dimanche 27 janvier 2013

JOE GORDON QUINTET "LOOKING GOOD" (1961) par FreddieJazz



Joseph Henry Gordon, plus connu sous le nom de Joe Gordon (1928-1963) est un trompettiste bop qui n'a vraiment pas eu de chance... Ayant joué aux côtés de Lionel Hampton, Art Blakey, Charlie Parker, Dizzy Gillespie (notamment dans son grand orchestre de 1956) et Shelly Manne, Joe n'a jamais réellement percé. Pire au moment où il allait le faire, il mourait dans un incendie... Il avait alors trente-cinq ans. Le trompettiste venait d'enregistrer une galette tout à fait recommandable (AWAKENING!!) aux côtés de l'obscur mais néanmoins génial saxophoniste Jimmy Woods qui semblait être son partenaire idéal. Le saxophoniste alto qui n'enregistrera lui-aussi que deux galettes pour le compte du fameux label West Coast Contemporary Records, est d'ailleurs présent dans LOOKIN' GOOD, session surprenante à plus d'un titre : répertoire d'une fraîcheur non négligeable et entièrement composé par le trompettiste, alternant balades savoureuses et morceaux pêchus, une sonorité lumineuse à la trompette, une présence, un sentiment de vécu à nul autre pareil.

Alors, bien sûr, cette session studio de juillet 1961 n'est pas révolutionnaire en soi (contours hard-bop essentiellement), mais la sincérité des interprètes est telle qu'il serait idiot de passer à côté, surtout si l'on aime un jazz roboratif et inattendu (entendez par là que le quintette de cette session studio ne cesse de repousser les limites du hardbop, un peu à la manière de Sonny Simmons et Ornette Coleman). Aussi, ce disque constitue un document assez exceptionnel dans la mesure où le trompettiste signe là son dernier disque en leadeur. A ses côtés, outre Jimmy Woods au sax alto, l'on trouvera Dick Whittington au piano, Jimmy Bond à la contrebasse, et Milt Turner à la batterie.

Le répertoire est exemplaire. Et si lors d'une première écoute, le sentiment de surprise est plutôt limité (le collectif rappellera par moments le quintette de Miles, notamment dans "A Song for Richard", thème au cours duquel Joe utilise la sourdine), c'est au fil d'écoutes répétées que l'on mesurera toutes les nuances, l'originalité du contenu, le travail personnel de ces musiciens exceptionnels ainsi que leurs qualités d'improvisateur. Rien que pour ce dernier thème, "Diminishing", où Jimmy Woods (photo ci-contre), bien qu'ayant un son très personnel, évoquera les prises de risque d'un Ornette Coleman ou d'un Sonny Simmons, l'on ne passera pas à côté. C'est à ce point ravageur, indispensable et surtout magnifique. Le disque ne tombe jamais dans le hard-bop conventionnel que l'on pouvait trouver parfois à cette époque... Et l'on se dit, à l'écoute de pièces comme "Diminishing" ou encore cette balade de toute beauté, "Heleen" (évoquant la grâce féminine), ce qu'aurait été la carrière de ce trompettiste, si le destin ne l'avait pas rattrapé de la sorte. Humour et clins d'yeux au blues sont également au rendez-vous : il suffit d'écouter ce thème en 3/4, "Non Viennese Waltz Blues", sacrément réussi. La rythmique est super bien huilée (magnifique soutien du pianiste et de la paire rythmique). Alors bien sûr les compositions ne sont pas aussi inoubliables que dans une galette comme Kind of Blue ("Co-Op Blues", "You're The Only Girl in the Next World for me"), mais l'on se souviendra longtemps de ces pièces aux intonations à la fois mélodiques et obliques, lorgnant légèrement vers un jazz avant-gardiste de bon aloi. Des choix loin d'être formels et loin d'être réduits à un hard bop médiocre. Plus qu'une curiosité donc. 






1. Terra Firma Irma  7:44 

2. A Song For Richard 5:03 

3. Non-Viennese Waltz Blues 4:13

4. You're The Only Girl In The Next World For Me  4:02 

5. Co-Op Blues 5:58

6. Mariana 4:10      

7. Heleen 4:03       

8. Diminishing 5:07


Et mesdames et messieurs, la direction du Déblocnot ne vous propose pas un, mais deux titres de Joe Gordon tirés de ce disque, "Mariana" et "A song for Richard".  



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