samedi 30 novembre 2013

Hélène GRIMAUD & Sol GABETTA (2012) - CHOSTAKOVITCH : Sonate Op. 19 - DEBUSSY : Sonate – par Claude Toon



- Oh oh M'sieur Claude, encore deux jolies femmes en vedette cette semaine ! Vous êtes incorrigible, mais au moins pas macho…
- C'est gentil Sonia. Il y a un moment que je veux parler d'Hélène Grimaud, grande pianiste et personnalité pittoresque…
- Mais alors pourquoi pas un disque uniquement en soliste, des sonates pour piano seul, par exemple. Sol Gabetta est moins connue, enfin de moi…
- J'aime bien cette complicité avec la violoncelliste virtuose argentine qui nous a offert ce CD, un réjouissant récital où se rencontrent Schumann, Debussy, Brahms et Chostakovitch, bref que du beau monde dans des œuvres assez courtes et pleines de vie, comme nos artistes…

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La provençale Hélène Grimaud a vu le jour en 1969. Elle débute le piano à 7 ans, elle est douée et passionnée, ce qui amène sa famille à la présenter à Pierre Barbizet qui deviendra son professeur et mentor au conservatoire de Marseille. À seulement 13 ans, elle est acceptée au conservatoire de Paris et reçoit l'enseignement des plus grands comme Jacques Rouvier, György Sándor et Leon Fleisher ! À 14 ans premier concert à Aix-en-Provence, sa ville natale, dans le concerto n°2 de Chopin, rien que cela !
La suite, beaucoup de mélomanes la connaissent. Hélène Grimaud parcourt le monde, joue en soliste avec les plus grands orchestres de tous les continents, avec une prédilection pour les USA qui deviennent sa seconde patrie et où elle s’établit à Tallahassee, en Floride. Elle quittera plus tard les Amériques pour Berlin puis la Suisse…
Sa discographie est très variée, de Bach à Beethoven en passant par les contemporains John Corigliano et Arvo Pärt dont la pianiste a créé le Lamentate. L'un de ses plus beaux enregistrements "Credo" réunit la sonate la Tempête de Beethoven avec deux œuvres de ces deux compositeurs de notre temps (Dgg).
Non ! C'est démontré, Hélène Grimaud ne vit pas recluse au sein d'une meute de loups comme une squaw sioux contrariée. Elle se passionne pour l'éthologie, l'étude du comportement animal, une science à laquelle Konrad Lorenz et deux confrères, également prix Nobel de médecine, ont donné ses titres de noblesse. Elle est lauréate d'un diplôme dans cette discipline, diplôme indispensable aux USA pour ouvrir son centre d'étude et de préservation de l'espèce. Cette passion lui est venue quand, à 21 ans, elle a observé une louve en Floride. Donc Hélène Grimaud n'est pas une excentrique mais une scientifique, et une femme de passion pour la beauté de la nature. À noter que cette artiste d'exception, à l'instar des compositeurs Scriabine et Messiaen est atteinte de synesthésie, une particularité neurologique (plutôt qu'une affection) qui lui fait percevoir des couleurs lorsqu'elle entend des sons. Une couleur pour une note… Enfin et pour finir de tordre le coup à toutes les rumeurs farfelues concernant cette artiste à la personnalité hors du commun, trop et mal médiatisée, Hélène Grimaud est la compagne du photographe Mat Hennek dont elle a adopté les deux gamins...
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Bien que née en argentine, la blonde et sexy Sol Gabetta est fille de parents français et russe. Pour ses études : l'Espagne, Bâle et Berlin. Elle a donné son premier concert à l'âge de quatre ans, et remporté son premier concours à dix ! Je résume : c'est une surdouée dont la carrière internationale de vituose était inscrite à l'évidence dans les astres au dessus de son berceau.
Ah, renseignement pris, elle a adopté la nationalité suisse. (Je ne pense pas qu'il y ait un attrait pour la fiscalité helvétique là-dedans, les virtuoses classiques, même de renom, ne gagnent absolument pas les ponts d'or des footballeurs, ou des stars du showbiz…) D'ailleurs pour appuyer mes dires, elle joue sur un violoncelle italien de 1759 du luthier Giovanni Battista Guadagnini, n'ayant pas les moyens d'acheter un tel joyau aux graves de velours, il lui est prêté par une fondation.
Bien que plus jeune d'une douzaine d'années que sa complice Hélène Grimaud, sa carrière est exemplaire. Elle joue un large répertoire, notamment des compositeurs du XXème siècle, avec les meilleurs orchestres du monde. Sol a créé un orchestre baroque en compagnie de son frère Andrès, violoniste : l'ensemble Capella Gabetta.
Sa discographie est extrêmement riche pour cette jeune femme de 32 ans. On y trouve très logiquement des concertos de Vivaldi avec son ensemble Capella Gabetta. Dans le répertoire plus moderne, les très difficiles concertos de Dmitri Chostakovitch, Edward Elgar ou encore de Bohuslav Martinů sont à l'honneur. Enfin cet album Duo est venu très opportunément débuter sa discographie en musique de chambre. Elle a aussi réalisé un DVD "Sol Gabetta joue Haydn et Vasks". Pēteris Vasks est un compositeur letton qui reste encore mal connu dans nos contrées. Dommage, car comme Penderecki, sa musique n'est pas inaccessible… Sol Gabetta a passé quelques commandes à Pēteris Vasks

Les deux musiciennes ont concocté pour leur album un programme très original : deux compositeurs romantiques : Brahms et Schumann, deux modernes : Debussy et Chostakovitch.

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On ne présente plus dans le Deblocnot' les compositeurs retenus pour cet album. Leurs biographies et les œuvres parmi les plus marquantes ont déjà donné lieu à des articles détaillés. Donc, vivent les hyperliens : Brahms (clic), Schumann (clic), Debussy (clic) et Chostakovitch (clic).
Le duo, souvent une sonate, pour piano et divers instruments est une forme abordée par la plupart des compositeurs au talent pianistique reconnu. C'est le cas pour ce programme, même si pour Schumann, c'est Clara, son épouse, qui a rédigé la partition et bien entendu l'a créée. Beethoven à écrit au début du XIXème siècle le premier cycle d'importance pour le duo violoncelle – piano, avec cinq sonates de grand intérêt musical.
1 - Les 3 fantaisies de Schumann Opus 73 sont écrites pour piano et violoncelle ou clarinette. C'est un ensemble de courtes pièces tendres et romantiques qui ne forment pas vraiment une sonate mais un joli divertissement. Schumann les compose vers 1849, pendant une période où la dégradation de sa santé physique et mentale semble marquer le pas. Dès les premières mesures on y ressent une grande douceur, une sensuelle féminité dans la mélodie du violoncelle et l'enchainement délicat des notes égrenées au piano. Le bonheur qui s'épanouit dans cette pièce révèle un plaisir de vivre exceptionnel chez Schumann, compositeur tourmenté, pianiste malhabile, qui ne pouvait vivre sa musique que grâce aux mains de Clara. On va retrouver ce climat poétique et bucolique dans les deux premières pièces. La dernière est la plus enjouée. Le jeu des musiciennes est d'un bel équilibre. Souvent les grands pianos de concert modernes possèdent une puissance sans commune mesure avec ceux de l'époque romantique et masquent le son du violoncelle dans les médiums. Ici rien de cela. Hélène Grimaud retient par la bride son piano par un touché ardent mais léger. Sol Gabetta fait preuve d'un legato et d'une passion tout à fait en accord avec ces pièces fantasques aux accents printaniers.

2 – La Sonate n°1 en mi mineur Opus 38 de Brahms fut écrite par un compositeur ayant atteint la trentaine. Curieusement, elle devrait comporter quatre mouvements mais Brahms a supprimé l'adagio lors de l'édition finale ! Comme si le long allegro non troppo méditatif initial remplissait à la fois les rôles de l'allegro introductif et du mouvement lent habituellement placé en second. Le flot musical est caractéristique de la sensibilité "élégiaque" de Brahms : de longues phrases nostalgiques au violoncelle, un accompagnement plus viril au piano, des motifs tantôt mélancoliques, tantôt enchantés qui s'entremêlent. Dans l'allegro, chaque instrument ne brille jamais en solo dans une quelconque cadence. Même si Brahms a écrit de nombreuses pièces de musique de chambre avec un piano et une grande variété d'instrument (cordes, clarinette, cors), l'instrument soliste a un très grand rôle, le piano semblant accompagner celui-ci comme un orchestre, de façon concertante… Sol Gabetta fait chanter son instrument avec volupté et mélancolie, les graves sont magnifiques, les coquetteries d'un superflu vibrato totalement absent. Une très grande dame du violoncelle. Hélène Grimaud distille l'énergie du piano au bon moment, toujours pour préserver la présence du violoncelle. Les deux artistes se rappellent à l'évidence que l'œuvre a été surnommée "Sonate pastorale". Les deux courts mouvements qui terminent la sonate sont joués avec espièglerie, en totale communion.
3 – Chantre des gammes modales et des innovations tonales, peu enclin aux reprises et longueurs, Debussy nous offre une scintillante petite sonate d'une douzaine de minutes. C'est le piano d'Hélène Grimaud qui nous invite dans les jeux mélodiques, les couleurs diaphanes de l'univers expressioniste de l'auteur de "La mer". La partition pour violoncelle n'est pas simple avec ses syncopes et ses sauts de tessitures diaboliques. Sol Gabetta termine le prologue dans des aigus célestes de pureté. Les deux jeunes femmes  rivalisent de facéties agrestes dans la sérénade. Enchanteur et mystérieux… Dans le final, Debussy précise en tant que tempo : Animé, léger et nerveux. Je n'aurais pas mieux dit du jeu de nos artistes.
4 – La sonate de Chostakovitch date de 1934, les temps qui précèdent tout juste les purges staliniennes dans le domaine de l'art. C'est une œuvre moins pathétique que celles qui jailliront de la plume dans les heures noires de la guerre et des répressions du régime. De forme tout à fait classique en quatre mouvements, l'œuvre s'écarte des angoisses qui ne lâcheront plus le compositeur russe à partir des chasses aux sorcières idéologiques de 1936. On y retrouve cependant les caractéristiques rythmiques chères à Chostakovitch : les notes piquées au piano, les pizzicati au violoncelle, cette écriture serrée et poignante. L'allegro initial se termine en marche funèbre. Le second allegro est une furie démoniaque et grinçante de trois minutes avec des glissandi du violoncelle et le piano utilisé comme percussion. Hélène Grimaud et Sol Gabetta ne font qu'une bouchée de cette folie musicale, le trait est clair, percutant, coloré. Pas de noirceur mais de l'intimisme dans le serein adagio. L'allegro final est une petite marche sarcastique, nous sommes bien dans le monde musical de Chostakovitch !

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Pour finir, les vidéos : tout d'abord, des extraits d'un concert donné à la philharmonie de Berlin avec deux mouvements des sonates de Brahms et Debussy, puis une vidéo de présentation (en anglais mais doublé) de l'album par les deux artistes… Et enfin les quatre sonates dans l'ordre de présentation du CD et de l'article.





12 commentaires:

  1. Hormis celui de Rostropovitch avec Rudolf Serkin, je n'avais jamais écouté d'autre version du n°1 de Brahms. Une chronique sur les duos familliaux, ,comme les soeurs Labèque, les frères Kontarsky ou David et Igor Oistrakh. Mais les sujets sur le classique sont tellement vaste que le creuset même avec des sujets thématique est insondable. Sinon jolie version de Brahms et découverte de celle de Chostakovitch.

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  2. ... Et dommage que le Duo Julius Katchen - Janos Starker n'ait jamais enregistré la sonate N°1 mais seulement la N°2... un must

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  3. Hmm ! Je vois ce que c'est Claude. On sûr-enchérie en matière de jolie(s) femme(s) pour tenter d'obtenir les faveurs de notre lectorat.

    Bon, dans ce cas je propose un "Déblocd'or 2" afin d'élire la plus belle, la plus craquante, la plus méritante de toutes ces artistes féminines dont nous avons parlés au cour de cette année 2013. Ca vous dis ?

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  4. Autant "caser" un album "classique" dans le debocd'or serait suicidaire (1 voix, la mienne), d'autant que nous n'avons aucun contact avec les artistes, autant il est vrai que la gente féminine craquante est bien représentée dans mon domaine en opposition aux durs à cuire du Rock qui peaufinent avec talent leur look crasseux et hirsutes... :o)

    Pour ce concours, je peux aligner Hélène Grimaud et Sol Gabetta, les vedettes du jour mais également : Hilary Hahn, Chloé Hanslip, Janine Jansen, Yuja Wang, Lise de la Salle, Julia fischer qui hormis un grand talent sont toutes aucunement des "laiderons".....

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    1. Non mais, non mais, mais voilà que l'on dénigre nos artistes Rock ??? Hé ! Ho ! L'habit ne fait pas le moine. C'est pas parce que le gars se trimbale en smoking qu'il est propre pour autant (voire qu'il ne pue pas).
      Maintenant, certes, il y a depuis des lustres une tendance du musicien rock qui cultive un look de saltimbanque désœuvré et négligé qui n'a strictement rien de naturel - et qui frise parfois le ridicule et le mauvais goût -.

      Sinon, s'il fallait aligner quelques beaux spécimens de la gente féminine du milieu du Rock, vous êtes mal barrés. Il y a pléthore de canons, et dès qu'elles abordent du cuir... Aïe caramba !!! La tempéra...
      - "Comment chérie ?? Qu'est-ce que j'écris ?? Non rien.. Ce n'est pas moi ! C'est Claude et Pat ! Tu me connais, enfin ?!

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  5. Et moi en chanson française je rajoute Giedré ! Même si elle chante des "horreurs", elle reste un jolie brin de fille !!

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  6. "chuchoté"
    Oui, alors Sheryl Crow, Amanda Somerville, Melissa Auf Der Maur, Maria Brink, Candice Night, Tori Amos, Jennifer A. O'Neill, Jo Harman, Joan Jett, Susan Tedeschi, Klara Force, Jannicke Lindström, Karen Cuda, Robi Zana, Beth Hart, Lita Ford, Tarja Turunen, Angela Gossow, Taylor Momsen, Nathalie Imbruglia, Christine Lorentzen, Nina Persson, et puis (** boïng !!***)

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    1. tu oublies Tanita Tikaram pour laquelle j'ai longtemps eu le béguin, et pas que musical (quel album quand même, faudra que j'en parle un jour) http://youtu.be/wXSTe9YMCKo
      oups, désolé Claude....

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    2. Ouaip, mais c'est plutôt très poppy ça, non ?

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    3. folky je dirai plutôt, à la Suzanne Vega. Sinon rayon blues rock il y a profusion de jolies guitaristes en ce moment, une vague même avec Samantha Fish, Dana Fuchs, Ana Popovic, Joanne Shaw Taylor, Erja Lyytinen, Sena Ehrardt (celle là je te la conseille), Kara Grainger, Dani Wilde et j'en oublie plein....

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    4. ha oui, sympa cette Kara Grainger (je ne connaissais pas jusqu'à présent). De plus elle grattouille et chante plutôt bien. Une découverte.

      Par contre, Ana Popovic...

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  7. Heuuu, excusez-moi de déranger en vous demandant pardon..... Mais Brahms et Debussy vous trouvez ça comment ?
    Juste pour... ben... savoir quoi... ce qui est intéressant dans les articles..... orienter mes choniquex vers un autre genre...
    - Pardon Sonia ?
    - Y'a pas d'X à chronique.... à un lapsus... ça arrive.... Merci Vincent d'avoir lancer le débat.....

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