lundi 6 août 2018

OÙ FINIT LE SENTIER de Giampiero Rigosi (1995) - par Nema M.



- ♫ Noir c’est noir. Il y a des moments où il n’y a plus d’espoir.
- Ça va pas Nema ?
- Non, moi je vais très bien, c’est pour la chronique que j’apporte.
- Euh, un disque de Johnny ? Tu récidives dans le rock* ?
- Pas du tout. Un roman italien. Un polar à la première personne.
*allusion à la chronique sur Issue de Secours. (Clic)

Une GS... La dernière voiture...
Où finit le sentier. Titre un peu énigmatique pour ce récit poignant d’une amitié entre deux garçons qui deviennent deux jeunes hommes perdus entre le rêve, la désillusion et le grand banditisme.
On peut commencer très jeune, au lycée ou au collège, à avoir des idées farfelues et à faire des blagues qui sont de plus en plus louches. C’est ainsi que le héros (le narrateur) et son copain Alberto ont débuté leur carrière du mauvais côté de la ligne (jaune autrefois et blanche aujourd’hui, mais toujours rigoureusement à ne pas franchir). Pas bien méchantes au début ces infractions à la règle ; se laisser enfermer une nuit au lycée pour commettre quelques petites vilénies… Mais quelle excitation ! Alberto, avec ses petites lunettes rondes et son air tranquille, a de l’imagination, le désir de gagner ses paris, la certitude de toujours s’en sortir. Il inspire une telle confiance au narrateur qu’il ne peut s’empêcher de le suivre. 
Nos deux garçons grandissent. Tandis que le héros a un travail stable à la chambre de commerce, Alberto rame avec de petits boulots. Cela ne les empêche pas d’avoir des projets ensemble et d’avoir envie de découvrir le monde. Jouer au billard au bar du coin, ça va bien un moment mais, à la longue, ce n’est pas particulièrement excitant. Premier voyage avec une vieille Dyane pourrie qui les conduit en Allemagne puis à Amsterdam, pour fumer des joints en paix. Et finalement on revient en Italie avec un petit paquet de hasch. Grisant et hallucinant, car finalement facile.
Deuxième voyage, deuxième guimbarde, une Ford Taunus qui bouffe plus d’huile que d’essence et un nouveau défi : en ramener un peu plus. Ça passe, on est tout excité, on rigole. Fumette et argent facile.

Bologne by night
Et de fil en aiguille, Alberto voit plus grand, beaucoup plus grand, emprunte une grosse somme et on repart. Mais cela ne se passera pas bien. Alberto et le narrateur feront un petit tour (pas si petit que ça) par la case prison. Alberto est désolé, il regrette d’avoir entrainé son ami dans cette catastrophe. Mais, même si le héros a la chance d’être repris par son employeur à sa sortie de taule, le pli est pris. Alberto va de nouveau l’entraîner dans des aventures de plus en plus glauques. Il y aura quelques coups, quelques semonces à mains nues qui laissent ecchymoses et côtes cassées. Alberto commence à fréquenter l’infréquentable. Il a des dettes, magouille de plus en plus. Et on entend des coups de feu. Il y aura des morts. Il va falloir fuir Bologne. Et à deux, car dans sa chute Alberto emmène le narrateur, ou plutôt ils sont ensemble comme depuis toujours pour aller jusqu’au bout, jusqu’à croire qu’il y aura forcément une solution. Sauf qu’elle se trouvera là où finit le sentier, bien au sud de Bologne, bien loin de leurs illusions.

Giampiero Rigosi est un écrivain italien né en 1962. Il a exercé les métiers de conducteur d’ambulance, pompiste, chauffeur de bus… avant d’écrire, ce qui explique peut-être le rôle important des voitures dans ce récit… L’histoire entrelace habilement flash-back et présent.
Giampiero Rigosi exprime avec des mots simples, mais dans un style plein de sensibilité, d’une part l’envie d’Alberto qui rêve d’un avenir meilleur que celui d’une vie très médiocre dans une banlieue et d’autre part la fascination que le narrateur porte à son copain d’enfance Alberto, celui qui ose, qui pense toujours s’en sortir et rebondir, celui qui le fait sortir de sa petite zone de confort, de son petit travail et de son petit appartement. Descente en enfer. On les accompagne au fil des pages sans s’ennuyer une seconde car cette descente, l’auteur nous la fait vivre de l’intérieur en quelque sorte. Un roman noir, très noir.

Bonne lecture !

Tram’édition pour la traduction française, 2000
169 pages


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