jeudi 5 janvier 2012

GENESIS - "Duke" (1980) - par Vincent The Chameleon

Ouvrons tout grand... Nos oreilles.


D'abord dans la forme. 
En me replongeant tout récemment dans quelques-unes des œuvres de GENESIS, j'ai réalisé que, outre la diversité de sa musique, le nom du groupe n'y apparaissait jamais sous une typographie identique d'un disque à l'autre. Choix délibéré ou non de sa part, toujours est-il que cette soudaine observation a presque été comme une révélation quant à la direction artistique voulue par le groupe à chaque instant donné de sa carrière. Comment vous dire ?
C'est comme si ce changement de typographie d'un album à l'autre était une signature en soit. Car plutôt que de choisir le titre de leur dernier album en date afin de nous guider et/ou nous orienter, le groupe cherchait à nous rappeler à chaque fois le message suivant: "Ce nouveau disque est encore différent du précédent, mais Genesis c'est aussi ça: A chaque fois différent"
Duke en atteste, aussi hypothétique soit mon observation. D'autant que ce disque est encore plus en rupture avec ce que le groupe avait alors produit jusque-là. C'est une évidence à son écoute, GENESIS ouvre les années 80' avec fracas. Ce dixième album est aussi celui qui permettra aux trois anglais de rentrer pour la première fois de leur carrière dans les charts avec deux Singles : "Turn it on Again" et Misunderstanding"
Quand on aborde une œuvre dans sa globalité (au diable donc le téléchargement et le support en MP3), illustrations, pochette, tout tient pour moi d'un seul tenant avec la musique. Aussi, celle-ci (l'illustration), sous son apparent minimalisme, nous en apprend finalement beaucoup plus que l'on pourrait le croire. D'abord, les dessins du livret continuent de me faire énormément penser aux illustrations d'Antoine de Saint-Exupéry. Celles qui figurent dans "Le petit Prince".
Celle qui orne la pochette nous montre un gros bonhomme de dos regardant à travers une fenêtre toute grande ouverte. Ne serait-ce point-là la symbolique d'un groupe qui aurait décidé de tourner le dos à son passé, s'ouvrant la possibilité de voir son avenir autrement, et peut être bien en grand... Voir même en très très grand ? D'autre part, GENESIS nous laisse aussi à notre imaginaire. Entre un ciel bleu (comme le jour) et un croissant de lune (la nuit) en guise de projection de leur vision du futur, l'incertitude demeurera...  Autant de notre côté que de celui du groupe.

Et dans le fond...

Dès l'intro de "Behind the Lines" on constatera assez vite que jamais la batterie de Phil Collins ne se sera illustrée de façon aussi écrasante. Son jeu, en apparence plus épuré, semble s'être décuplé à chacun des coups qu'il porte à son instrument. On pourrait même dire que la force avec laquelle Phil conduit ses rythmes est par endroit quasi tribale. Un peu plus loin, quand retentira "Man of our Times", le constat se fera à l'identique. C'est dru et dur. La production remarquable de Hugh Padgham allant également dans ce sens.
A l'écoute de Duke, on ressent instantanément que quelque chose (un événement) a dû se passer au moment d'entamer son écriture. Pendant ou juste avant... Qu'importe. Et c'est bien sûr le cas. La séparation d'avec sa première femme, Phil l'aura vécu si douloureusement qu'elle s'entend presque sur chacun des 12 titres, et durant 55 minutes. La colère, la tristesse, la détresse, bref, tout ce que peu engendrer une perte (de quelle nature qu'elle soit), ce disque le traduit presque continuellement. Dans ses textes avant tout.
Ainsi Duke oscille-il entre sombres mélancolies (l'interlude "Guide Vocal", "Alone Again", "Please don't Ask") et une agressivité à peine contenue d'un titre à l'autre ("Man of our Times", "Turn it on Again", "Cul de sac", "Duke's Travels"). Une agressivité que l'on retrouve d'abord (comme pour les textes) dans les vocaux de Phil. Voilà une composante de son chant qu'on ne lui connaissait pas jusqu'alors. L'album Hard de GENESIS ? Certains l'ont affirmé, mais n'exagérons rien !
Si comme toujours, Tony Banks se montre une nouvelle fois très inventif derrière ses claviers, la richesse de ses mélodies et de ses thèmes sont également accentués par un touché bien plus marqué qu'à l'accoutumée. En d'autres termes, ses accords sont ici bien plus francs et appuyés. D'autre part, cette cohésion d'ensemble est aussi matérialisée (parfois) par un fondu d'un titre à l'autre. Cette absence de temps mort entre deux morceaux, renforce encore d'avantage cette impression d'ouvrage fait d'un seul bloc. Ainsi, l'unité, la symbiose qui émane entre les trois musiciens n'ont peut-être jamais été aussi flagrantes que sur ce disque. Il en résulte une écriture sans doute plus immédiate qu'auparavant, loin cependant de la pauvreté et des facilités auxquelles nombres de formations (plus ou moins éphémères) s'adonnèrent durant ces "synthétiques" et souvent indigestes années 80. Quoi qu'il en soit, entre la mouvance Punk d'un côté et la froide New Wave de l'autre, de ce GENESIS là, la presse spécialisée n'en aura pas voulu non plus. Musique pompière disaient-ils alors.
 A son écoute, Duke est pourtant une de ces œuvres qui aura su traverser le temps durablement, malgré les dires de tous ses détracteurs. Tous les albums, même les plus "cultes", ne traversent pas forcément les ans avec autant de panache. En atteste Abacab (qui n'est pas culte lui). Un album qui succédera pourtant à Duke seulement 1 an plus tard. 

Quand j' vous disais que GENESIS n'avait jamais fait deux fois la même chose... Écoutez-les et vous verrez !
Vidéos
Video "Turn it on Again".    &      "Please don't Ask".  
XXXX





à lire également, la chronique du triple DVD: triple-dvd-genesis-when-in-rome-2007

13 commentaires:

  1. Big Bad Pete5/1/12 12:36

    Réflexion d'un intégriste gabrielain...
    "Genesis s'est arrêté après "The lamb lies down on Broadway". Point.
    Pour une oeuvre ambitieuse, riche et variée, prière de suivre l'Ange Gabriel. Amen !"

    ... ce qu'il peut être borné, ce BBP...

    :oD

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  2. Ben oui mais alors si je suis ton raisonnement (honorable) Big Bad Pete, Deep Purple est mort suite au départ de Blackmore, AC/DC après la mort de Bon Scott, Pink Floyd après le départ de Roger Waters, tout comme Toto après la disparition de Jeff Porcaro, etc...
    Une chose est sûr en pareil cas: La suite est forcément différente, mais pas forcément mauvaise ou moins bien. Juste différente.
    Ah ! Ces puristes !

    Le Chameleon.

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  3. Certains prétendent même que Pink Flyod est mort au départ de Syd Barret... c'est dire ! Et d'autres que le rock est mort quand Elvis est parti au service militaire !

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  4. P... et tous les miens qui sont morts depuis 10 ans, 50 ans, 100 ans, etc. jusqu'à la nuit des temps, Babylone compris.... Mon CD le plus ancien restitue des musiques de -500 avant JC à partir de manuscrits hébraïques et de bas-reliefs de l'époque..........

    2012 : année musique contemporaine NA !!

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  5. Big Bad Pete6/1/12 11:38

    Ben... Deep Purple après "Stormbringer", c'était plus vraiment ça... Et la reformation 80's a été trèèèèès decevante.
    Depuis 10 ans et quelques, ya Steve Morse qui enterre le père Blackmore, certes, certes. Mais le groupe, lui, qu'a-t-il proposé comme compos digne de ce nom ? ...RIEN !

    Bon Scott contre la Grenouille à Casquette : euh... ya pas photo ! D'un coté, ya un chanteur classieux, une espèce de Rod Stewart tombé dans la même fosse à déchets toxique que le Joker de Batman. De l'autre, ya un piailleur-râleur-hurleur...

    Toto s'est bien mieux maintenu.

    Pink Floyd après "The Wall" ne s'en est pas remis, Waters ou pas... "Final Cut" est à moitié excellent/moitié nul. "Momentary lapse of reason" réjouissant car ils revenaient, mais artistquement faiblard. "Division Bell" est très moyen...

    Pour en revenir à Genesis, quand ils se sont retrouvés à 3, c'est devenu peu à peu "PHIL COLLINS and..." Plus aucun rapport avec l'époque Gab' qui était très ambitieuse.
    Et quand on s'appelle Collins, Banks et Rutherford, après "Nursery Crime" + le reste, faire des albums de variétoche, ça me fait mal au coeur !!!

    Peter Gabriel a su mêler les hits commerciaux comme "Sledgehammer" tout en gardant sa face expérimentale. J'apprécie sa démarche.

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  6. Big Bad Pete6/1/12 11:41

    Conclusion : des gens comme R.E.M. qui s'arrêtent avant de décliner sont bien plus dignes !!!

    Genesis aurait du changer de nom, et là, aucun souci pour le "PIG", le Parti des Intégristes Gabrielains.

    :oD

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  7. Oh oui ! Oui ! Que c'est bon ! Ha, la polémique, surtout dans le milieu culturel, fait toujours couler de l'encre.
    Hé !? Z'avez vu ? Doro est remontée sur scène ; mais sans les Musclés.

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  8. Bon sinon, au sujet du Pourpre je rejoins l'avis de Big Pete. Après Stormbringer, une partie de sa magie a disparue. Cela n'enlève rien au fait que leurs concerts sont encore bons (du moins jusqu'en 2008), et que certains albums avec Steve Morse soient bons.
    Précisons que Steve Morse a toujours voulu respecter les soli de Blackmore (qu'il admire), et s'octroyant de temps à autres une part d'impro toute personnelle.

    AC/DC ? N'oublions pas "Back in Black" qui demeure un de leurs meilleurs albums. Par contre le formidable "Live At River Plate" laisserait croire que "Brian la Casquette" (ancien surnom) s'améliore avec le temps.

    Pink-Floyd ? Ils ont fait d'autres trucs après Wish You were here ?

    Et Yes ??

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  9. Il y a forcément un peu de vrai dans tout ce que chacun a dit sur untel et untel. L'influence croissante de Collins dans Genesis est par exemple indéniable. Sur une oeuvre telle que celle ci, on est cependant loin des dérives artistico/commerciales des albums comme "Invisible Touch" et "We can't Dance".

    Quant à AC/DC, leur "Back in Black" reste une bombe (mais nous en reparlerons), tandis que des albums tels que "For those about to Rock" et/ou "The Razor's Edge" demeurent également des albums inspirés. Qui me plaisent en tout cas.

    Bruno: Le vrai surnom du Brian était "la casquette... Hurlante".

    Pour un revenir au cas Genesis, je reste toujours surpris, aujourd'hui encore, de ce perpétuel rapport amour et haine qui continuera (lisiblement) d'être entretenu de la part des fans de ce groupe. Mais quelle est la définition exact d'un Fan de Genesis au juste ?
    Les débats ne sont donc pas près de s'arrêter. Mon prochain com risque d'en susciter un nouveau (de débat). J'en ri d'avance.

    Le Chameleon.

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  10. A la liste de BBP, je rajouterais Def Leppard après la mort de steve Clark.
    Joe Strummer ( après l'éviction de Topper):
    "Ça a été le début de la fin. Un groupe est avant tout la combinaison chimique des membres qui le composent. Remplaces-en-un, n'importe lequel, par un bonhomme ou dix bonhommes, ça ne marchera jamais.Ça tient un peu du miracle. Aucun scientifique ne pourra jamais l'expliquer, et c'est tant mieux."
    Rien à ajouter...

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  11. la liste des groupes dont l'alchimie créatrice s'est brisée suite au départ ou au décès d'un des membres est longue...:
    -America (sans Dan Peek)
    -Asia (sans John Wetton)
    -Bad Company (sans Paul Rodgers)
    -Beach Boys (sans Brian Wilson)
    -Blue Oyster Cult (sans Albert Bouchard)
    -Chicago (sans Terry Kath)
    -The Doors (sans Jim Morrison)!!! si, si ils ont sortis 2 albums (Other Voices en 1971 et Full Circle en 1972.
    -Free (sans Andy Fraser)
    - Elton sans Bernie
    -Marillion (Sans Fish)
    -Journey (sans Steve Perry)
    -Les Stranglers (sans Hugh Corwell)
    -Supertramp (sans Roger Hodgson)
    -Les moules (sans la frite et les bières)

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  12. Merci pour ce commentaire. En effet j'ignorais l'existence de cet album de George Duke, titré "Genesis". Je vais me le procurer de ce pas. Fritz

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  13. La combinaison chimique, ce truc indéfinissable que l'on nomme l'alchimie. C'est tout a fait ça Peter. Et je persiste à dire que celle qui aura uni les 3 de Genesis aura permis la réalisation de quelques très bons albums. Qui n'ont évidemment rien à voir avec ceux de l'ère Peter Gabriel. Cela s'appliquera également pour une formation telle que Marillion. Ces deux formations n'ont jamais recherchée à donner l'illusion que "après" tout serait comme avant. Après un départ, une perte, rien n'est plus jamais comme avant. Normal ! Mais est-ce nécessairement moins bien ? Différent, ça c'est inévitable.

    Le Chameleon

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