Higelin met le feu aux poudres
«L’électricité, c’est le fascisme», le
gars qui gueulait ça en 1971 avait
un look baba cool, une barbe de trois jours et vivait en communauté dans le
Lubéron. Son dernier album «Jacques «Crabouif» Higelin» est déjà loin, il
quittera ses deux complices et potes Areski et Brigitte Fontaine, abandonnera l’époque Saravah,
laissera tomber l’acoustique, endossera un perfecto, rasera sa barbes et se
coiffera limite punk avant l’heure, et bien après il deviendra le patriarche au
casque argenté que l’on connaît.
Jacques Higelin va donner un grand coup de
pied aux fesses de la fée électricité du rock français qui donnait des signes de
faiblesse. Même si il y avait des groupes comme Anges,
Triangle ou Atoll,
le rock progressif était une autre école ! (Ce qui n’enlève en rien sa valeur musicale !) ou même, dans un
autre registre plus rock les Variations le
groupe de Jo Leb.
Ici, pas d’Higelin avec un piano ou un accordéon, mais un
trio guitare, basse, batterie plus un
harmonica, ensemble qui va mettre les doigts dans la prise électrique et va sortir un
disque totalement déglingué. 1975
sera un tournant, Higelin sera le premier rockeur crédible
chantant en français. Pour les fêtes de noël sort «BBH 75». Pourquoi BBH 75 ? Simplement les initiales des
musiciens, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? (A la même époque, cela aurait été plus
difficile avec le groupe Magma, ce qui nous
aurais donné «VBVPFLWA 75»… Imprononçable !)
SIMON BOISSEZON |
Le premier B :
Simon Boissezon qui assure les parties guitares
et basses et avait déjà bien entamé sa carrière. Il a joué au sein du groupe
toulousain Docdaïl où le chanteur était le
comédien Ticky Holgado, il ira ensuite grossir
les rangs d’Alice le groupe d’Alain Suzan. La suite
sera une très longue histoire «d’amour»
avec Jacques
Higelin. Charles Bennaroch : le
deuxième B, le batteur qui a de la
bouteille. Il a débuté avec Jacques Dutronc
dans les années 60 avec El Toro et les Cyclones
puis avec les Fantômes, il sera aussi musicien
de studio et de tournée pour des artistes de variété française comme Eddy Mitchell ou Alain Souchon
et fera beaucoup de sessions de jazz. Et le troisième, le H, c’est celui qui mettra sa tête sur la pochette. Le titre de l’album
qui sera aussi le nom du groupe, avant les super
goujats qui lui aussi sera le nom du groupe d’Higelin
juste le temps de l’album suivant «Irradié».
Le disque s’ouvre sur un hymne aux paumés, une
fresque entre la France et les États-Unis, mais pas celui des cartes postales
avec la statue de la liberté dessus, celle des Junkies, celle du Bronx. «Paris-New York,
N.Y.-Paris», début de l’histoire avec une attaque bluesy sur un fond
acoustique et qui se termine par un déferlement électrique autant par la
musique que par les paroles «Vises moi ce
connard/ T’as pas cent balles
pour un junkie héroïne pressing cocaïne baby ?» Avec un Higelin
en parfaite osmose avec son groupe. L’aventure se poursuit avec une autre
chanson sur la dépendance où il déclare son amour à ce que Gainsbourg appelait ses clous de cercueil et Bogart les Nail’s cuffin : La «Cigarette»,
chanson plus minimaliste et calme qui se termine dans une expectoration
conséquente. «Mona
Lisa Klaxon» un genre de funk «A
la française» d’une histoire qui parle d’une relation par téléphone d’un
homme avec une prêtresse (?) sur son île. Higelin s’amuse à mettre des paroles
audacieuse «Quand soudain derrière elle surgit
le célèbre King Kong, il a la bave aux lèvres et la banane comme un canon...».
«Chaud, chaud,
bizness-show» : grosse rythmique blues, une guitare épaisse et saturée
et un Higelin
avec une voix de rockeur où le système en prend plein la tronche : «Le délégué d’la mafia. Il va faire chialer la
presse. Collez-lui un crachoir. Et tenez le bien en laisse…». Le
plus gros titre de l’album reste bien «Est-ce que ma guitare est un fusil ?» Guitare
funky avec pédale wah-wah, harmonica et un texte qui varie entre le dégoût et
la jouissance, une des plus grandes chansons d’Higelin, mais totalement
inclassable. On se calme un peu avec une ode à la paresse et à l’amour
presque zoophile d’un homme pour une mouche, bruit de cigale et une guitare acoustique
«Une mouche
sur ma bouche», un morceau drôle et tendre, là plus Saravah/Areski/Fontaine. On redonne
dans l’électrique nerveux pour finir avec cet album avec «Œsophage Boogie, Cardiac Blues» et
«Boxon».
Jacques Higelin va commencer sa
carrière de show-man et faire les premières parties de vedettes anglo-saxonnes
comme Sparks ou Sly
and the Family Stone. Son auditoire s’agrandit et ses concerts
deviennent célèbres par leurs durées interminables au grand plaisir des
spectateurs. Des concerts souvent donnés au profit d’associations, de journaux
ou de partis de gauche.
HIGELIN ET LES SUPER GOUJATS |
«BBH 75» est resté une référence pour les
groupes français de cette époque et pour Téléphone le premier. Louis Bertignac rejoindra les super
goujats la même année avec l’album suivant «Irradié». «BBH 75»
un album punk-Rock ? Rock tout simplement ? Chacun voit midi à sa
porte. «BBH
75», un album qui ferait grincer des dents à ceux pour qui Higelin
c’est «Tombé
du Ciel» !
La suite sera une série d’album dans le même genre
avec plus de ballades. «Alertez les bébés», «No Man’s Land» jusqu’à «Champagne…»
et «Caviar…»
les plus belles périodes d’un Higelin qui avait trouvé sa propre identité.
«BBH 75» ? Un des sommets absolus du rock
made in France, toutes les bonnes discothèques qui se respectent se doivent de posséder
cet album et pour preuve, je l’ai !!!
Bennaroch d'accord. Mais Charles tu en es sûr Pat ? Non parce que moi j'en connais un autre de Bennaroch (éminent lui aussi), mais il se prénomme Denis. Ou alors c'est que c'est le frangin.
RépondreSupprimerTout a fait sur ! L'autre Bennaroch est bien Denis qui a joué avec Samson, Cabrel, Nougaro, Jonasz, Renaud, Souchon et tout ce que la France peut compter de chanteurs. C'est un musicien de studio et de tournées. Son Frangin ? Peut-être ? Je n'ai aucune info la dessus !
RépondreSupprimerJ'aime presque toutes les périodes d'Higelin. Son triple live à Mogador m'avait énormément marqué, un pur live de Rock, et ces morceaux rallongés, bourrés de chorus, de cuivres, de ruptures, très blues, et d'interactions avec le public. Des plages de 20 minutes dans un disque de "variété" française, c'était pas commun ! "Banlieue Boogie" est un de mes titres préférés.
RépondreSupprimerTout les lives d'Higelin sont excellents. le triple live à Mogador reste le meilleur (avec le casino de Paris et Bercy peut etre). Pour Mogador, je garde les versions d'"Irradié" et "Le minimum", mais je trouves que le meilleurs titre reste "Paris-New York/New York-Paris", mais je te le conçois,la version de "Banlieue Boogie Blues" reste un summum de l'orchestration sur ce disque avec un final dantesque !
RépondreSupprimerJ'aime particulièrement cette période d'Higelin. Il est créatif, la musique a la violence de ses mots. Je les ai tous en vinyle, même "BBH75", difficile à trouver, car il ne s'en est pas vendu des masses. Mon préféré reste "Irradié".
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