Même
si à 87 ans, le baryton allemand s'était retiré des scènes et podiums de chef
d'orchestre, pour beaucoup il reste une figure emblématique de l'art lyrique du
XXème siècle au même titre que Katleen
Ferrier (dont nous célèbrerons cette année le centenaire), Elisabeth Schwarzkopf, Maria Callas ou Luciano Pavarotti.
Né
dans un milieu ouvert à la musique (un de ses ancêtres a été le commanditaire
de la cantate profane "des paysans" évoquée le 1er avril), le jeune homme
témoigne dès 1942 des dons
exceptionnels. Enrôlé puis fait prisonnier en Italie pendant la tourmente de la
guerre, il chante Brahms pour distraire
ses compagnons d'infortune. Il avait donné son premier concert en 1942 pendant
un bombardement sur Berlin avec au programme "le voyage d'hiver" de Schubert. Schubert déjà, le maître du lied
qui ne sera jamais si bien servi en concert ou au disque que par Dietrich
Fischer-Dieskau.
En
1951, la rencontre avec Wilhelm Furtwängler est le début d'une
consécration qui va s'étendre sur un demi-siècle. Subjugué par la voix chaude,
aux accents profondément humains du chanteur, le chef va lui proposer d'interpréter
Mahler (Chants d'un compagnon errant),
le Requiem
Allemand de Brahms, Tristan et Isolde de
Wagner, et les passions de Bach. Les compositeurs de prédilection
sont déjà présents : Mahler et Brahms pour le lied, Wagner et Bach pour l'opéra
et l'oratorio.
Son
répertoire était immense et sa discographie sans équivalent. Il sera le premier
à enregistrer l'intégrale des lieder de Schubert pour Dgg dans les années 60,
une référence. Tenter d'énumérer ses rôles marquant à l'opéra défit la taille
de cet hommage : Wagner, Verdi, Berg et tant d'autres. Il arrêta sa carrière de chanteur en 1996. Sa carrière de chef d'orchestre,
moins connue, est pourtant remarquable et j'ai en projet de commenter ses
enregistrements wagnériens avec son épouse
Julia Varady, elle-même
soprano de premier plan.
Le
chanteur avait une conception intime de l'expression à donner à une
interprétation. Il ne voulait pas être un "instrument" vocal plus ou
moins virtuose au service exclusif des chefs d'orchestre. J'adore une anecdote.
Lors de l'enregistrement de "La Passion selon Saint Matthieu" de Bach
sous la baguette sans concession d'Otto Klemperer,
le chanteur voulut contester le tempo choisi par le maestro. Connaissant son autoritarisme,
il l'aborda par l'humour "Maître, cette nuit, en rêve j'ai rencontré Dieu qui a
confirmé que mon tempo était préférable". Klemperer surpris
d'une telle audace décide d'y réfléchir. Le lendemain, il appelle le jeune
baryton. "Mon
cher Dieskau, cette nuit, en dormant, j'ai rencontré Dieu et c'est étrange, Il
m'a dit ne pas vous connaître…".
Qu'ajouter
de plus à ces quelques lignes, citer Dietrich Fischer-Dieskau lui-même : « L'important est
de découvrir la musique à travers les musiciens, et non les musiciens à travers
la musique. »
Deux
vidéos en diront beaucoup : Le lieder avec Orchestre "Ich bin der Welt abhanden gekommen"
de Gustav Mahler (sans doute le plus bouleversant jamais écrit) enregistré en
1964 avec la philharmonie de Berlin dirigé par Karl Böhm. Puis Schubert, évidement, un extrait du "Voyage d'hiver" accompagné
au piano par rien moins qu'Alfred
Brendel" !
XXXX
un souvenir de Dietrich Fischer Dieskau dans une des meilleurs version des Carmina Burana dirigé par Eugène Jochum et Gundula Janowitz ainsi que dans une version de Electra de Richard Strauss et des lieder de Hugo Wolff
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