qu’il partage avec son manager John Reid,
un temps son amant (par intérêt ?) et je ne suis pas sûr que le portrait du bonhomme soit très flatteur. Elton John
n’élude pas ces aspects. Un bon point.
Je découvre
que comme Freddie Mercury, Elton John a été marié à une femme. Au lendemain de la nuit
de noce, on les voit sortir de deux chambres séparées, puis café pour madame et un grand verre de vodka orange pour monsieur. Tout est dit.
La mise en
scène offre de grandes scènes chorégraphiées. L’overdose, l’arrivée
à l’hosto, les soins et le retour sur scène, tout cela est filmé comment un
ballet, avec infirmiers danseurs, inspiré sans doute de ALL THAT JAZZ de Bob
Fosse [ clic article ALL THAT JAZZ ]. Une manière de ne pas plomber de mélo des scènes
dramatiques.
Une autre chose intéressante : la place des chansons. Dans la plupart des
biopic, on entend le gars en studio, ou sur scène, en répèt. Ici les chansons
servent de dialogues, de fil conducteur, pas forcément chantées par Elton
John mais par tous les personnages. Les chansons n’apparaissent
pas dans l’ordre chronologique mais collent au contexte de la scène.
Les chansons sont interprétées par les acteurs eux-mêmes. Non seulement Taron
Ergeton est bon comédien (pas affublé de fausses ratiches comme l’autre qui jouait
Freddie), il est formidable, et a une
putain de voix ! Il ne fait pas que reprendre les intonations de son
modèle. Si on veut entendre les originaux, on écoute les disques ! (dans
BOHEMIAN, en quoi la reconstitution au millimètre du Live Aid surpasse ce qu’on
voit sur Youtube ?!). Saluons cette cohérence, puisque les chansons se
mêlent et nourrissent l’intrigue, ce choix était parfaitement adapté.
On passe un
bon moment, on entend de la bonne musique - Elton
John a sorti dans les 70’s un nombre hallucinant de disques et son cortège de tubes, on l’entend
dire à un moment que « 5% des disques vendus dans le monde sont les miens »
ce qui était vrai ! On aurait aimé plus de folie, d’inventions, qu’on y aille
à fond dans le délire, puisqu’Elton John disait lui-même qu’il ne voulait pas
d'un film classique, car sa vie n’avait pas été classique.
Reste la question : quel est l'intérêt de tels biopics, tous battis sur le même modèle dramatique, célébrité, solitude, déchéance et rédemption (Ray, Cash, Elvis, Brown, Freddie...). Le documentaire semble être une meilleure manière d'aborder ces sujets (Janis, Amy, Marley, Dylan, Harrisson...).
Reste la question : quel est l'intérêt de tels biopics, tous battis sur le même modèle dramatique, célébrité, solitude, déchéance et rédemption (Ray, Cash, Elvis, Brown, Freddie...). Le documentaire semble être une meilleure manière d'aborder ces sujets (Janis, Amy, Marley, Dylan, Harrisson...).
On n’évite pas
au générique de fin les photos des « vrais », notamment le gamin de
10 ans à son piano (arrff le personnage adulte revoit et regrette son double-enfant, bla bla bla...) ou Elton et son mari David
Furnish avec leurs gamins. Mais il faut se souvenir qu’il y a 50 ans, être rocker
et gay semblait incompatible. Elton John a souhaité de son vivant mettre tout
ça sur la table, il n’a pas à rougir de son parcours, et nous le fait savoir.
couleur - 2h00 - scope 1:2.35
Ah, les biopics de chanteurs ... je les regarde jamais, même pas celui sur johnny cash avec pourtant Joaquin Phoenix qui est quand même un acteur d'un autre niveau que euh ... Rami Malek au hasard. Pour moi, c'est comme si on faisait un film sur la coupe du monde de rugby de 95 ... Ah m.., Clint Eastwood l'a fait et quiconque a déjà vu en vrai un match de rugby éclate de rire en voyant cette pseudo reconstitution ...
RépondreSupprimerD'accord avec toi, les meilleurs films musicaux sont les documentaires (qui peuvent aussi être partiaux, mais c'est pas le problème, à chacun de se faire une idée et de creuser le sujet si ça lui chante ...)
Je rectifie, le meilleur film musical c'est bien évidemment Spinal Tap ...
D'accord avec toi, Lester. Cependant, ces films romancés ont tout de même l'avantage de faire connaître des artistes à une population qui se contente généralement de ce que lui refourgue la téloche et la radio.
SupprimerAprès "Walk the Line", Cash est parvenu à s'immiscer sur les ondes françaises (certes, pas trop longtemps). Aujourd'hui, c'est Queen.
Amusant d'ailleurs le nombre de jeunes qui parlent de Queen comme s'ils l'avaient toujours vénéré.
Il faudrait un long-métrage sur Led-Zeppelin ...
Ah c'est malin...
SupprimerLes Doors d'Oliver Stone est excellent, Les Runaways très sympa et Rude Boy sur The Clash juste avant la sortie du meilleur disque du monde et des alentours London Calling est un bancal mais précieux documentaire.
Je rêve aussi d'un film sur Led Zeppelin, d'abord parce que la matière première est d'un autre niveau qu'Elton John (sans méchanceté aucune) et qu'on a quatre individualités intéressantes, et du bon spectacle en perspective ! Mais il faudrait presque une série en six épisodes...
RépondreSupprimerJ'ai vu "The dirt" tiré du bouquin de Motley Crüe, il y a de bons moments (si on a aimé "Trainspotting" !)
@ Lester, biopic ou pas, l'important ce sont les qualités du film. "Ray" ou "Walk the line" sont de bons films, on peut les voir tel que sans rien connaitre les personnages réels. Le "Elvis" de Carpenter est pas mal aussi. Ou "The Rose"... y'a plein d'exemples. C'est lorsque qu'on veut faire dans la reconstitution millimétrée pour ne pas contrarier les fans et les ayants-droits, que ça coince, comme "Bohemian"...
J'avais pondu quatre (excellents...) articles, y'a un bail, sur le rock et le cinéma. Deux disciplines intimement liées depuis les 50's.
Dans le genre biopic réussi, "Amadeus" de Forman se pose-là !!!
Effectivement, résumé Led Zep en un seul long métrage de ... bien trois heures, serait réducteur. Du moins, si l'on veut faire les choses bien. Et à ce titre, ils ont bien résumé Queen - en focalisant sur Mercury - en deux heures. Avec, pour le coup, des beaux raccourcis et anachronismes.
Supprimer"The Dirt", en dépit des efforts des acteurs, sent trop le film racoleur et tourné rapidement. Et puis, bien des fois, on a une irrépressible envie de leur mettre des claques.
Tu pourrais peut-être t'y coller, pour Led Zep, non ?
SupprimerJe me souviens d'un jeune cinéaste filmant un solo de Blackmore en live (en fait, une reconstitution). Le même gars avait réalisé une captation live de Bruni reprenant Cream.
Dans un tout autre genre, un grand film d'animation, "Mon Avatar". Il y a du métier ...