Joseph
Henry Gordon, plus connu sous le nom de Joe Gordon (1928-1963) est un
trompettiste bop qui n'a vraiment pas eu de chance... Ayant joué aux côtés de
Lionel Hampton, Art Blakey, Charlie Parker, Dizzy Gillespie (notamment dans son
grand orchestre de 1956) et Shelly Manne, Joe n'a jamais réellement percé. Pire
au moment où il allait le faire, il mourait dans un incendie... Il avait alors
trente-cinq ans. Le trompettiste venait d'enregistrer une galette tout à fait
recommandable (AWAKENING!!) aux côtés de l'obscur mais néanmoins génial saxophoniste
Jimmy Woods qui semblait être son partenaire idéal. Le saxophoniste alto qui
n'enregistrera lui-aussi que deux galettes pour le compte du fameux label West Coast
Contemporary Records, est d'ailleurs présent dans LOOKIN' GOOD, session
surprenante à plus d'un titre : répertoire d'une fraîcheur non négligeable et
entièrement composé par le trompettiste, alternant balades savoureuses et
morceaux pêchus, une sonorité lumineuse à la trompette, une présence, un
sentiment de vécu à nul autre pareil.
Alors,
bien sûr, cette session studio de juillet 1961 n'est pas révolutionnaire en soi
(contours hard-bop essentiellement), mais la sincérité des interprètes est
telle qu'il serait idiot de passer à côté, surtout si l'on aime un jazz
roboratif et inattendu (entendez par là que le quintette de cette session
studio ne cesse de repousser les limites du hardbop, un peu à la manière de
Sonny Simmons et Ornette Coleman). Aussi, ce disque constitue un document assez
exceptionnel dans la mesure où le trompettiste signe là son dernier disque en
leadeur. A ses côtés, outre Jimmy Woods au sax alto, l'on trouvera Dick
Whittington au piano, Jimmy Bond à la contrebasse, et Milt Turner à la
batterie.
Le
répertoire est exemplaire. Et si lors d'une première écoute, le sentiment de
surprise est plutôt limité (le collectif rappellera par moments le quintette de
Miles, notamment dans "A Song for Richard", thème au cours duquel Joe
utilise la sourdine), c'est au fil d'écoutes répétées que l'on mesurera toutes
les nuances, l'originalité du contenu, le travail personnel de ces musiciens
exceptionnels ainsi que leurs qualités d'improvisateur. Rien que pour ce
dernier thème, "Diminishing", où Jimmy Woods (photo ci-contre), bien qu'ayant un son
très personnel, évoquera les prises de risque d'un Ornette Coleman ou d'un
Sonny Simmons, l'on ne passera pas à côté. C'est à ce point ravageur,
indispensable et surtout magnifique. Le disque ne tombe jamais dans le hard-bop
conventionnel que l'on pouvait trouver parfois à cette époque... Et l'on se
dit, à l'écoute de pièces comme "Diminishing" ou encore cette balade
de toute beauté, "Heleen" (évoquant la grâce féminine), ce qu'aurait
été la carrière de ce trompettiste, si le destin ne l'avait pas rattrapé de la
sorte. Humour et clins d'yeux au blues sont également au rendez-vous : il
suffit d'écouter ce thème en 3/4, "Non Viennese Waltz Blues",
sacrément réussi. La rythmique est super bien huilée (magnifique soutien du
pianiste et de la paire rythmique). Alors bien sûr les compositions ne sont pas
aussi inoubliables que dans une galette comme Kind of Blue ("Co-Op Blues",
"You're The Only Girl in the Next World for me"), mais l'on se
souviendra longtemps de ces pièces aux intonations à la fois mélodiques et obliques,
lorgnant légèrement vers un jazz avant-gardiste de bon aloi. Des choix loin
d'être formels et loin d'être réduits à un hard bop médiocre. Plus qu'une
curiosité donc.
1.
Terra Firma Irma 7:44
2.
A Song For Richard 5:03
3.
Non-Viennese Waltz Blues 4:13
4.
You're The Only Girl In The Next World For Me 4:02
5.
Co-Op Blues 5:58
6.
Mariana 4:10
7.
Heleen 4:03
8.
Diminishing 5:07
Et mesdames et messieurs, la direction du Déblocnot ne vous propose pas un, mais deux titres de Joe Gordon tirés de ce disque, "Mariana" et "A song for Richard".
cela doit être un bon album compte tenu de sa date de parution !
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