Avec ce "Second Season" qui arrive dans les bacs des disquaires en 1977, Point Blank confirme alors qu'il fait bien parti des meilleurs combos de Heavy Southern rock de la décennie. Mais attention, dans la section des desperados pyromanes. Car si la pochette trompe son monde, laissant croire au néophyte à une galette de Country-rock, entre les Eagles et le Charlie Daniels Band, le quintet n'a pas rendu les armes. Loin de là. Si c'est tout de même un tantinet moins "canon juxtaposé à bout portant", ils demeurent de redoutables killers. Peut-être plus dans le trip "tireurs d'élite raffinés" ... qui, dès qu'ils ont choisi leur(s) cible(s) ... gardent le doigt bloqué sur la détente ! Et défouraillent jusqu'à ce que leur chargeur soit vide ! Non, contrairement aux apparences, ces gaillards, chevelus et velus, n'ont pas mis au rencard leur hargne, ni leur verve, ni leur foi envers un Rock sudiste appuyé, vindicatif et hautement inflammable.
Kim Davis & Rusty Burns |
Dès le titre d'ouverture, « Part Time Lover », un boogie-rock enlevé soutenue par une lead-guitar acoustique du meilleur effet, qui nous renvoi à "Deguëllo" (qui ne sortira pourtant que trois ans plus tard ... Hummm.... Et si le "little ol' band from Texas" avaient laissé traîner leurs oreilles sur ce titre ? ). Et « Back in the Alley » un Hard-blues lourd et gras qui rappelle encore ZZ-Top, (mais cette fois-ci, plutôt celui des deux premiers opus), lardé de traits d'harmonica à la Magic Dick, prouvent que Point-Blank n'a pas changé son fusil d'épaule.
Le groupe n'a rien perdu de ce qu'il avait fait le succès de son premier opus : un Southern-rock agressif, incandescent, détonnant, soutenue par une paire de guitaristes complémentaires sachant non seulement faire parler la poudre, mais prenant plaisir à dégommer tout ce qui bouge (de purs rednecks ?). Néanmoins, si les soli belliqueux de grattes sont très présents, Rusty Burns et Kim Davis, en bons professionnels de la gâchette, savent s'arrêter, ou calmer le jeu, avant que cela s'enraille.
« Rock'n'Roll Hideaway » confirme l'impression avec ses guitares rugueuses, la voix rugissante et puissante de John O'Daniel, et l'omniprésence de l'harmonica qui épaule la rythmique.
Puis, surprise, une magnifique ballade country-rock typée Eagles qui permet de découvrir avec plaisir un John O'Daniel, (l'homme dont la voix pourrait faire croire qu'il fait des gargarismes au bourbon touts les matins), sur d'autres horizons, plus nuancés, plus chaleureux. L'ours ne sait pas que rugir. Pour rester un peu dans le ton, mais en plus mordant , le groupe se fait plaisir en s'offrant, sur disque, la première reprise de leur carrière : « Beautiful loser ». Un classique de Bob Seger, qui deviendra également un des leurs, souvent joué lors de leurs concerts.
Puis, Point Blank remet les pendules à l'heure. Fini de rire. On va mettre le feu ! Si « Uncle Ned » démarre comme un simple Heavy-rock, bon et rugueux mais consensuel, il s'emballe soudainement, lâchant les freins et se métamorphosant en bombe incendiaire hypnotique (les tournées en premières parties de Foghat ont visiblement laissées des traces ...). Suivent deux titres fait du boogie le plus lourd ; deux scuds puissants et ravageurs, deux fléaux d'armes soniques où les guitares de Rusty Burns (qui porte bien son nom) et Kim Davis font des étincelles.
Sur "Nasty Notions", ce serait presque du Ted Nugent en mode Southern-Rock brûlant. Alors que "Tattooed Lady" annonce le Blackfoot de la fameuse trilogie animalière.
Ce duo de redoutables bretteurs a souvent été cité comme partie fondamentale de la qualité, de la personnalité et du son de Point-Blank. C'est indéniable, mais, tout comme pour les groupes énumérés plus haut, s'il n'y avait pas un batteur d'exception, alliant la « science du cogneur » à celle du technicien subtil, l'ensemble serait bien plus terne. Ici, en l'occurrence, Peter Gruen, à l'instar des Frank Beard, Roger Earl, Carmine Appice et Jakson Spires, sait, tout en gardant une solide assise rythmique, faire usage de polyrythmies ; ce n'est jamais métronomique. Mais n'est-ce pas l'apanage des groupes de Rock sudiste, d'avoir en leur sein de faramineux batteurs ?
« Second Season » est donc dans la continuité directe du précédent et premier opus, pratiquement des frères jumeaux indissociables. On retrouve ce mélange entre ZZ-Top, Foghat, Cactus, le meilleur de Blackfoot et de Molly Hatchet à venir, ainsi que des titres les plus rocks de la première mouture de Wishbone Ash.
Cependant, le quintet a élargi sa palette en s'ouvrant sur des ballades rock, country-rock, et en s'adjoignant harmonica et guitare acoustique, mais sans rien perdre de son mordant. Gnak ! C'est toujours "in your face !" Un chouia moins bourrin, une pincée plus champêtre, mais encore franchement abrasif. Du double-canon juxtaposé du fusil de chasse gros calibre, ces desperados de San-Antonio sont passés à la Winchester 1912.
Nombreux sont ceux qui considèrent ce "Second Season" comme la meilleure réalisation de Point Blank.
Malheureusement, par la suite ce collectif de francs-tireurs suit l'exemple des autres confédérés. A savoir, se laisser embobiner par leur manager, et/ou leur label, et s’engouffrer dans une nouvelle voie nettement plus sage. C'est l'époque, correspondante au crépuscule des années 70, où tous les sudistes ont quitté les pistes mangées par les herbes, cahoteuses et poussiéreuses des campagnes de Georgie, de Floride, du Texas, ou du Tennessee, pour s'engouffrer dans des autoroutes bien goudronnées, éclairées, copieusement chargées de panneaux de signalisation et de publicités. Des lignes droites et dépourvues de vie, uniformisées, où tout aller vite sans que l'on puisse prendre le temps. On passe d'un univers qui tentait de garder un lieu avec la terre pour s'engouffrer dans un monde plus froid, artificiel, vidé de substance. C'est une porte menant à une société de consommation nécrophage. Beaucoup y perdront leur personnalité, et leur public. Et beaucoup n'y survivront pas.
Point Blank n'échappe pas à la règle. Toutefois, il sauve les meubles et pendant quelques temps encore, réussit à préserver son âme.
Le contrat avec Arista n'étant pas renouvelé, il signe avec MCA qui est synonyme d'une nouvelle orientation. Marquée notamment par l'arrivée d'un clavier tenu par Steve Hardin et le départ de Philip Petty. Le groupe devient sextet et donne la sensation d'un besoin d'une plus large reconnaissance, ou plutôt d'un succès plus lucratif avec quelques compositions "passe-partout". Néanmoins, les deux albums suivants, "Airplay" et "Hardway" (ce dernier s'étant surtout fait remarqué par sa face live brûlante, clôturée par une reprise de "Highway Star" qui en avait interpellé plus d'un) ont encore de beaux restes et méritent le détour. Ça commence à s'enliser sérieusement en 1981, avec "American Exce$$" (sans John O'Daniel) où certains titres flirtent avec Journey et Toto ("The Way You Broke My Heart", "Cadillac Dragon", "Go on Home" et l'insupportable "Nicole" qui fut pourtant leur premier hit). Toutefois, là encore, Rusty et sa bande arrivent à sauver les meubles grâce à la voix de Bukka Keith et des grattes qui n'ont pas encore émoussé leur tranchant.
Par contre, "On a Roll" est une bouse. Rusty Burns souhaitait ne pas se répéter. Ce qui est fort louable, cependant là, c'est vraiment insupportable. Le groupe n'y survit pas. Les divergences musicales couplées à un accident de Rusty immobilisant le groupe, plus un conflit avec Bill Hamm (2) ont raison de Point Blank.
Le groupe ne se reforme que vingt-cinq plus tard (avec John O'Daniel et Bukka Keith, mais sans Kim Davis remplacé par l'ex-Bluesbreaker de John Mayall, Buddy Wittington), avec un album live, "Reloaded" (sorti chez Dixiefrog) faisant la part belle aux deux premiers disques (avec huit titres, sur treize).
- sauf spécifications, titres signés par l'ensemble du groupe.
- Part Time Lover - 3:52
- Back In The Alley - 4:12
- Rock And Roll Hideaway - 3:14
- Stars And Scars (R. Burns, K. Davis, P. Petty) - 8:16
- Beautiful Loser (Bob Seger) - 4:00
- Uncle Ned - 3:48
- Tatooed Lady (Burns / Davis / Petty) - 4:11
- Nasty Notions - 3:18
- Waiting For A Change (Burns) - 4:44
(2) Grâce au temps libre imposé par son accident, Rusty Burns en profite pour mettre un peu la temps dans les comptes et découvre alors quelques zones d'ombres. Avec notamment les comptes des musiciens peu fournis en dollars en dépit des ventes de disques et des concerts. Le groupe fit un procès à Bill Hamm.
Connexions (clic/liens) : Point Blank (1976) ; Rusty Burns (1953 - 19/02/2016)
tout à fait d'accord avec toi, seuls les deux premiers Point Blank resteront dans les annales du southern-rock et allez soyons sympa avec une petite mention pour le "Reloaded" , la présence de l'excellent Buddy Wittington n'y étant pas étrangère. Pour ma part c'est toujours le premier qui a ma préférence.
RépondreSupprimerOui, tout à fait, ce "Reloaded" était une bien bonne surprise, avec un Wittington en pleine possession de ses moyens (bien plus que sur son album solo qui allait suivre ...).
SupprimerPar contre, "Volume 9", que j'avais mis longtemps à dégoter, me fit l'effet d'une douche froide.
UN de mes albums préférés du band !
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