- Ô M'sieur Claude… Une nouvelle symphonie de Mendelssohn au programme de
cette semaine ? Pas l'écossaise ou l'italienne pourtant…
- Erreur Sonia, mais pertinent néanmoins. Non il s'agit de la première
symphonie de Carl Czerny, un pianiste-compositeur de l'époque de
Mendelssohn et Beethoven.
- Czerny ? Ah bon. Mais je croyais qu'il n'avait composé que des études
pour apprendre le piano, d'un ennui mortel m'a-t-on dit…
- Ce n'est pas faux, des cahiers d'études du facile au très difficile.
Certes rébarbatives, mais assez incontournables pour se perfectionner. Et
voici une symphonie sympa.
- Je me suis faite avoir, mais si je puis me permettre, le style fait
penser immédiatement au début du romantisme et à Felix…
- Soyons clair, Czerny compositeur reste un petit maître, et curieusement
cette première symphonie plutôt allante ne sera guère suivie par d'autres…
Une découverte…
Carl Czerny (1791-1847) |
De la poésie dans ces
études
? Absolument aucune ! Mais on travaille toutes les difficultés possibles de
l'instrument : l'indépendance des mains, la frappe de l'auriculaire, la
vélocité, et patati et patata. Oui,
Chopin,
Liszt
et ses diaboliques
Études d'exécution transcendante,
Debussy,
Scriabine,
Rachmaninov, et bien d'autres nous offriront des
études
gorgées de belles musiques indépendantes de l'aspect éducatif, mais chercher
à les jouer correctement et avec plaisir sans le passage obligé par les
exercices progressifs de
Czerny, et bien ce n'est pas gagné ! Et pourtant,
Czerny
savait aussi composer des pièces très mélodieuses comme les
8 Nocturnes romantiques
de différents caractères
(L'hommage, le désir,
et ainsi de suite) qui n'ont pas à pâlir face aux
romances sans paroles
de
Mendelssohn. Revenons au début, en 1791,
moins d'un an avant la mort de
Mozart…
Février 1791,
Carl Czerny
naît dans cette Vienne qui commence à ne plus comprendre l'art de
Mozart, encense
Haydn
et va découvrir au tournant du siècle le génie de
Beethoven. Le père du jeune garçon est un excellent pianiste qui va faire étudier
son fiston seulement âgé de trois ans. Il est surdoué, joue
Bach et
Mozart à l'âge où l'on apprend à
écrire et compose dès ses sept ans.
Au début du XIXème siècle, le préadolescent suit les cours de
Hummel,
Salieri
(autre grand pédagogue) et surtout de
Beethoven
qui vient de dépasser la trentaine et a lui aussi révolutionné le jeu du
piano, notamment dans l'usage des tonalités.
Beethoven
pensait lui proposer de créer son
1er concerto, mais il le fera lui-même. Très tôt, il se révèle un excellent professeur,
préférant l'art d'enseigner au concert ; il abandonne cette activité en
1818. Parmi ses nombreux
élèves, une future tête d'affiche :
Franz Liszt qui lui dédicacera les
Études d'exécution transcendante
mentionnées plus haut.
Carl Czerny
possédait une mémoire eidétique qui, entre autres, lui permit
d'interpréter les 32 sonates de
Beethoven
sans les partitions sous les yeux !
Il va composer beaucoup et dans tous les genres, 861 œuvres d'après son
catalogue. Et curieusement, ce sont les difficultés les plus retorses des sonates de
Beethoven
qui lui inspireront la rédaction des recueils d'études. Tout cela n'est pas
de la veine d'un
Beethoven et d'un
Mendelssohn, sans parler d'un
Chopin
pour le corpus pianistique. Pourtant, certaines partitions pour le piano,
l'orchestre et la musique de chambre ont résisté au temps. La discographie
est sélective mais de bon niveau pour ce personnage important de l'histoire
de la musique mort en 1857, un an après
Schumann
qui soit-dit en passant trouvait la musique de Czerny
peu imaginative. Soixante-six années de vie pour l'un des acteurs essentiels
du romantisme musical.
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Nikos Athinäos |
Il n'y a pas que des compositeurs du passé qui passent à la trappe. À
croire que le chef d'orchestre
Nikos Athinäos
n'a jamais existé. Pas une ligne sur le maigre livret anglais-allemand du
CD. Pas une photo sur internet, ni un programme de concert avec quelques
phrases sur cet artiste qui pourtant cartonne dans l'intégrale des
symphonies de
Czerny
gravée pour le label
Christophorus. Première dans le
blog. Désolé, mais merci à ce monsieur d'avoir exploré cet univers
symphonique inégal certes, mais à ne pas jeter aux orties, loin de là…
- Heu M'sieur Claude, bonjour c'est Nema, je pense qu'il est grec…
- Ah merci beaucoup Nema, je n'y aurais pas pensé tout seul, on
avance…
- Ne soyez pas suffisant ! Non, ce que je veux dire Môsieur Claude est :
essayez avec l'orthographe Νίκος Αθηναίο…
😨
Bigre, la petite nouvelle, Nema, a des ressources insoupçonnées, une
helléniste distinguée ! Elle me tacle 😖 !! Eh bien oui, recours à un
traducteur et voici donc une photo de notre maestro né en
1957 à Khartoum et quelques
infos traduites du grec.
Nikos Athinäos
a étudié à Athènes, Düsseldorf et Cologne. Sa carrière est internationale.
Il a été directeur de l'orchestre de l'Etat du Brandenbourg de Francfort sur Oder
que nous écoutons aujourd'hui. Sa discographie est intéressante. Échappant
au grand répertoire surreprésenté dans les catalogue des labels, on lui doit
des enregistrements dédiés à des compositeurs peu connus :
Czerny
évidement, mais aussi d'autres romantiques de cette époque comme
Gottfried von Einem, sans oublier des contemporains :
Ignaz
Moscheles,
Bela Bartók,
Alfred Schnittke,
Paul Dessau
et
Boris Blacher. Grâce à Nema et au Deblocnot, cet artiste va enfin être connu du web,
avec l'alphabet latin, français et anglais notamment ! Merci qui ?
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Pas de partition disponible, mais à la lecture de celle de la
2ème symphonie
et à l'écoute, on peut déduire l'orchestration assez facilement : 2/2/2/2, 2
cors, 2 trompettes, 3 trombones dont un basse, 3 timbales et les cordes. Un
orchestre proche de celui de la
5ème
de Beethoven
ou des symphonies de Schumann
typique du romantisme originel. Très classiquement : 4 mouvements.
Debout : Berlioz et Czerny. Assis : Liszt |
1 – Allegro
: les premières mesures affirment un désir de grandeur, des accords
puissants suivis d'un noble thème joué par l'orchestre à l'unisson. Rien de
grandiloquent, non juste grandiose. [0:12] Un réexposition apparaît très
rapidement, mais chantée avec une ardente élégance par les bois. Une
introduction qui agrège deux types d'orchestration antinomiques en moins
d'une demi-minute pour le même thème ! En un mot : une variété dans
l'écriture plutôt prometteuse… On pense à l'énergie d'un Beethoven
(sans l'ingéniosité des thèmes qui vous sautent aux oreilles) et au sens de
la mélodie d'un Mendelssohn
ou d'un Schumann
(sans l'imagination débordante peut-être). Czerny
ne compose pas pour les salons. Loin de là. La volubilité et le lyrisme qui
se développent dans cet allegro ne risque pas de vous endormir. Cette
musique s'inscrit sans équivoque dans le romantisme par sa fougue et surtout
ce dialogue animé, presque théâtral entre cordes, groupe des bois, groupe
des cuivres.
J'entends déjà une remarque assassine : "forme académique". Certes,
Czerny
ne s'aventure guère hors de la forme sonate caractérisée pas les reprises
rigoureuses et une facétie dans les variations assez modeste. Le thème
initial devient leitmotiv et sera répété très souvent mais à travers un
contrepoint allié à une instrumentation très mouvante.
Nikos Athinäos
et les ingénieurs du son éclairent cette musique qui ne prend son sens
qu'avec une mise en avant très détaillée des solos. Le chef anime cette
musique qui bâtit son architecture plutôt dans les changements de timbres,
les élans des cuivres, les paraphrases des bois, que dans un travail
complexe sur la mélodie, un peu absent ; difficile de le nier. Dieu, que
c'est vivant et épique… Chevaleresque, voire jubilatoire. Ô, on n'en ressort
pas étrillé comme à la fin de la
5ème
de
Beethoven, mais quel bon moment de musique récréative…
Lettre de Czerny à Beethoven - amis pour la vie) |
2 – Andante sostenuto
: [12:50] Czerny
était-il un romantique angoissé comme
Beethoven et
Schumann et plus tard
Bruckner
? À l'écoute du premier mouvement on pouvait en douter par la négation de
toute interrogation métaphysique, de toute mélancolie. Une petite marche
champêtre colorée de trilles de flûte, de gazouillement des bois sur une
tendre mélopée des violons, confirme ce rejet du dramatisme cher à l'époque.
Non, contrairement à ce que je lis, la parenté avec la
scène au bord du ruisseau
de la "Pastorale" de l'ami Beethoven
n'est pas flagrante. Laissons donc à Czerny
prouver lui-même ses talents de symphoniste sans chercher à dénoncer une
quelconque tendance au plagiat. Bien évidemment, cet andante sent bon la
campagne et les ramures, mais la sensualité beethovénienne laisse place à un
chant plus rustique.
[13:38] Une marche tranquille initiée par les violoncelles va gagner en
vigueur, rythmée par les timbales. S'élance un crescendo qui va laisser
place à un discours bucolique où l'on retrouve l'habileté de Czerny
pour faire entendre un à un les différents pupitres. Bravo au chef pour ce
moment rêveur et enchanteur. La beauté des timbres de cet orchestre allemand
apporte beaucoup de tendresse à cet andante qui me semble le mouvement le
plus soyeux et attachant de l'œuvre. À lui seul, il justifiait la
résurrection de la symphonie. [19:51] Jolie coda pleine de malice…
3 – Scherzo
: [20:47] le scherzo prolonge ce climat guilleret par une mélodie simple et
joyeuse, une danse paysanne, inspiration qu'affectionnaient tant les
romantiques. Il me vient à penser à Dvořák… Une indéniable drôlerie anime ce scherzo, avec ses étonnants pizzicati de
contrebasses. [23:45] La thématique du trio chanté par les bois dérive
directement du thème principal du scherzo. Vivant et dansant, mais peu
imaginatif, il faut bien le dire. [25:47] Retour da capo du scherzo mais
sans reprise, ce qui n'est pas une mauvaise idée avec un matériau musical
aussi sommaire.
4 – Finale
: [27:20] Final allegro en forme de récapitulation des idées qui précèdent. Czerny
semble rencontrer la même difficulté que Schubert
: comment terminer avec originalité une symphonie. (Voir la
symphonie
"inachevée" volontairement sans nul doute, les tentatives de reconstitution ne sont
pas probantes.) Un final brillant néanmoins. Une œuvre pleine de gaité à
découvrir pour ce qu'elle est : un témoignage d'un homme qui lorsqu'il
enseignait pouvait se prévaloir de vraiment connaître le métier😉.
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Très agréable à écouter ! Presque du Beethoven ! Pour la très connu gravure ou tu vois Berlioz, Czerny et liszt, il serait bon de rajouter a gauche Josef Kriehuber le lithographe autrichien et Heinrich Wilhelm Ernst violoniste et altiste, le successeur de Paganini.
RépondreSupprimerQuel puits de science mon ami Pat. Je n'avais pas trouvé les noms de ces deux personnages :o)
SupprimerJe connaissais cette gravure depuis longtemps après l'avoir vu dans une biographie de Berlioz et j'avais cherché à savoir qui était les personnages sur l'image !
Supprimer....et je pense même que tu pourrais trouver de la matière avec Heinrich Wilhelm Reich, son catalogue est bien fourni !
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