- Je viens d'écouter
cette vidéo en Noir et Blanc M'sieur
Claude… C'est incroyable comme on entend parfaitement bien chacun des violons
!!!! Ça date de quand ?
- 1958 Sonia.
Un concert en direct à la RTF de l'époque. Du baroque joué à l'ancienne, mais
oui, une complicité rarement égalée entre deux des plus fabuleux violonistes du XXème siècle …
- Voyons : Ah
ouiiii : Yehudi Menuhin et David Oïstrakh, c'est sûr. Vous avez parlé de Oïstrakh
mais jamais de Yehudi Menuhin me semble-t-il…
- Hélas oui,
je ne sais pas pourquoi ? Je vais profiter de ce petit papier – Noël approche,
l'époque des brèves pour parler de ce géant de l'archet.
- L'orchestre
de la RTF ? Ces deux artistes illustres ne méritaient pas mieux ?
- Hi Hi
Sonia, l'orchestre de la RTF a changé de nom depuis 60 ans… Ce n'est rien
d'autre que l'Orchestre National de France, l'une des trois meilleures phalanges
hexagonales…
Yehudi Menuhin |
En 1958,
les vinyles en stéréo existaient déjà, et de bien belle facture comme en
témoignent les premiers enregistrements RCA
ou Mercury. Par contre, la Radio-Télévision
Française n'avait pas encore connu la révolution numérique, tant pour l'image
que pour le son, et l'on se prend à rêver que le concert écouté ce jour ait
bénéficié à l'époque d'une belle image en couleurs et d'un son large et
raffiné. À l'approche de Noël, il est légitime d'imaginer cela…
Les ingénieurs ont réussi à restaurer ce moment
musical de grâce. Surtout au niveau de la prestation des deux solistes.
David Oïstrakh a déjà
fait la une du Deblocnot dans un article consacré à ses interprétations des concertos de Tchaïkovski
et de Sibelius, mais aussi de la sonate à
Kreutzer de Beethoven.
(Clic)
(Clic).
Une biographie du légendaire violoniste russe est à lire dans le premier
article.
Comme Sonia, mes fidèles lecteurs ont dû se demander
pourquoi, alors que le 400ème article "classique"
approche, jamais je n'ai choisi un enregistrement de Yehudi
Menuhin comme support d'une chronique. Eh bien, malgré une
discographie abondante mais trop souvent publiée sous forme de coffret
monumentaux, les vidéos de ses gravures sont très rares (euphémisme). Par
ailleurs, le violoniste est un virtuose qui a marqué de son empreinte le milieu
du siècle. Ainsi un enregistrement du concerto pour
violon de Tchaïkovski
accompagné par Ferenc Fricsay date de 1949. Si j'ajoute que Menuhin travailla beaucoup avec des chefs mythiques comme Wilhelm Furtwängler, on comprendra que la
médiocrité du son ne rend pas toujours justice à sa virtuosité…
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Yehudi Menuhin voit le jour à New-York en 1916. Ses
parents, juifs pratiquants se sont connus à Jaffa. La famille ayant déménagé à
San Francisco, l'enfant se passionne dès ses trois ans pour les concerts du
célèbre orchestre de la ville, et notamment pour le jeu du 1er violon Louis Persinger
(1887-1966). Élève rêveur, sa mère Mathura décide de l'instruire à la maison et
lui donne ses premiers rudiments de violon… Il est doué et opiniâtre, voudrait
franchir très vite les étapes de l'apprentissage, les professeurs se succèdent,
dont Louis
Persinger. À 11 ans, le gamin devient l'élève du compositeur et
violoniste virtuose roumain Georges Enesco (1881-1955). Les progrès sont si fulgurants
que Yehudi joue à
11 ans la symphonie espagnole de Lalo accompagné par un Paul Paray
subjugué et dirigeant l'orchestre des concerts Lamoureux. Nouveau professeur
pour ses 13 ans : Adolf Busch, le fondateur du célébrissime quatuor. L'artiste va
l'aider à maîtriser le répertoire allemand et les grands concertos. En résumé,
la carrière de Yehudi Menuhin commence dès l'adolescence… Une
carrière prestigieuse. Yehudi séjourne donc en France ; en 1930 ses parents le
rejoignent à Ville d'Avray ; l'un de ses copains est Boris Vian. À 16 ans, il
est sollicité par Edward Elgar pour graver le concerto fleuve du compositeur,
une terreur pour les violonistes, Yehudi relève parfaitement ce défi.
Bien entendu, la famille doit retourner aux USA
pendant la folie nazie. Le jeune virtuose jouera dans l'armée US pour soutenir
le moral des troupes. Dès 1947, il
soutient Wilhelm Furtwängler lors des
phases de dénazification qui visent des artistes allemands qui pour la plupart
avaient fait le choix de continuer de jouer dans leur pays sans pour autant
épouser les thèses monstrueuses du régime. De cette époque 47-55 datent les
enregistrements fabuleux des grands concertos du répertoire, sans doute le plus
beau legs discographique de Menuhin malgré la pauvreté du son.
Passé cette période, Yehudi
Menuhin diversifie ses activités. Dès 1942, il commence une carrière de chef d'orchestre qui sera plus
importante dans les dernières années. Il s'intéresse aux philosophies
orientales, au yoga, il devient ami de Ravi Shankar
avec qui il enregistre un disque sitar-violon. Autre intérêt, pour le jazz,
avec Stéphane Grappelli.
Dans les années 60, l'artiste polyvalent s'installe en
Angleterre (il deviendra Sir puis Lord en 1993 !). Il fonde une école de
musique en 1962, une pépinière de jeunes
artistes va émerger dont l'iconoclaste Nigel Kennedy
ou le remarquable trio Wanderer…
Yehudi Menuhin nous a
quitté à Berlin en 1999 d'un arrêt du cœur. Il avait 82 ans.
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La date de composition du double concerto est mal
connue. Entre 1717 et 1723, donc de style baroque tellement tardif que l'on peut
parler d'une œuvre des débuts de l'âge classique, celui de Haydn ou du fiston C.P.E. Bach. Il s'agit d'un ouvrage de divertissement,
mais comme souvent chez Bach,
on ne peut nier notamment dans le mouvement lent une inspiration quasi
mystique. Il suit le découpage en trois mouvements traditionnels : Vivace,
Largo ma non tanto, Allegro.
Il est écrit pour deux violons solistes dont les
parties sont assez virtuoses, premiers et seconds violons, alto et une basse
continue (violoncelle, violes, contrebasses et en option : clavecin). L'enregistrement
que nous écoutons se réfère à la tradition germanique romantique, avant la
révolution baroque, soit un petit orchestre à cordes sous la direction du chef
français Philippe Capdevielle qui fondera
l'orchestre de
l'ORTF.
Commenter cet ouvrage de musique pur n'est intéressant
pour personne. On écoute, on déguste, une musique qui semble couler de source.
Le film montre deux violonistes au sommet de leur art : technique et
émotions. Il est stupéfiant de voir Yehudi Menuhin
jouer sur toute la longueur de l'archet avec une précision et une assurance
surréalistes [7:05]. Prouesses qui expliquent la pureté de la sonorité. David Oïstrakh caresse les cordes [7:47]
avec le soyeux vibrato léger et diaphane qui caractérisait son jeu. Dans le
largo, la partition se présente telle une cadence réservée aux deux solistes,
l'orchestre se limite à les soutenir par de discrets accords. Une mesure du largo est donnée en illustration à gauche. (Partition)
Pourquoi deux violons ? Bach
a de toute évidence souhaité écrire un concerto pour violons utilisant la
technique du contrepoint, de la fugue, qui nécessite au moins deux voix. Il
serait complexe mais pas impossible d'écrire un jeu sur deux cordes mais, à
l'époque, peu de violonistes maîtrisaient cette technique qui limite de toute
façon le choix des notes dans le travail contrapuntique. D'où l'intérêt de ce
document d'un autre âge car comme le disait Sonia, nous entendons parfaitement
les deux lignes de chant du contrepoint se développer dans une totale
indépendance et pourtant avec une constante complicité. Magnifique…
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Le DVD est introuvable ou presque. Ce concerto est
facile à écouter associé à divers programme, ne serait-ce que les 3 concertos
pour violon ou encore celui pour violon et hautbois…
Trois suggestions de bon aloi :
EMI a réédité une sélection de concertos avec en bonus
le BWV 1043
avec Christian Ferras, rien de moins, comme
second soliste. Yehudi Menuhin dirige du violon l'orchestre
du Festival de Bath avec lequel il avait enregistré une belle intégrale
des concertos de Mozart plus la symphonie
concertante pour violon et alto en compagnie de Rudolf Barshaï. (EMI – 5/6)
Qui dit Bach
dit baroque et ensemble d'instruments anciens. Encore une réussite avec les
jolies couleurs de l'Academy of
Ancient Music dirigé comme il se doit par Christopher
Hogwood (EMI – 6/6)
Une curiosité très récente avec la violoniste Rachel Podger qui réunit les concertos pour
2 et 3 violons du Cantor, là encore avec des sonorités du siècle
des lumières (Classics Channels – 5/6)
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