vendredi 13 mars 2015

DAVID BOWIE, l'Expo de la Philharmonie (2015) par Luc b.


L’exposition David Bowie fait escale à Paris pour plusieurs mois, à la Philharmonie, Porte de Pantin. Un blockhaus métallique d’où dégueule une sorte d'étron géant, grisâtre aussi. Bizarre, mais sans doute très beau la nuit quand c'est éclairé... vu d'avion, car sur place, il n'y a aucun recul. Bon, les travaux ne sont pas finis. Comme l'a hurlé son architecte Jean Nouvel, évincé du projet parce qu'il ne fallait pas retarder l'inauguration.

Au-dessus de nos têtes, sous le parvis, un plafond de dalles décorées de stalactites de fer, dont on a qu’une crainte, qu’elles ne vous tombent sur la gueule, vous trépanent, genre numéro de fakir qui aurait loupé ! Quand on sait que l’opéra Bastille se casse de partout depuis 30 ans, ça fait peur… Un conseil : allez pisser avant d’entrer. Quatre malheureux urinoirs vous tendent les bras, après un long couloir bétonné, brut. Le budget ne prévoyait pas les pots de peintures ? Vous connaissez la gare Montparnasse ? C'est pareil. Du béton. Et je ne vous parle du bordel pour accéder à cette Philharmonie. On ne peut pas tout avoir. Une belle salle de concert et des routes pour y arriver à l'heure... 

Bref… L’expo David Bowie. On passe de salles en salles, un casque sur les oreilles, pour entendre l’environnement audio, et pas besoin de taper sur des numéros, tout est automatique, l’audio vous suit au fur et à mesure que vous progressez, faites demi-tour. Dès que vous passez à proximité d'un écran, hop, le son arrive ! Les murs sont noirs, les espaces peu éclairés (au bout de 10 secondes j’avais paumé ma femme !), on peut donc profiter des multiples écrans et jeux de projections vidéo. Toutes les interviews sont systématiquement sous-titrées. 

On commence par la genèse, forcément, le début des années 60, en écoutant des montages d’interviews, la découverte par Bowie du rock de Little Richard et du jazz BeBop. Dont il dit qu'au début il n’y comprenait pas grand-chose, mais trouvait ça fascinant. Les trajets dans Londres, un bouquin à la main pour avoir l’air intello. Et à force d’avoir un livre dans la poche, il s’est mis à les lire… On le sait, Bowie s’est nourri de multiples influences, et cette expo le montre parfaitement. Avant même son premier disque, Bowie explique qu’il est comme une éponge. Tout le nourrit, tout est digéré, régurgité. On voit les photos des premiers groupes, The Kon-Rads, The King Bees, où il officiait au saxophone (exposé, comme sa guitare 12 cordes), la transformation de David Jones en David Bowie, parce que son nom était proche de celui de Davy Jones, le chanteur des Monkeys. On y apprend qu’en 1965, Bowie et son groupe étaient programmés au Golf Drouot (le carnet du directeur, avec la mention défraiement  hôtel : 2000 francs !), accompagné aux claviers de Rick Wakeman, futur pilier du groupe YES. 

En voyant 2OO1 de Stanley Kubrick, Bowie crée son premier univers, celui de « Space Oddity » du Major Tom, errances métaphysiques, isolement, mélancolie. On voit les deux clips, celui de 1969, expérimentation vidéo SF totalement incroyable (genre le BARBARELLA de Vadim), et celui de 1972, en couleur, où le chanteur s’est déjà métamorphosé physiquement. Le premier est plus drôle. Ce qui est fascinant, c’est de voir, de comprendre d’où viennent ses idées, ses personnages.

David Bowie est un créateur complet, qui écrit (il se destinait au roman ou à la poésie avant de prendre une guitare), compose, mais aussi dessine, peint. L’expo montre tous les croquis préparatoires, de ses pochettes de disque, les story board au feutre couleurs de « Ashes to ashes », ses costumes de scène. Ce type contrôle tout. Car Bowie possède un bon coup de crayon, l’aspect graphique a une grande importance. Il ne s’agit pas simplement de chanter, mais à chaque fois de concevoir un univers entier autour d’un disque. A la fin de sa période de désintox, vers 1976, et son départ pour Berlin, il se remet à la peinture. Plusieurs tableaux sont exposés, des portraits (dont celui de Mishima), très influencés par l’Expressionnisme, le Fauvisme, Picasso, et vraiment intéressants. 

L’espace réservé à la trilogie berlinoise tient une large place. Le triptyque n’a de berlinois que le nom puisque que sur trois albums, seul HEROES est enregistré là-bas - LOW en France, et LODGER en Suisse et aux USA. Plusieurs photos d’Iggy Pop et de Brian Eno, en train de bosser, la découverte des premiers synthés (dont l’un est exposé) et du Krautrock. Et toujours des extraits d’interviews, de concerts au Japon de cette période musicale aux antipodes des  contingences commerciales, où du punk qui déferlait sur London au même moment.

Musicien, dessinateur, et aussi acteur. On a tendance à l’oublier, mais David Bowie – qui a appris l’art de mime avec Lindsay Kemp – a tourné dans une vingtaine de films au cinéma, sans compter les apparitions télé. Un écran projette des extraits, de FURYO, LE PRESTIGE, LABYRINTHE, L'HOMME QUI VENAIT D'AILLEURS... où Bowie apparaît généralement grimé, perruqué. Encore et toujours l’envie de se transformer. Et il était, je trouve, particulièrement bon, avec son accent so british, dommage qu’il n’ait pas été davantage utilisé, surtout ces dernières années, puisqu’il n’enregistre plus beaucoup… On voit aussi des extraits d’ELEPHANT MAN, qu’il a joué 7 mois au théâtre en tournée aux USA au début des années 80, sans prothèse ni trucage. Dans le genre transformiste, on découvre un clip où il chante en costard, accompagné de trois choristes. Les trois choristes sont Bowie lui-même, travesti en rombière anglaise, ou femme fatale ! Clip interdit aux USA, of course, un homme habillée en femme, bouh, quelle horreur !! 

Les costumes de scènes prennent une large place, évidemment. Sans être une groupie hystérique, ça fait tout de même kekchose de voir tout ça, et découvrir le processus de création. On découvre la tenue en toile d'araignée, avec deux mains au niveau de la poitrine, et une troisième surgissant de l'entre-jambe. Censuré ! Finalement, l'habilleuse a vite fait cousu un legging doré, la pudeur était sauve ! Les tailles sont menues, finalement, pour garder la ligne, un régime à base de lait et de cocaïne s'avère efficace.

Dans ce qu’il y a à voir, et à écouter, l’exposition est très bien faite. On y passe facilement deux bonnes heures si on veut tout regarder, écouter. Pourtant, à en croire ce que l’on voit, la carrière de Bowie s’est arrêté avec SCARY MONSTERS. Pratiquement rien ensuite, même pas LET’S DANCE, pourtant son plus gros succès commercial (avec Stevie Ray Vaughan), ni les aventures de Tin Machine, les expérimentations techno de 1. OUTSIDE, ou l’excellent album HEATHEN, qui avant REALITY (moins bon) précède le silence complet de 10 ans. Pourquoi ces impasses ? On voit l’élaboration de la pochette de son dernier disque, mais c’est à peu près tout. 

L’angle de cette expo est davantage centrée sur l’Artiste touche à tout, mais paradoxalement moins sur le musicien. Si on voit quelques partitions manuscrites (le « Fames » co-écrit avec John Lennon, le texte de « Ziggy ») peu de photos de studios, de vidéos de répétitions, assez peu sur Mick Ronson, son extraordinaire guitariste des années Ziggy. Sauf le fameux passage à Top of the Top en 72, où ils chantent « Starman », et où les anglais fraichement possesseurs de télé en couleur ont vu débarqué cet extraterrestre androgyne, qui a secoué toute la jeunesse britannique du jour au lendemain. J’aurais apprécié pouvoir écouter des démos, et par un jeu interactif, entendre des pistes de studio, comprendre les arrangements, la fabrication de toutes ses chansons. On pourrait passer en revue tout ce qui manque, comme l’extraordinaire dernier concert de Ziggy, et le suicide du personnage en plein succès, son rôle de producteur pour Iggy Pop juste suggéré, ses innombrables duos... 

Quoi qu’on pense du bonhomme et de sa musique, David Bowie force le respect. Les mauvaises langues et les jaloux disent que c’est un copieur opportuniste, je réponds : foutaises ! Comme disait l’autre, rien ne se crée, tout se transforme. Cette exposition en est la meilleure preuve. L’univers Bowie se nourrit de mille influences, davantage théâtrales, cinématographiques, littéraires, que strictement musicales. Et il ne faudrait pas oublier que lui-même en a nourri beaucoup d’autres ensuite, depuis le Glam Rock, le revival Soul, la Cold Wave. Une vie sacrément bien remplie (ne l’enterrons pas trop vite !), et un style, ou plutôt, des styles qui ont marqué, un caméléon en perpétuelle recherche, création, remise en cause. 



Les anglais découvrent la télé couleur, et David Bowie...

ooo

6 commentaires:

  1. Ils arrêtent l'expo à Scary monters ?

    Eh bien heu, comment dire ...ils ont raison. Ce qui a suivi c'est dans l'air du temps (dans les 80's), ou avec un train de retard (les 90's).
    Bowie est définitivement un type des 70's ... et là, pas grand monde (sinon Led Zep) lui arrive à la cheville... un des rares dinosaures à être perpétuellement réévalué et toujours cité comme référence ...

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  2. Je n'avais pas vu l'expo sur Bob Dylan, mais pas sûr que la chronologie ce soit arrêtée à Blonde on Blonde... S'il n'y a rien de "révolutionnaire" ensuite, ses revirements de style méritaient qu'on s'y arrête un peu, ne serait-ce que pour éduquer les foules. Ca sert à ça une expo, non ?

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  3. Surement très intéressant! Suis un poil délocalisé dans le sud-est, me contente du spécial Bowie de Rock & Folk, pas mal fichu.
    Pour les amateurs, à signaler le magazine PHOTO n°515 spécial Rolling Stones mars 2015, splendide!!

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  4. David Bowie a quand même totalement perdu de son intérêt après "Scary Monsters". Justement, l'immense créateur s'est laissé fourvoyé dans une musique New Wave plutôt bien fichu avec "Let's Dance", et totalement vide par la suite. Mais il ne fut pas le seul génie à s'écraser lamentablement artistiquement parlant au virage des années 80 : les Stones, Bob Dylan, Eric Clapton....le vrai bug de l'an 2000 a eu lieu en 1980 en fait, ah ah.

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    1. Okay, mais que penser de la période Tin Machine ? Ce groupe n'avait rien de New-Wave, non ? Si ?

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  5. Tin Machine, qui ne m'avait pas transcendé plus que ça, donnait dans le rock basique, plutôt métal et agressif. Il n'y a eu que deux albums. Une autre tentative de donner une autre direction à sa carrière...

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