jeudi 15 septembre 2016

JACQUES HIGELIN - BBH 75 - par Pat Slade








Higelin met le feu aux poudres





 «L’électricité, c’est le fascisme», le gars qui gueulait ça en 1971 avait un look baba cool, une barbe de trois jours et vivait en communauté dans le Lubéron. Son dernier album «Jacques «Crabouif» Higelin» est déjà loin, il quittera ses deux complices et potes Areski et Brigitte Fontaine, abandonnera l’époque Saravah, laissera tomber l’acoustique, endossera un perfecto, rasera sa barbes et se coiffera limite punk avant l’heure, et bien après il deviendra le patriarche au casque argenté que l’on connaît.

Jacques Higelin va donner un grand coup de pied aux fesses de la fée électricité du rock français qui donnait des signes de faiblesse. Même si il y avait des groupes comme Anges, Triangle ou Atoll, le rock progressif était une autre école ! (Ce qui n’enlève en rien sa valeur musicale !) ou même, dans un autre registre plus rock les Variations le groupe de Jo Leb

Ici, pas d’Higelin avec un piano ou un accordéon, mais un trio guitare, basse, batterie plus un harmonica, ensemble qui va mettre les doigts dans la prise électrique et va sortir un disque totalement déglingué. 1975 sera un tournant, Higelin sera le premier rockeur crédible chantant en français. Pour les fêtes de noël sort «BBH 75». Pourquoi BBH 75 ? Simplement les initiales des musiciens, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? (A la même époque, cela aurait été plus difficile avec le groupe Magma, ce qui nous aurais donné «VBVPFLWA 75»… Imprononçable !)

SIMON BOISSEZON
Le premier B : Simon Boissezon qui assure les parties guitares et basses et avait déjà bien entamé sa carrière. Il a joué au sein du groupe toulousain Docdaïl où le chanteur était le comédien Ticky Holgado, il ira ensuite grossir les rangs d’Alice le groupe d’Alain Suzan. La suite sera une très longue histoire «d’amour» avec Jacques Higelin. Charles Bennaroch : le deuxième B, le batteur qui a de la bouteille. Il a débuté avec Jacques Dutronc dans les années 60 avec El Toro et les Cyclones puis avec les Fantômes, il sera aussi musicien de studio et de tournée pour des artistes de variété française comme Eddy Mitchell ou Alain Souchon et fera beaucoup de sessions de jazz. Et le troisième, le H, c’est celui qui mettra sa tête sur la pochette. Le titre de l’album qui sera aussi le nom du groupe, avant les super goujats qui lui aussi sera le nom du groupe d’Higelin juste le temps de l’album suivant «Irradié».

Le disque s’ouvre sur un hymne aux paumés, une fresque entre la France et les États-Unis, mais pas celui des cartes postales avec la statue de la liberté dessus, celle des Junkies, celle du Bronx. «Paris-New York, N.Y.-Paris», début de l’histoire avec une attaque bluesy sur un fond acoustique et qui se termine par un déferlement électrique autant par la musique que par les paroles «Vises moi ce connard/ T’as pas cent balles pour un junkie héroïne pressing cocaïne baby ?» Avec un Higelin en parfaite osmose avec son groupe. L’aventure se poursuit avec une autre chanson sur la dépendance où il déclare son amour à ce que Gainsbourg appelait ses clous de cercueil et Bogart les Nail’s cuffin : La «Cigarette», chanson plus minimaliste et calme qui se termine dans une expectoration conséquente. «Mona Lisa Klaxon» un genre de funk «A la française» d’une histoire qui parle d’une relation par téléphone d’un homme avec une prêtresse (?) sur son île. Higelin s’amuse à mettre des paroles audacieuse «Quand soudain derrière elle surgit le célèbre King Kong, il a la bave aux lèvres et la banane comme un canon...».
«Chaud, chaud, bizness-show» : grosse rythmique blues, une guitare épaisse et saturée et un Higelin avec une voix de rockeur où le système en prend plein la tronche : «Le délégué d’la mafia. Il va faire chialer la presse. Collez-lui un crachoir. Et tenez le bien en laisse…». Le plus gros titre de l’album reste bien «Est-ce que ma guitare est un fusil ?» Guitare funky avec pédale wah-wah, harmonica et un texte qui varie entre le dégoût et la jouissance, une des plus grandes chansons d’Higelin, mais totalement inclassable. On se calme un peu avec une ode à la paresse et à l’amour presque zoophile d’un homme pour une mouche, bruit de cigale et une guitare acoustique «Une mouche sur ma bouche», un morceau drôle et tendre, là plus Saravah/Areski/Fontaine. On redonne dans l’électrique nerveux pour finir avec cet album avec «Œsophage Boogie, Cardiac Blues» et «Boxon».

Jacques Higelin va commencer sa carrière de show-man et faire les premières parties de vedettes anglo-saxonnes comme Sparks ou Sly and the Family Stone. Son auditoire s’agrandit et ses concerts deviennent célèbres par leurs durées interminables au grand plaisir des spectateurs. Des concerts souvent donnés au profit d’associations, de journaux ou de partis de gauche.

HIGELIN ET LES SUPER GOUJATS
«BBH 75» est resté une référence pour les groupes français de cette époque et pour Téléphone le premier. Louis Bertignac rejoindra les super goujats la même année avec l’album suivant «Irradié». «BBH 75» un album punk-Rock ? Rock tout simplement ? Chacun voit midi à sa porte. «BBH 75», un album qui ferait grincer des dents à ceux pour qui Higelin c’est «Tombé du Ciel» ! 
La suite sera une série d’album dans le même genre avec plus de ballades. «Alertez les bébés», «No Man’s Land» jusqu’à «Champagne…» et «Caviar…» les plus belles périodes d’un Higelin qui avait trouvé sa propre identité.
«BBH 75» ? Un des sommets absolus du rock made in France, toutes les bonnes discothèques qui se respectent se doivent de posséder cet album et pour preuve, je l’ai !!!   




5 commentaires:

  1. Bennaroch d'accord. Mais Charles tu en es sûr Pat ? Non parce que moi j'en connais un autre de Bennaroch (éminent lui aussi), mais il se prénomme Denis. Ou alors c'est que c'est le frangin.

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  2. Tout a fait sur ! L'autre Bennaroch est bien Denis qui a joué avec Samson, Cabrel, Nougaro, Jonasz, Renaud, Souchon et tout ce que la France peut compter de chanteurs. C'est un musicien de studio et de tournées. Son Frangin ? Peut-être ? Je n'ai aucune info la dessus !

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  3. J'aime presque toutes les périodes d'Higelin. Son triple live à Mogador m'avait énormément marqué, un pur live de Rock, et ces morceaux rallongés, bourrés de chorus, de cuivres, de ruptures, très blues, et d'interactions avec le public. Des plages de 20 minutes dans un disque de "variété" française, c'était pas commun ! "Banlieue Boogie" est un de mes titres préférés.

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  4. Tout les lives d'Higelin sont excellents. le triple live à Mogador reste le meilleur (avec le casino de Paris et Bercy peut etre). Pour Mogador, je garde les versions d'"Irradié" et "Le minimum", mais je trouves que le meilleurs titre reste "Paris-New York/New York-Paris", mais je te le conçois,la version de "Banlieue Boogie Blues" reste un summum de l'orchestration sur ce disque avec un final dantesque !

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  5. J'aime particulièrement cette période d'Higelin. Il est créatif, la musique a la violence de ses mots. Je les ai tous en vinyle, même "BBH75", difficile à trouver, car il ne s'en est pas vendu des masses. Mon préféré reste "Irradié".

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