20
ans que je cherchais à lire ce bouquin ! C’est bien simple, j’avais envie
de le lire avant même de savoir lire ! C’est un classique du genre, écrit par Edward
Bunker (1933-2005). Un type qui sait de quoi il cause… Après les maisons de
corrections, les écoles militaires où il développe une haine contre toute forme d’autorité,
il passe presque tout son temps en prison, jusqu’à l’âge de 40 ans. Agressions,
hold-up, trafic de drogues. Il fréquente Saint Quentin, Folsom, tâte du cachot, en devient à moitié dingue. Mais l'isolement lui donne du temps pour lire : et
découvrir sa vocation d’écrivain. Car il a une marraine, Louise Wallis, ex-star du cinéma muet, femme du grand
producteur de cinéma Hal Wallis. Le livre est dédicacé à celle qui "à 18 ans, m'a offert son amitié et une machine à écrire".
Bunker, le vrai |
au centre, Ed Mister Blue |
Ce
premier roman très autobiographique, AUCUNE BETE AUSSI FEROCE,
sera suivi plus tard de LA BETE CONTRE LES MURS (1977), LA BETE AU VENTRE (1981). Le premier a été
adapté au cinéma, avec Dustin Hoffman « Le Récidiviste » quand le
second a été porté à l’écran par Steve Bescumi sous le titre « Animal
Factory ». Des histoires de taulards, un univers que Bunker connait bien. Ce qui fait tout l’intérêt de ces livres, c’est l’aspect quasi documentaire. Pas une ligne ou un mot qui ne sonne pas juste. Le style est franc,
direct, hyper réaliste, l’intrigue parfaitement construite (Bunker a lu ses
classiques, a eu le temps d’étudier les maîtres), les dialogues sonnent vrais.
Pas
étonnant qu’Edward Bunker ait entretenu des liens avec les cinéastes de Film de
gangsters, conseiller technique sur HEAT de Michael Mann, ou chez Tarantino.
Qui d’ailleurs lui confiera dans RESERVOIR DOGS le rôle de Mister Blue. Ed
Bunker a écrit en 1999 sa biographie : MR BLUE, L’EDUCATION D’UN MALFRAT… Et pour la petite
histoire, Ed Bunker est pote avec un autre acteur-ancien-détenu, Danny Trejo,
alias Machete, qui appartient aussi à la galaxie Tarantino / Rodriguez…
AUCUNE
BETE AUSSI FEROCE prend pour thème la sortie de prison, la liberté
conditionnelle. Le héros, Max Dembo, souhaite reprendre une vie normale. Le
moindre écart, c’est retour à la case prison, pour 15 ans. Il est suivi par un
agent de probation. Dembo doit chercher du boulot (on est à la fin des 60’s, à
Los Angeles), mais comment faire avec un CV comme le sien, ses costumes passés
de mode, sa parano de taulard. Ses seules accointances sont chez les
truands, seuls aptes à comprendre son parcours, sa psychologie. Dembo sait
que ce sont de mauvaises fréquentations, junkies pour la plupart, mais comment
faire autrement que de renouer avec le seul milieu que l’on connait. Cercle
vicieux.
Los Angeles, 60's... |
La
question qui traverse le livre : est-on prédestiné à être un
criminel ? Et peut-on en sortir ? Dembo a beau chercher comment, il
revient à chaque fois vers ce qu’il appréhende le mieux : le milieu du crime. Comme
disait Coluche dans un de ses sketches : « La société ne veut pas de
moi ? Qu’elle se rassure, je ne veux pas d’elle ! ». Le credo de Dembo. La seule issue est
la fuite en avant, avec un max d’oseille. Et ce qui est frappant avec ce
roman, c’est qu’on est de tout cœur avec le héros. Bunker
décrit magistralement la solitude des mecs en cavale : organisation, réseau, méfiance, pactole. Et sa
relation avec Allison, maîtresse et otage. Et nous, on
le suit, on le précède, on espère, on y croit.
AUCUNE
BETE AUSSI FEROCE, écrit il y a 50 ans, et même si l’époque a changé, reste
un uppercut en pleine gueule, dans la manière dont il rend compte du
comportement criminel. Un pur roman Noir, formidablement écrit et passionnant à lire.
Éditions de poche Rivages Noir, 412 pages
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