Huitième disque studio pour David Gogo, qui reste un second couteau en dehors de son Canada natal, où il a été récompensé de deux Maple Blues Awards et d'un West Coast Music Awards. Pourtant, indéniablement, c'est un artiste talentueux, à la fois bon compositeur, interprète, chanteur et guitariste, qui s'est toujours abstenu de partir dans les travers d'un Blues-rock ampoulé, ou encore de jouer le guitar-hero égocentrique délivrant sans discontinuer des soli stériles. Il mériterait d'être plus médiatisé.
De plus, force est de reconnaître que depuis une dizaine d'années, i.e. depuis « Halfway to Memphis » (2001), David offre des albums de premier choix, incontournables pour l'amateur éclairé de Blues-Rock. Et ce « Soul Bender » ne déroge pas à la règle.
Avec « Soul Bender », David renoue avec ses habitudes pré- »Vibes » (soit avant 2008) consistant à inclure de nombreuses reprises dans ses albums. Cependant, comme auparavant, une des qualités de ce monsieur, c'est qu'il ne se contente pas (comme le font tant d'autres) de reprendre des classiques éculés du patrimoine de la musique afro-américaine, des scies maintes fois rabâchées - pour assurer ses arrières ou justifier son appartenance au genre - ou encore par manque d'inspiration. Non, le gaillard aime prendre des risques.
Il lui est même arrivé d'aller titiller la sensibilité des puristes en allant piocher des compositions de prime abord plutôt étrangère au genre, mais dont il a décelé une trame Blues qu'il exacerbe, car David a l'art et la manière de les associer sans douleur à son répertoire Blues-rock.
Précédemment, il y avait eu « Personal Jesus » (de Depeche Mode sur le disque "Skeleton Key" en 2002) et « Gold » (de John Stewart sur "Different Views" en 2010), il y a maintenant « The Way You Make Me Feel » du petit Michael, qu'il a libéré de tous ses oripeaux (de la chanson, pas du bonhomme) pour en faire ressortir toute sa sève Soul (à la poubelle les synthés, les boîtes à rythmes, et les « Yyyhiiie » genre « j'm les suis coincées dans la braguette » en pas virile du tout), en la parant d'un Blues cuivré à la BB King ; fameux. Et aussi « The Changeling » des Doors (mais ce dernier est bien plus évident) dans une version plus hargneuse.
En plus classique, « Please Find My Baby », du grand Elmore James, fait feu de tous bois en ouverture, avec cette slide névrosée qui mitraille à vue, mais avec "classe et tenue", avec du style. En reprenant quelques licks endémiques.
Par contre, « I Found A love » de Wilson Pickett, qui, malgré une bonne interprétation, est un peu poussif ; les choeurs finissent par être quelque peu redondants. Il en est de même pour la version de "Whiskey Train" de Procol Harum (ère-Robin Trower, of course) qui permet au passage de rappeler que l'univers de ce groupe ne se limitait pas au mythique « Whiter Shade of Pale ». La cover est bonne, même si un peu, cette fois-ci, scolaire, cependant la minute supplémentaire, rajoutée pour rendre hommage au style particulier de Trower, développé lors de sa carrière solo dénote avec le reste du disque ; elle donne l'impression que, une fois n'est pas coutume, David en fait trop. Comme un exercice de style, dans lequel d'ailleurs, étonnamment, David brille bien moins qu'un Vince Converse ou qu'un Richie Kotzen.
Quid des propres compositions de Gogo ? Et bien, elles n'ont certainement pas à rougir à côté des excellentes reprises d'Elmore James et de Jackson. Au même titre, elles figurent dans le haut du panier. Et on y inclut celle de son pote Wyckham Porteous (« Was it Love »). Hormis le superbe Soul-blues « Time is killing Me », David a écrit de purs titres de Heavy-boogie-blues-rock remuant et cossu, pourvus de soli concis et ébou-riffé. Un régal.
Certaines âmes pointilleuses pourront reprocher une production plus brute, un peu plus compressée, ramassée, moins clinquante que précédemment. Un choix (?) nécessaire pour une atmosphère plus roots, enfumée, mais qui certes manque un tantinet de dynamique.
Finalement , le petit point faible de "Soul Bender" n'est constitué que des covers de Pickett et Procol Harum, qui ne sont pas des catastrophes non plus.
David Gogo vient d'être nominé pour les Maple Blues Awards 2012 au titre de meilleur guitariste de l'année et pour le « Electric Act of The Year ».
Il n'y a pas de réel surprise. C'est amplement mérité. Pourtant, malgré les efforts du label Dixiefrog, il demeure chez nous un inconnu.
Le patronyme de David générant peut-être un peu une réticence infondée aux auditeurs potentiels.
Le patronyme de David générant peut-être un peu une réticence infondée aux auditeurs potentiels.
Autre article : "Come On Down" (2013)
Article paru initialement dans la revue BCR,
n° 27 de Décembre 2011
Je pense que le monsieur a une Greg Bennett : http://www.gregbennettguitars.com/tr2.html
RépondreSupprimerMerci Pete. Je ne connaissais pas. Et vu que le bonhomme à l'air d'aimer les belles guitares, je présume que cela ne doit pas être de la daube.
SupprimerC'est correct vu le prix... On en a pour son argent...
RépondreSupprimerGreg Bennet est un luthier américain et cette série est faite en collaboration avec Samick, un constructeur coréen.
Avec Cort, c'est l'autre grand industriel du pays, ils sont sous-traitants de Fender, Ibanez, Epiphone, Jackson, ESP-LTD, etc...
Voici la ligne de guitare 100% américaine faite par Mr Greg : http://www.gregbennettguitars.com/electricportal_usa.html
Encore un bon! il faut écouter son album live "Dine Under The Stars" paru en 1998 chez Dixiefrog, c'est jubilatoire!
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