jeudi 21 mars 2019

TWENTY FEET FROM STRARDOM, doc de Morgan Neville (2013)

Voila un documentaire musical passionnant et original- récompensé de l'oscar du meilleur doc - qui lève le voile sur  de fascinantes et mystérieuses créatures: les choristes, celles de la soul et du rock des seventies. Fascinantes pour leurs voix  et leurs beautés  et mystérieuses car au final on ne sait pas grand chose d'elles. Comme le note l'une d'elle le dress code était simple : "exciter les mâles", mais au delà de la plastique elles ornèrent de leur chant hérité des chants religieux à  répondre du gospel  les tubes des grands de la soul et du rythm'n'blues, (Ray  et ses Raelettes ou Ike et  Tina Turner (les Ikettes)...)  et par la suite du rock 70's (Cocker, Bowie, Stones, Elton...) venus chercher le "son black" .
Succédant aux trop sages choristes blanches d'antan ce sont de véritables tigresses black qui vont maintenant devenir partie intégrante de la musique populaire.
Ce doc' donne la parole à plusieurs d'entre elles qui ne sont pas avares en souvenirs et anecdotes, appuyés par des images et vidéos d’époque.
Darlene et Spector
Ainsi nous auront Darlène Love -introduite au Rock'n'roll hall of fame en 2011- qui a fait  partie  de l'écurie de Phil Spector en plein dans son Wall of sound, elle aura un gros hit en 1963 avec "Christmas, baby please come home" et participera aux productions de Spector, notamment les disques des Crystals (sur lesquels avec son groupes les Blossoms elles chantent à la place des vraies Crystals) , elle incarne aussi au cinéma la femme de Roger Glover dans les 4 films "L'arme fatale" avec Mel Gibson (de 87 à 98) . Sur son CV on peut aussi trouver entre autres des collaborations avec Sam Cooke, les Beach Boys, Elvis, Tom Jones, les Ronettes ou Sonny & Cher. Une très grande dame, qui porte bien ses 70 ans passés (au moment du film) et qui tourne toujours. Un moment d'émotion quand elle raconte comment elle fut un temps obligé de faire des ménages  pour subvenir à ses besoins car ses cachets n'y suffisaient pas, et aussi sur ses démêlés avec Spector (bientôt 80 ans et toujours en prison pour meurtre).
Autre légende mise en avant, Merry Clayton, qui raconte comment elle reçu un jour un coup de fil à 2 heures du mat' car les Stones voulaient une voix féminine sur "Gimme Shelter" (1969) et comment elle arriva, encore avec ses bigoudis sur le crane...Elle a été aussi une Raelette, et accompagné  Joe Cocker, Carole King, Linda Rondstatt, Neil Young ou Lynyrd Skynyrd (les choeurs de "Sweet home Alabama") . Elle sort plusieurs superbes albums solo en 70-71 ("Gimme Shelter", "Celebration", "Merry Clayton") mais qui ne marchent pas comme ils auraient dû. C'est d'ailleurs un point commun à toutes ces filles, qui n'ont jamais réussi à voler de leurs propres ailes, plusieurs raisons sont avancés ici : elles n'ont pas été mises en avant par leurs maisons de disques, comme le note un producteur il ne pouvait y avoir qu'une Aretha, exit donc Merry Clayton et une Tina , exit Claudia Lennear (voir plus loin) ; le fait qu'elles soient cataloguées choristes par la profession et enfin  est pointé un manque d'égo, être choriste c'est se mettre au service des autres, pas facile d’être ensuite à son compte ...

Fait chaud d'un coup! tu peux ouvrir la fenêtre Claude?
Claudia Lennear maintenant, peut être la choriste la plus légendaire, son CV donne le vertige, Stephen Stills, Joe Cocker, Humble Pie, Ry Cooder, Freddie King, Taj Mahal, Leon Russell, Georges Harrison, Tina Turner, les Stones, Bowie...Tout semble lui sourire, elle participe à la fameuse tournée Mad Dogs & Englishmen de Cocker (chronique de Luc) , fait la une de Playboy en Aout 74 (tu l'as dans ta collec, Luc?tu me le prêtes?) ,  apparaît au ciné dans de "le canardeur" de Cimino (74) , inspire des chansons à ses (petits) copains :Brown Sugar à  Mick Jagger et "Lady Grinning soul" à Bowie, puis tout s'enraye, la faute à l’échec de son album solo "Phew!" (1973), pourtant une bombe funky, ou elle est accompagnée  notamment de Ry Cooder et Allen Toussaint et de cuivres explosifs. Elle abandonnera la musique début des 80's et devient prof  de français et d'espagnol à L.A.
Judith Hill et Jackson
Il y a aussi Lisa Fisher qui tourne avec les Stones depuis 30 ans (voir clip ci dessous), une voix incroyable , puis Judith Hill, ex de chez Michael Jackson réduite à faire the Voice, Tata Vega (Elton John) et des témoignages de Bruce Springsteen, Mick Jagger, Sting ou Stevie Wonder, qui ne cachent pas leur respect et admiration pour ces filles (Sting à propos de Lisa Fisher: "c'est une vraie star, un bulldozer vocal") .
Ce qui frappe chez ces filles qui ont maintenant entre 70 et 80 ans, c'est qu'elles sont rayonnantes, pleine de malice et d'humour, pas aigries pour 2 sous, aimant profondément la musique et ne regrettent rien, à l'image de Lisa Fisher, heureuse d'un quasi anonymat alors qu'elle joue devant des stades plein avec les Stones à travers le monde.
Un  grand film, qui a le mérite de rendre hommage à ces artistes de l'ombre , ces "colored girls who said "doo doo doo doo""  comme disait Lou Reed dans "Walk on the wild side", et a également contribué à redonner un second souffle à la carrière de certaines, restées à "20 pas de la gloire".
Indispensable à tout amoureux de la soul , de belles voix et de belles histoires.

ROCKIN-JL


3 commentaires:

  1. Superbe documentaire. Tu évoques Liza Fisher, ce qui me fait penser à Liza Blackwell, moins célèbre certes, mais ce film aurait pu en parler aussi.

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    1. tout a fait Lisa Blackwell est quand même une choriste incontournable, et quelle vie incroyable dont nous avons déjà parlé dans ce blog ; mais Hollywood ne l'oublie pas, j'au lu q'un biopic était en préparation, avec Beyoncé dans le rôle titre et derrière la caméra ...Martin Scorcese! à suivre...

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    2. Enfin la reconnaissance qu'elle mérite, ce n'est pas faute, ici même, de l'avoir dit et redit.

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