mercredi 29 mai 2019

Anthony GOMES "Peace, Love & Loud Guitars" (2018), by Bruno



     Ha ben, nom di diou ! Le sieur Gomes a pris du gras. Sa musique, pas lui ... quoi que ... Et finies les Stratocaster (Fender ou autre) et place aux Gibson charnues, avec une prédilection pour la LesPaul et la Flying V. En fait, il a bien gardé quelques Strato, mais des modifiées, à un seul potard et un seul micro en position chevalet. Un gros humbucker (un Seymour Duncan Antiquity). Pas de chichi, on va droit à l'essentiel.

     Pour sûr, Anthony Gomes a entamé un sérieux virage qui l'a directement amené dans un idiome purement Heavy-rock. Si le virage avait déjà été amorçé depuis quelque temps, avec quelques dérapages - contrôlés ou pas - désormais, il semble avoir tourné le dos à son Blues-rock US.


     Là, avec "Peace, Love & Loud Guitars", il est à fond dans un Hard-blues gras, charnu, qui va faire hurler de rage les gardiens du temple et inversement ravir ceux qui n'ont que faire des clivages et de la tradition (du moins musicalement).


   Quoique en ce qui concerne ces fameux "gardiens du Temple", cela doit déjà faire un moment qu'ils médisent sur le Canadien. Ha, oui, parce que le gars, en plus de ne pas être Afro-américain, n'a même pas la décence d'être né au pays de l'oncle Sam. Même pas fait l'effort de franchir la frontière. Fils d'un père Portugais et d'une mère Franco-canadienne. Tout se perd, c'est la décadence. Sachant cela, rien d'étonnant à ce qu'il se fourvoie avec des sons stridents propres à satisfaire des ignares aveuglés par de l'esbroufe.
(Comme il le dit lui-même, être blanc et Canadien, c'est être blanc deux fois).

Si seulement c'était ça, mais que nenni. Anthony Gomes est tout bonnement un authentique et sérieux musicien, autant influencé par le Blues, la Soul que le Heavy-rock. Et, évidemment, subissant le poids considérable d'un Jimi Hendrix et d'un Robin Trower.
En authentique passionné des douze mesures et de son histoire, il s'inscrit en ethnologue du Blues, et aurait même obtenu une maîtrise sur le sujet.

     Étonnamment bien peu connu en nos contrées - au profit d'autres moins talentueux et intéressants -, Anthony Gomes explose de talent, tant au chant qu'à la guitare, dès son premier essai en 1998, avec le bien nommé "Blues is Technicolors".  Où il affiche déjà un jeu de guitare sans faille et une voix digne de vieux flibustier au long cours. Par la suite, il a continué son petit bonhomme de chemin, commençant à percer chez les voisins ricains à partir de 2003, avec "Unity", et devenant l'une des valeurs sûres du Blues-rock nord-américain (avec un live parvenant à monter temporairement à la première place des charts "Blues"). Depuis, chacune de ses réalisations s'infiltre dans le top 10 des ventes "Blues" américaines ; sans pour autant s'y éterniser.
 

   Depuis son stage en groupe avec les New Soul Cowboys, trio qui oscille entre le gros Hard qui tâche et le Rock FM lustré et charnu, il a considérablement relevé le taux de distorsion et s'est plus sérieusement penché sur l'art des riffs épais et puissants. Deux disques pour le trio dont le dernier, "Coming Back For You", est également sorti en 2018.

La proximité des deux sorties - de "Coming Back For You" et de  "Peace, Love & Loud Guitars" -  explique en partie leurs similitudes. Outre, évidemment, la voix enfumée et étranglée de Gomes, sa guitare porte les stigmates des grosses guitares développées dans les New Soul Cowboys. La différence principale entre les deux réalisations est le lustrage dont bénéficie le trio des "cowboys" qui leur ouvre les portes d'un Rock US mainstream et radiophonique. De l'autre côté, celle du disque solo, il y a, par bonheur, les influences Blues qui demeurent. Même si en comparaison de ses précédents disques, le Blues n'est plus qu'à l'état de réminiscence. Il serait donc plus juste ici de parler de Hard-blues.

     L'essai précédent, "Electric Field Holder", avait déjà renforcé sa relation avec le Heavy-rock, mais là, ça sonne plus gros, "larger than life". Ça respire le gros humbucker et la grosse disto (Boss DS-1). Le son est large et mat ; un ample sustain qui permet de siffler sa bière entre deux accords.

     Et ce n'est pas parce que l'album s'ouvre sur "Come Down" - une chanson rendant hommage à l'une de ses idoles, B.B. King, qu'il considère comme un monarque - que cela change la donne. Même les choeurs Gospel ne parviennent pas à extirper le morceau d'un Hard appuyé et replet. Encore moins "Stealin' From the Devil" - un peu raide - qui parle de Robert Johnson. A la limite les slow-blues "Blues in the First Degree" et "The Only Woman I've Ever Loved". Le premier en mode "Leslie West", soit au chant rageur et à la guitare belliqueuse (ici un peu démonstrative avec un tapping inapproprié et totalement optionnel - un des rares dérapages de l'album -) ; le second, conventionnel, entre un ZZ-Top et un Blind Side Blues Band.

   Rien de surprenant lorsque l'on sait qu'il adore autant B.B. King, Buddy Guy, Muddy Waters, et Stevie Ray Vaughan, que Jimi Hendrix, et ... Free, Jeff Beck Group, Led Zeppelin, Bad Company, AC/DC, Aerosmith et Deep Purple. (Avec ce dernier qui fait partie de son trio gagnant en matière de groupe, on s'étonne qu'il n'ait jamais embauché un Hammond à temps plein).
Même si pour lui : "So the Blues is the truth"

     Toutefois, quoi qu'il en soit, c'est un très bon et sympathique album de Hard-blues, un poil mainstream, qui a trouvé le juste milieu entre la patine d'un gros Rock millésimé 70's et le chrome du XXI siècle. Rien de strident ou de tapageur, ça s'écoute indifféremment dans toutes les situations ... réveil-matin, boulot, sport, bagnole, apéro, soirée, berceuse, et plus si affinités. Du Hard-blues à la fois carré et enjoué, bien ficelé et dépourvu d'esbrouffe. Du Hard-blues qui "kick some ass" sans fracasser les esgourdes.
Avec en première ligne "White Trash Princess", "Nasty Good", "Hard Road Easy", "You Mama Wants to Do Me", "Stealin' From the Devil" et "Come Down" qui se placent au carrefour des Whitesnake, Bachman Turner Overdrive, Bad Company et Lance LOPEZ (certainement le bluesman, du moins assimilé comme tel, dont il est le plus proche). Et bien sûr l'éponyme "Peace, Love & Loud Guitars" qui véhicule le vieil espoir de propager la tolérance et le respect à travers la musique.
"The Whiskey Made Me Do It" (un plaidoyer contre la boisson, et non le contraire) se permet une petite incursion dans le boogie-rock façon ZZ-Top, voire Foghat en mode pépère.

    Par contre, bien loin de toute essence Blues, "You Are Amazing", bien que co-écrit avec le regretté Mark Selby (⏪ lien), s'apparente à ce qu'il peut faire avec les New Soul Cowboys en matière de ballade romantique. Pas mal, mais ça manque de peps et d'âme ; plus au niveau de l'orchestration, un poil trop policée et redondante, que du chant. Perdu au milieu de ce creuset de Hard-blues, ça paraît assez incongru
   Dans le style sucrerie, le disque se referme sur "Take Me Back Home", co-écrit avec Jim Peterik (The Ides of March, Henry Paul Band, Survivor, Pride of Lions), un peu plan plan. Deux ballades qui semblent rechercher la faveur des radios. Ce n'est donc peut-être pas un hasard si ce sont les deux seules pièces écrites avec une aide extérieure. Son premier single à s'être fait remarquer était d'ailleurs une ballade, et peut-être qu'il tente de réitérer le coup afin d'arrondir les fins de mois.

"Peace, Love & Loud Guitars" n'a pas pour vocation de déplacer les montagnes, mais fait son office. Et il le fait bien. C'est du Heavy-blues efficace et d'apparence simple.
Cet album ne déroge pas à la règle de ses prédécesseurs en allant taquiner le Top 10 des charts Blues américains. 
La plupart des revues musicales d'Amérique-du-Nord l'ont inclus dans leur liste des albums de l'année, tandis que deux l'ont carrément perché en pôle position.


En aparté, il a fondé en 2010 le "Music is the Medecine", une association consistant à aider financièrement des jeunes groupes et artistes, et, occasionnellement à organiser des concerts de charité pour reverser les fonds à des familles dans le besoin.


🎼🎶♬

3 commentaires:

  1. Parmi les 145 disques enregistrés par Poppa Chubby, il y a un "Peace, Love, and Respect"... Un clin d'oeil ?

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  2. Sur le titre "Peace..." je lui trouve un petit côté Coverdale (première époque Whitesnake) dans la voix... C'est un compliment. Cover-Plant était plus lyrique. C'est dingue comme on peut enregistrer autant de chansons, de disques, sur des rythmiques relativement identiques, comme tu le dis on "ne déplace pas de montagnes" et pourtant, à chaque fois ça le fait... Comme un filon inépuisable, mais si c'est fait avec amour et respect de la douze mesures c'est le principale.

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  3. En fait, c'est un grand fan de Paul Rodgers, et je pense qu'il a autant appris à chanter en écoutant les bluesmen que l'emblématique chanteur de Free et Bad Company.
    Mais effectivement, sur ce disque, bien des fois un parfum Whitesnake remonte à la surface.

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