Dans la série du bon p’tit polar franchement bien foutu, le candidat du jour est GLACÉ de Bernard Minier. L’auteur, m’apprend sa fiche Wiki, a travaillé dans l’administration des douanes, dans les Pyrénées. GLACÉ est son premier roman, paru en 2011.
L’action
se situe justement dans les Pyrénées, près de Saint Martin, un bled perdu dans
une vallée encaissée, battue par le vent et les bourrasques de neige. La
Procureur du coin fait appel à un grand flic de Toulouse, Servaz, pour enquêter
sur la mort d’un cheval, retrouvé dépecé et fixé à un pylone d’une centrale hydroélectrique.
Le tout planté en haut d’un pic uniquement accessible par téléphérique. Le cheval, et
la centrale, appartiennent à Eric Lombard, PDG d’une multinationale cotée au
CAC 40. Un homme écouté dans les cabinets ministériels. Servaz et la lieutenant
de gendarmerie Ziegler se mettent sur cette mystérieuse et délicate affaire.
Au
même moment, le docteur Diane Berg, venue de Suisse, arrive à Saint Martin pour
prendre le poste de chef-psychiatre à l’Institut Wargnier, qui gardent enfermés
sous haute surveillance les psychopathes et criminels les plus dangereux qui
soient. Parmi eux, Julian Hirtmann, un compatriote suisse, ancien procureur et
terrible prédateur. Les pensionnaires de l’Institut sont-ils liés à l’affaire
du cheval ? Un d’entre eux arrive-t-il à sortir, à défier le système de
sécurité réputé inviolable, ou bénéficie-t-il d’une complicité ? Diane
Berg sent rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans cet institut, la
froideur du docteur Xavier, le directeur, ou l’autoritaire infirmière-chef
Elisabeth, sans compter ces étranges allées et venues la nuit dans les couloirs…
Pour
Servaz aussi il convient de rendre visite au docteur Xavier, de rencontrer
certains de ses patients, Julian Hirtmann en priorité, dont on vient de retrouver
l’ADN à l’intérieur du téléphérique de la centrale. Sauf qu’un second cadavre
vient chambouler le programme, celui du pharmacien de Saint Martin, retrouvé
pendu à un pont, seulement vêtu d’une cape et de bottes noires…
La
grande qualité du bouquin, et de Bernard Minier, et de savoir mener les
différentes pistes de l’enquête, leur donner autant d’importance et de place
dans le récit, en restant clair. Il y a beaucoup d’intervenants chez les
enquêteurs, Servaz et son équipe, les gendarmes, leurs hiérarchies respectives,
mais aussi le juge d’instruction, la procureur, et Gabriel Saint-Cyr, ancien
juge du coin à la retraite, qui a gardé ses contacts, ses dossiers bien archivés, et ses secrets... Il
y en a autant chez les suspects, Lombard et ses employés, le personnel et les pensionnaires
de l’institut. Et comme l’intrigue va prendre des tours imprévus, c’est autant
de personnages de plus, sur lesquels Servaz devra enquêter.
Car
l’enquête évolue vite. On trouve des éléments, on interroge, on recoupe, et
Servaz se rend compte que l’affaire prend un tournant. On quitte le thriller
type sérial killer classique pour une enquête dans le passé et les secrets de Saint
Martin. Ce qui ressemble à plusieurs affaires sans point commun, sont-elles au
contraire liées par de sombres histoires inavouables ?
GLACÉ bénéficie d’une entrée en matière assez efficace. Bernard Minier brosse plutôt
bien le déploiement de l’enquête, tout en s’attachant à ses personnages. Ils
gagnent en épaisseur et en mystère au fur et à mesure puisqu’en parallèle de l’enquête
policière, il est souvent question de leurs relations personnelles. La fin
réserve d’ailleurs une belle surprise, plutôt cocasse. Mais c’est évidemment
sur le rythme qu’on va juger ce livre, la manière dont est mené le récit. Il y
a un petit temps de chauffe au début, notamment l’arrivée de Diane Berg, un peu
longuette, et sans doute l’institut et ses mystères ne sont pas assez exploités, et
plus tôt. Minier aime aussi à décrire la nature, les conditions climatiques, son
décor. Ce qui rajoute parfois à la longueur.
Mais
ça ne dure pas, et rapidement Minier déroule son récit et ses rebondissements,
et le lecteur, qui n’en sait pas plus que Servaz, se prend au jeu, ne lâche
plus le bouquin, se casse la tête pour démêler le vrai du faux. Et quand on
pense avoir compris, Minier brouille les pistes et relance son intrigue, changeant
encore le point de vue sur l’affaire. J’y ai retrouvé un peu l’ambiance de John
Harvey (créateur du personnage de flic Resnick), avec aussi du Michael Connelly
(LE POETE, LA DEFENSE LINCOLN) pour l’aspect judiciaire, technique, d’autant
que Servaz tient parfois un peu de Harry Bosch, le tout saupoudré de Thomas
Harris (DRAGON ROUGE, LE SILENCE DES AGNEAUX). Mais Bernard Minier ne parvient
pas à faire de Julian Hirtmann le semblable d’Hannibal Lecter…
Le
style est tout de même mieux travaillé que chez Franck Thilliez (qui a dit :
c’est pas bien compliqué ?!!) sans trop d'effet de manche, mais une propension
parfois à se regarder écrire, là où on aurait pu resserrer les boulons. La
lecture est agréable, l’histoire vraiment prenante, fouillée, dense, sans remplissage, y’a vraiment de
la matière, on en a pour ses 720 pages !!
PS : on vous a parlé trois fois des romans policier de Pierre Lemaître (voir la rubrique "livre"), ce même Lemaître qui vient de décrocher le Goncourt pour son dernier roman. On ne s'était pas trompé sur l'avenir littéraire de cet auteur...
PS : on vous a parlé trois fois des romans policier de Pierre Lemaître (voir la rubrique "livre"), ce même Lemaître qui vient de décrocher le Goncourt pour son dernier roman. On ne s'était pas trompé sur l'avenir littéraire de cet auteur...
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