Le nom de Cerare Battisti ne
vous est sans doute pas inconnu. En 2004, l’Italie demande à la France, où il
est réfugié politique depuis 10 ans, de l’extrader. Levée de bouclier de ses
amis écrivains, l’inévitable Bernard Henry Lévy, mais aussi Fred Vargas, débat
mouvementé au sein du comité des ministres européens, prises de positions de la
classe politique française, pour ou contre l’amnistie, l’ouverture d’un nouveau
procès, ou le retour à la case prison.
Cesare Battisti avait été
condamné par contumace pour quatre assassinats commis à la fin des années 70,
en Italie. Il était membre de la PAC (Prolétaires Armés pour le Communisme) qui
sévissait à partir de Bologne, durant les années de plomb. Condamné à
perpétuité, il s’était enfui au Mexique, puis en France (promesse de Mitterrand qu'il ne serait pas livré à la justice italienne) où il commence une carrière d’écrivain.
Quand la France accepte l’extradition, en 2004, il fuit à nouveau, vers le
Brésil, où aux dernières nouvelles, il vit toujours.
DERNIERES CARTOUCHES est un
polar fortement autobiographique, qui nous plonge dans les arcanes des groupuscules
terroristes italiens. Battisti sait de quoi il parle.
Le livre est court, écrit à la
serpe, dans la lignée de la Série Noire. Les premiers chapitres enchainent les
évènements à la vitesse d’une bonne série B. Claudio et deux potes sont pris en
chasse par la police après l’attaque foirée d’un fourgon blindé. Ils abandonnent
la voiture, gagnent une ancienne station d’épuration, plongent dans les bassins,
rampent dans les tunnels, les broussailles, en sortent à la nuit, épuisés, stoppent une Vespa triporteur, menacent le conducteur et le
contraignent à planquer chez lui quelques jours.
Claudio, dont un des complices
s’est fait chopper par les flics, sait qu’il ne peut pas rester éternellement
sur place. Il prend le train jusqu’à Milan, et avec l’aide de filières
gauchistes, entre en clandestinité.
Le bouquin va suivre le
parcours de Claudio, qui renoue avec d’anciens complices, réactive le réseau,
et s’attèle à de nouveaux actes terroristes. La lutte armée est la seule qui
vaille pour déstabiliser l’Etat, empêcher sa dérive fasciste. On va croiser
plein de personnages, idéologues, hommes d’actions, pasionarias, et surtout se perdre dans
les ramifications nébuleuses d’organisations plus au moins liées par le même idéal, mais
concurrentes, voire, ennemies. Battisti s’en amuse parfois, alignant les sigles
de sous divisions des Brigades Rouges, fédérations maoïstes, trotskistes, où l'on croise des extrémistes du plasticage comme de la macrobiotique.
Planques, filatures, fabrications de faux
papiers, préparations d’attentats, trafic d’armes, et au bout toujours la
fuite, et la solitude. C’est ce qui transpire dans ce livre. L’impossibilité –
dans ce métier-là – de s’attacher. Il faut être toujours en mouvement, prêt à
déguerpir, jamais à l’abri d’une descente de police, ou d’une trahison. Les femmes ? Il y a celles des autres, après tout, on est tous frères de résistance... Battisti
écrit de belles pages sur Claudio errant dans les villes, les rues, les bars, sans
pour autant en faire un héros romantique. L’auteur, 15 ans plus tard, dit toujours
assumer son passé, politiquement.
Les choses se corsent après l’assassinat d’Aldo Moro, ancien président du conseil italien. La police,
les services secrets ont alors carte blanche pour éradiquer les terroristes.
Infiltrations, arrestations, tortures, exécutions. Chaque groupe tente
de sauver son pré carré en dénonçant le voisin, et en se radicalisant
un peu plus. Claudio est un homme qui compte maintenant, c’est lui qui organise les
coups, un hold-up dans un hôpital, l’enlèvement
d’un directeur de prison. Ca foire. Le mec est abattu comme un chien. Ca ne
sert à rien, mais le symbole est là. Le fonctionnaire représente l’Etat, une
raison suffisante pour mourir.
Le vent tourne. Comme le dit
Claudio, le temps où il suffisait de frapper à une porte pour y trouver un ami
est révolu. Trop d’interpellations, de procès, de morts… et de repentis.
DERNIERES CARTOUCHES se lit
vite, et bien. Le style est précis, va à l’essentiel, pas de gras sur l’os. Avec
toujours en tête, derrière le récit mouvementé de braqueurs, les rencontres,
les amitiés, l’idéal politique, la lutte contre les injustices et la
corruption, que cette fiction n’en est pas vraiment une, et que dans la vraie
vie, les morts ne se relèvent pas à la fin.
J'ai lu "Ma Cavale" du même Cerare Battisti, j'avais apprécié. Mais comme tu le dis si bien en conclusion "les morts ne se relèvent pas à la fin" c'est pourquoi il faut savoir garder le recul nécessaire avec ce genre d'ouvrage et ne pas être tenter de sacraliser un parcours où il y a quand même des assassinats pas très glorieux.
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