mardi 31 janvier 2012
TIA and the Patient Wolves "travelin' with my guitar" (2011) par Rockin-jl
LE BLUES DES VOLCANS
Second album pour Tia Gouttebel, une jeune chanteuse guitariste française, et -vendons la mèche de suite-, une belle réussite et un vrai coup de cœur pour moi. Déjà j'adore la pochette, la "travelin' girl", son scooter old school et sa gratte rouge assortie, superbe et à l'image du contenu ;pas de doute, et je suis pas le premier à le dire sur ce blog, qu'est ce qu'on perd en âme avec le téléchargement ! (scusez moi, suis un vieux c**, on se refait pas..).
Bon c'est bien beau une pochette, mais ça n'a jamais fait la qualité d'un disque alors parlons en un peu. Mais un mot d'abord sur la miss qui a déjà une sacré expérience de la scène puisque depuis une dizaine d'années elle parcours les festivals en France mais aussi en Europe et jusqu'à la lointaine Amérique. Elle fut remarqué en 1999 par le bluesman louisianais Larry Garner en tournée avec le Chicago Blues festival, et elle eu la chance de jammer avec lui durant ses tournées en Europe jusqu'en 2001, une belle expérience et l'occasion de se perfectionner au contact de grands musiciens avant de former son propre band.
Sur ce nouvel album elle est accompagné de Cedric le Goff (orgue Hammond), Denis Agenet aux drums, à la basse de Miguel Hamoum et Yann Renoul, et cerises sur le gateau , d'un sax (Freddy Pohardy Riteau) et d'un harmonica (Thomas Troussier). J'ai pu lire ici ou là qu'elle jouait du Chicago blues, je ne suis pas vraiment d'accord, si le blues est bien sur la base il est plus subtil, plein de vibrations rythm'n'blues voir jazzy, et la voix sonne bien soul par moment, plus un son de guitare bien à elle; le tout donnant un superbe album à l'ambiance envoutante.
Album dans lequel on retrouve 8 reprises et 3 compos mais qui a une vraie unité de son, les reprises étant arrangées à sa sauce. Mais assez causé, suis bavard je sais, on se l'écoute ce skeud, et on commence par "Eight men four women" signé Deadrick Malone (en fait il s'agit de Don Robey, le patron du label Peacock Records, un titre de 1967 qui fut chanté entre autres par Little Milton et O.V. Wright) entre blues lent et soul, avec un sax du plus bel effet. Belle entame confirmé par "Volcano girl" de Tia, 5 minutes de bonheur, guitares cristallines, riff lancinant, un harmo discret mais efficace, et des paroles savoureuses (I came from a land of mountain, volcano and lakes- a wonder of nature where the ground can turn into hell- it makes me loose my self control- cause it's running through my veins- I have it all in me, call me Volcano girl), savoureux quand on sait que la demoiselle est de Clermond Ferrand...Et le volcan s'embrase dès le 3ème titre avec le "Pretty Thing"de Bo Diddley (signé Willie Dixon), avec les tremblements de terre du "Bo Diddley beat", soutenue par les percus et l'harmo, une version tout en finesse. Après les volcans , on voyage sur la lune avec "I came on the moon", joli blues chaloupé très élégant avant "I gonna tell them", de Kenneth Dorman, un rythm'n'blues avec là aussi une rythmique à la Bo Diddley, du sax et un beau solo de guitare.
Pas à dire, le blues c'est le pied....
Photos Eriv V.R. prises au Beautiful swamp blues festival de Calais (2011). Avec mes remerciements. Vous pouvez retrouver Eric sur l'excellent "Blues alive 76": bluesalive76.blogspot.com
"It's your only fault" nous amène dans le West side de Chicago, normal il est l’œuvre du grand Sam Maghett, plus connu comme "Magic Sam", c'est sympa ça car il est un peu oublié et peu reprit, pourtant il fut l'égal des Otis Rush, Jimmy Dawkins ou Buddy Guy, mais décédé prématurément en 1969. Tiens Otis Rush le voici justement avec "Keep on loving my baby", un Chicago blues assez festif avec sax et encore un beau solo. On se détend ensuite avec un titre soul/jazzy, "Something you got" de Chris Kenner, un chanteur de la Nouvelle Orléans, reprit déjà par Sringsteen ; puis "Tough lover"de la regrettée Etta Jame, un titre soul bien rythmée, disons même un rock fifties dansant. N'allez pas me pinailler sur la voix, évidement Tia n'est ni Etta, et a encore moins le coffre de Koko Taylor, et ne cherche pas du tout à les copier, mais elle est fort agréable, et assez sensuelle sur les titres plus soul. "Livin together", compo perso, est un blues classique qui met l'harmo en vedette avant le final, "I'll go crazy"de Mister JB (James Brown). Avec James Brown, malgré les origines de Tia, il ne faut pas s'attendre à de la bourrée auvergnate mais à du bon gros rythm'nblues avec sax et choeurs, agrémenté d'une descente de guitare de derrière les fagots.
Déjà fini? bon, je le remets..
Voila une bien belle autoproduction, que vous pourrez vous procurer ici: tiablues.com
et demi
"Volcano girl":
lundi 30 janvier 2012
THE JAYHAWKS - " Mockinbird Time" (2011) par Philou
Le retour...
Après-pas mal d'années d'absence, les JAYHAWKS sont de retour. Sans doute le succès de leur anthologie ("Music From the North Country") sortie en 2009 et les rééditions de leurs albums en version Deluxe, leur ont donné certainement l'envie de reprendre le chemin des studios.
Il aurait probablement été assez facile pour Gary Louris et Mark Olson pour ce nouvel album, d'enregistrer une suite semblable à leurs chef-d’œuvre sortis au début des années 90, à savoir, les deux albums cultes "Hollywood Town Hall" et "Tomorrow The Green Grass". Au lieu de cela, "Time Mockingbird", prend en compte 15 années d' évolution musicale de la part des deux compositeurs. Gary Louris à exploré les contrées dorées de la "Power Pop", tandis que Mark Olson s'est isolé dans son ranch et a continué son aventure en solo, au frontières du folk et de la country-music.
Les deux hommes s'étaient déjà retrouvé ensemble en 2009 pour l'album "Ready For The Flood" produit par Chris Robinson (Black Crowes), mais là, la fabuleuse équipe se retrouve enfin au complet ...... et évidemment tout le monde se demande si ces retrouvailles vont être à la hauteur de l'attente ???
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Mark Olson & Gary Louris |
Et bien, la réponse est non !!! Après avoir écouté de nombreuses fois le huitième album du groupe de Minneapolis, je reste sur ma faim et c'est finalement la déception qui l'emporte.
Bien qu'il soit certainement un album assez agréable à écouter, on est bien loin de la qualité de "Hollywood Town Hall" ou de "Tomorrow The Green Grass".
Pourtant, l'album commence de fort belle manière avec "Hide Your Colors", une guitare sinueuse, des harmonies vocales parfaites, le genre de morceau que les Jayhawks ont perfectionné et mis au point pendant de longues années. Les choses vont encore s'améliorer avec "Closer To Your Side". Soutenu par un chœur robuste, un pont engageant et un univers qui nous rappelle l'ambiance du Laurel Canyon (haut lieu de la contre culture à Los Angeles pendant la fin des années 60 et le début des 70), ce titre est représentatif de ce que les Jayhawks peuvent nous offrir de meilleur en ces années de disette musicale.... la chanson suivante, "Tiny Arrows" avec ses touches délicates de piano et ses influences à la C,S,N & Y, est tout simplement belle, intemporelle et quasi parfaite.
La chanson "She Walks In So Many Ways" revisite le paysage musical de l'album "Rainy Day Music" et nous offre un single joyeux et sympa. Malheureusement, il est suivi par le décevant "High Water Blues", un morceau de cinq minutes qui se traine complètement de travers entre le superflu et le banal. Le titre suivant "Mockinbird Time", essaye tant bien que mal de relever le niveau, mais n'arrive pas vraiment à nous transporter avec ses notes de piano mélancoliques...
Bien qu'il soit certainement un album assez agréable à écouter, on est bien loin de la qualité de "Hollywood Town Hall" ou de "Tomorrow The Green Grass".
Pourtant, l'album commence de fort belle manière avec "Hide Your Colors", une guitare sinueuse, des harmonies vocales parfaites, le genre de morceau que les Jayhawks ont perfectionné et mis au point pendant de longues années. Les choses vont encore s'améliorer avec "Closer To Your Side". Soutenu par un chœur robuste, un pont engageant et un univers qui nous rappelle l'ambiance du Laurel Canyon (haut lieu de la contre culture à Los Angeles pendant la fin des années 60 et le début des 70), ce titre est représentatif de ce que les Jayhawks peuvent nous offrir de meilleur en ces années de disette musicale.... la chanson suivante, "Tiny Arrows" avec ses touches délicates de piano et ses influences à la C,S,N & Y, est tout simplement belle, intemporelle et quasi parfaite.
La chanson "She Walks In So Many Ways" revisite le paysage musical de l'album "Rainy Day Music" et nous offre un single joyeux et sympa. Malheureusement, il est suivi par le décevant "High Water Blues", un morceau de cinq minutes qui se traine complètement de travers entre le superflu et le banal. Le titre suivant "Mockinbird Time", essaye tant bien que mal de relever le niveau, mais n'arrive pas vraiment à nous transporter avec ses notes de piano mélancoliques...
The Jayhawks Live |
Les Jayhawks, c'est clair jouent la tradition et s'inscrivent directement dans un héritage typiquement américain, mais sur cet album ils sonnent tout simplement fatigués.
Ils tentent de titiller le "Loner" sur "Stand Out In The Rain", mais n'arrivent même pas à la cheville de ce bon vieux Neil....et ce n'est certainement pas la poussiéreuse chanson "Cinnamon Love" un soit-disant clin d’œil à "Cinnamon Girl" qui me fait changer d'avis !
Pourtant avec "Guilder Annie", les Jayhawks nous prouvent que, quand ils le veulent, ils peuvent composer des chansons de qualité, une chose que, très peu de leurs rivaux peuvent égaler.
Mais encore une fois, la bande trébuche maladroitement sur "Black Eyed Susan", une chanson qui se traine en longueur, avec un violon langoureux qui voudrait rivaliser avec celui de Scarlet Rivera sur le "One More Cup Of Coffee" de Bob Dylan. Mais finalement, la mélodie n'est jamais sûre de ses intentions et n'arrive pas à nous charmer.
Et puis, comme pour essayer de se faire pardonner, le groupe termine l'album avec deux bons titres. Le sobre et simple "Pouring Rain", qui est un rappel pour nous prouver qu’une guitare acoustique et de très belles harmonies vocales, suffisent à créer une belle chanson.
L'album s'achève avec "Hey Mr. Man", une morceau nerveux et nuancé qui laisse l'auditeur perdu dans ses pensées et qui regrette la recette originale des Jayhawks, une recette unique, dont les ingrédients clés étaient l'harmonie et la manière dont les voix de Gary Louris et Mark Olson étaient savamment mélangées.
C' était une friandise sucrée-salée avec un arrière goût de mélancolie .....et malheureusement en dégustant avec grande attention cet album, je n'ai trouvé que très rarement cette saveur...
Labels:
Folk / Country,
Philou
dimanche 29 janvier 2012
MARC TRILLARD "DE SABRES ET DE FEU" (2006) par Luc B.
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Marc Trillard |
Avec DE SABRES ET DE FEU, Marc Trillard poursuit son évocation du voyage et du déracinement. Nous avions déjà évoqué cet auteur (lien : cliquez ici ) avec ELDORADO 51 (une famille française abandonne sa station-service et s’exile au Paraguay pour vivre de l’élevage) et CAMPAGNE DERNIERE (un médecin s’envole pour une île africaine et prend la tête d’une rébellion contre le nouveau préfet), et les thèmes développés dans ce roman ne sont pas éloignés des précédents. Cette fois Marc Trillard pose son regard sur les gens du voyage, les tziganes.
L’action se déroule dans le sud de la France, à Ginestous, à l’été 2003. En pleine canicule, cette petite commune voit débarquer des familles entières de roms, venus saluer une dernière fois le patriarche, Enrique, qui se meurt dans sa roulotte. L’agent municipal chargé du terrain, Bartholomé, s’est fait accepter par ces nomades, en se faisant discret, aimable, en essayant de les comprendre, en se refusant de les juger. L’arrivée d’Augustin, personnage charismatique, et de sa fille Antucha, va définitivement faire basculer Bartholomé, qui prendra parti pour ce peuple d’insoumis, contre la volonté du maire, qui cherche à s’en débarrasser…
Dans les romans pré-cités, Marc Trillard nous emmenait en voyage, à des milliers de kilomètres, dans des contrées arides, et confrontaient des exilés aux éléments naturels et sauvages. Le voyage, ici, n’est qu’une lande de béton, où s’entassent les familles de Tziganes, avant qu’on les reloge manu-militari dans du pré-fabriqué. C’est en faisant le portrait des uns et des autres que le romancier nous fera parcourir l’Europe, sur les traces de ces peuples itinérants. Le soir à la veillée, chacun y va de son histoire, de ses souvenirs, et notamment Augustin, le fakir, le cracheur de feu, l’avaleur de sabres, qui fascine son entourage par ses récits, lui qui n’a jamais cessé de bouger, de faire vivre cette tradition du voyage, quand beaucoup avaient mis leurs caravanes sur calles. Au centre de ce camp, Bartholomé, dit « Barto », le gadjo, brave fonctionnaire, qui travaille dans son algeco, et rentre de plus en plus tard chez lui, au grand dam de sa femme, qui se demande bien ce que son mari trouve à ces gens-là. Barto fait consciencieusement son travail, s’est fait accepter, est invité à boire, à manger, et vient écouter pour la millième fois les histoires du vieil Enrique qui se meurt. Il essaie aussi de faire tampon entre les tziganes et la municipalité. Car le maire ne souhaite pas voir débarquer ces familles venues de nulle part, qui polluent, effraient, gênent, contrecarrent ses plans d’urbanisme. Et alors que l’on vient de loin rendre hommage au doyen, les brigades de CRS commencent à encercler le camp. Barto a une autre raison de prendre fait et cause pour les tziganes. Antucha, fille d’Augustin, tout juste 18 ans, dont la beauté et l’état sauvage l’ensorcelle. Il se voit déjà partir avec elle, tout lâcher, tout abandonner, tout laisser derrière lui, certain qu’avec le temps elle acceptera ce français à ses côtés, et même, qu’elle l’aimera. Elle lui tourne la tête au Barto, cette gitane, qui assiste son père dans ses numéros, envoutant le public de ses danses diaboliques.
DE SABRES ET DE FEU est encore une fois magnifiquement écrit. Chaque phrase semble avoir été ciselée, chaque mot choisi avec soin. Avec ce style bien à lui, qui consiste la plupart du temps à ne pas mettre en exergue les dialogues par des tirets, mais les inclure au texte. L’auteur prend évidemment le parti des gens du voyage. On sait l’admiration de Trillard pour ces peuples, cette philosophie de la vie. Mais sans doute tout est-il blanc ou noir dans ce roman. Ainsi, le maire, personnage forcément détestable, hautain et sans culture. Même lorsqu’il vient saluer la dépouille d’Enrique, touché par l’émotion qui gagne la foule, comprenant soudain le poids des us et traditions de ce peuple. Le tableau est brossé dans un seul sens. Les bons et les mauvais. Du coup, on ne ressent pas les tiraillements de Bartholomé, qui aurait pu nous représenter, nous les lecteurs, mais qui ne représente que l’auteur et son point de vue. On aurait aimé en connaître un peu plus sur cet employé, le voir évoluer dans sa vie (que l’on devine vide de sens en dehors de ses protégés). On aurait sans aimé aussi davantage de romanesque, élément central des précédents romans de Trillard (enfin, ceux que je connais). Autant Trillard écrit toujours à l’économie, va à l’essentiel, sans lyrisme de pacotille, mais avec un souffle puissant, comme si même ce monde était encore trop petit pour lui, autant ici on pourra objecter certaines redondances dans l’évocation magnifiée des gitans. Mais que de passages sublimes, les rencontres tziganes/maire, les soirées autour des brazeros, l'arrivée d'Augustin, et l'ennivrement des foules par ses numéros, et bien sûr, la passion qui dévore ce pauvre Bartholomé.
DE SABRES ET DE FEU nous emmène à la rencontre de personnages entiers, secrets, étonnants. Car il faudra aussi évoquer le vieux docteur Moscowicz, ex-gauchiste, qui a trouvé avec les manouches un nouveau combat à mener contre la bêtise et l’intolérance. Marc Trillard met encore une fois à l’honneur les gens en marge, les sans grade, les rebelles, qu’il oppose à la sécheresse de l’administration, et de l’Etat. Le tout servi par une langue d’une grande richesse, un travail sur les mots et sur le rythme tout à fait captivant.
De Sabres et de Feu (2006)
Le Cherche Midi
samedi 28 janvier 2012
FATS NAVARRO and TADD DAMERON (1947-49) par FreddieJazz
On ouvre délicatement le livret de la pochette et on lit alors les trente-six titres qui composent ce double compact édité par Capitol records, comprenant tout ce que Fats Navarro (1923-1950) a enregistré pour le compte du label Blue Note, entre le 26 septembre 1947 et le 8 août 1949, aux côtés du pianiste, compositeur et arrangeur Tadd Dameron. Dans les années 40, ces deux noms étaient indissociables, comme l'étaient ceux de Bird (= Charlie Parker) et Diz (= Gillespie), ou comme le seront plus tard ceux de Max (= Max Roach) et Brownie (= Clifford Brown)... Quant à Fats Navarro, c'est tout simplement l'un des plus grands trompettistes de tous les temps. Dit comme ça, ça fait très "panégyrique", et pourtant, à l'écoute de cette galette, que d'émerveillements ! L'on comprend alors pourquoi il est vite devenu la principale source d'inspiration de Clifford Brown... Une technique irréprochable, pour ne pas dire hallucinante, des sonorités à la fois claires et rondes... Dans cette double portion de bonheur (plus de deux heures de musique), l'on trouve comme invités, Sonny Rollins à ses débuts, tout jeune forcément, Wardell Gray, et bien d'autres encore. L'on retrouvera à ce titre la session de Bud Powell avec le trompettiste (initialement parue sous le titre The Amazing Bud Powell Vol.1).
Pour la première séance, celle du 26 septembre 1947, nous sommes en présence d'un sextette rutilant, avec des musiciens que les amateurs connaissent plutôt bien. Visez un peu : le saxophoniste ténor Charlie Rouse, le futur compagnon de Thelonious Monk, est présent, et puis il y a cette rythmique de rêve qui fout des frissons, rien qu'en lisant leurs noms : Nelson Boyd à la contrebasse et Shadow Wilson (1919-1959) à la batterie. Ce dernier, lui-aussi, travaillera aux côtés du "Moine" (= Thelonious Monk) dans cette session mémorable avec Milt Jackson). Par contre, le saxophoniste alto Ernie Henry m'est totalement inconnu. Quatre thèmes avec ce groupe (avec une prise "alternate" à chaque fois)."The Chase" démontre d'emblée la place singulière, pour ne pas dire centrale, de Tadd Dameron, dans un jeu d'accords tout en staccato. C'est forcément bop. C'est surtout terriblement entraînant (comment ne pas succomber aux rythmes de "The Squirrel"). Et puis, y a une chose essentielle dans ces enregistrements : l'on sent que ces gars-là jouaient parce que c'était LEUR musique, et que, à la manière d'un Montaigne et de son ami Etienne de la Boétie, ils jouaient ensemble, parce que c'était "eux" et pas d'autres.
Pour les sessions suivantes, il en va de même : les différents collectifs jouent entre quatre et cinq thèmes, guère plus (le 33 tours n'existait pas en ce temps-là). Mais l'avantage, comme très souvent, c'est que nous avons droit à une prise alternative, ce qui permet de mesurer tout le talent et surtout l'imagination de nos comparses, qui n'attaquent pas forcément le thème de la même manière. Les combos évoluent, entre quintette et sextette, voire octet et nonnette, avec l'ajout d'un percussionniste (tambourins, congas). A ce titre, ce qui est remarquable, c'est que même avec l'ajout d'un musicien ou deux, jamais l'on ne ressent l'égo. Les gars sont là pour servir la Musique avant toute chose. Tiens, c'est amusant. Pour la session du 13 septembre 1948, l'on trouve un octet, avec cette fois-ci Kenny Clarke aux fûts, Wardell Gray au sax ténor, Curly Russell à la contrebasse, Chino Pozzo aux congas, Allen Eager au sax ténor (c'est le deuxième)... et forcément Tadd Dameron au piano. L'aspect latin est central dès le début de la session : avec "Jahbero", l'on se croirait dans un film d'Orson Welles (il suffit de revoir Touch of Evil, et l'on comprendra...). Même ambiance chaude. L'imaginaire "cubain" fonctionne à plein régime. Pozzo est superbe d'inventivité, un sens inouï de l'espace et de l'à-propos. Dans "Lady Bird", Pozzo est absent. Il s'agit d'une ballade sur un tempo médium. Rideaux tirés, ambiance nocturne, l'on sent la composition en hommage à une femme de caractère, au tempérament bien trempé... Le sommet de la session étant peut-être cette ballade absolue de tendresse, "I Think I'll Go Away", chantée par Kenny Haggood...
Les sessions suivantes nous présentent le tromboniste Kai Winding, le saxophoniste ténor Dexter Gordon (session de janvier 1949). C'est enfin la session avec Miles Davis qui me surprend. Et pour moi, la révélation d'un guitariste extraordinaire : John Collins (1912-2001). Je crois que je vais m'intéresser de près à son cas... Cette session avec Miles et Tadd Dameron sans Fats Navarro (enregistrement du 21 avril 1949 à New-York) est une pure merveille. Surtout que les surprises ne manquent pas au fil de ces quatre plages. Et puis voilà une chanteuse à la voix légèrement plaintive et grave, dont je n'avais jamais entendu parler : Kay Penton (on l'entend sur deux plages, "What's New" et "Heaven's Doors are Wide Open"). Enfin, il est intéressant, de mon point de vue en tout cas, de comparer "John's Delight" (compo du pianiste) avec "On A Misty Night", superbe composition de Dameron, mais plus tardive. Amusant, parce que l'on trouve des échos surprenants entre les deux pièces (même intro, même ligne thématique, à quelque chose près...). Les sessions suivantes sont sur le disque 2 : Howard McGhee, autre formidable trompettiste, offre une chase formidable à Fats Navarro. Enfin, pour terminer, la session avec Bud Powell, Fats Navarro et Sonny Rollins que tout sérieux amateur connaît jusqu'aux bouts des ongles est là encore d'anthologie: la fameuse session du 8 août 1949, avec un jeune Roy Haynes, déjà impérial...
En résumé, ce double compact reprend trois galettes déjà éditées : Fats Navarro - The Fabulous vol.1 (Blue Note, 1947), Fats Navarro - The Fabulous vol.2 (Blue Note, 1949) et enfin The Amazing Bud Powell vol.1 (Blue Note, 1949)...
"The Chase" en second... régalez-vous !
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Freddiejazz,
Jazz
vendredi 27 janvier 2012
LE PARRAIN II de Francis Ford Coppola (1974) par Luc B.
LE PARRAIN première partie : cliquez ici... a remporté tous les suffrages, publics et critiques. Le studio Paramout souhaite évidemment qu’on lui donne une suite, c’est à genou qu’on se traine devant Coppola pour qu’il accepte. Pas question ! Hurle le réalisateur, bien décidé à jouir de son nouveau statut de héros pour enfin réaliser ses rêves d’auteur. On lui propose alors d’en être le producteur. Il accepte et propose la mise en scène à Martin Scorsese. La Paramout refuse. Et la joue fine, flatte l’égo de Coppola… C’est toi, Francis, la vraie star du film, pas les acteurs… Tu seras libre de faire ce que tu veux. Coppola lance par défi : si je suis la star, qu’on me file un million de dollars et je vous torche votre film ! Et la Paramout lui a fait un chèque d’un million… Coppola exige qu’aucun responsable du studio engagé sur le premier film, ne soit présent sur le second. Et en bonus, il demande qu’on finance un de ses projets parallèles, CONVERSATION SECRETE, un projet mûri au long des années et dont l’acteur sera Gene Hackman. La Paramout accepte tout, tout de suite, avant que Coppola ne change d’avis !
CONVERSATION SECRETE, vendu comme étant un film d’espionnage à la Hitchcock, est tourné début 1973, et sortira en avril. Demi-échec. C’est à cette époque que Martin Scorsese, qui squattait vaguement chez Coppola, lui montre un premier montage de son film MEAN STREETS avec Harvey Keitel et Robert de Niro. Coppola, impressionné, embauche immédiatement De Niro pour jouer dans LE PARRAIN II, dont le tournage commence en octobre 1973. Bob Evans, de la Paramout, est encore aux affaires, et lorsqu’il voit un premier montage du film, il s’étonne de ne pas retrouver tout le pan cubain de l’histoire, que Coppola avait coupé. Comme pour le premier épisode, les deux hommes vont s’écharper, mais Evans gagne la partie, et reprend le montage. Le film sera nominé 11 fois, et CONVERSATION SECRETE 3 fois, ce qui fait de Francis Coppola le seul réalisateur à avoir deux films à lui nominés la même année, et dans les mêmes catégories. Au final, LE PARRAIN II recevra l’oscar du film, et Coppola celui de réalisateur et adaptateur, de Niro celui du second rôle, et Carmine Coppola celui de la meilleure musique, avec Nino Rota. A noter que CONVERSATION SECRETE recevra la Palme d'Or au Festival de cannes en 74.
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Dans le village de Corleone, la mère du jeune Vito implore la clémence pour son cadet. |
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Quand Michael s'assoie, c'est qu'il n'est pas d'humeur |
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Une des scènes les plus dramatiques, entre Kay et Michael |
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Les frères Michael et Fredo : le baiser de la mort... |
En 1988, Francis Coppola a accepté de superviser une version mise à plat de ses deux films, pour une diffusion télévisée de 9 épisodes de 40 minutes. Cette fois, il joue la carte de la linéarité, puisque toutes les scènes des PARRAIN I et II sont montées chronologiquement. Blasphème, hurleront certains ! J’avais testé pour vous, à l’époque, le résultat reste exceptionnel ! Dans mon souvenir, par contre, les images avaient été recadrées en 4:3…
LE PARRAIN III sort en 1990. On sent qu'on a pioché les meilleurs éléments des deux premiers épisodes pour faire un troisième : le traitre, les affaires, le massacre, la succession. Seules les tractations avec l’Église sont passionnantes, car inédites. Mais surtout, le film devient curieusement conventionnel, dans les rapports entre Michael et Kay, ou Michael avec sa fille (jouée par Sofia Coppola, pas trop à son aise...), ou encore dans le profil de Vincent Mancini (Andy Garcia). La scène finale à l'opéra est trop longue, trop vue, trop appuyée, même si la toute fin est remarquable.

COUP DE GUEULE : Le Parrain a été adapté en jeu vidéo. 95% des vidéos disponibles sont donc des extraits de ce jeu à l'esthétique particulièrement laid. Pas moyen de dénicher une bande annonce digne de ce nom... Hé, Youtoube, yé vais té faire oune proposition qué tou né pourras pas réfouser...
LE PARRAIN II (1974)
Couleur - 3h10 - format 1:85
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Luc B,
Policier / Noir / Thriller
jeudi 26 janvier 2012
SAMUEL BARBER – ADAGIO pour cordes, concerto pour violon… par Claude Toon
L'adagio de Barber fait partie de ces œuvres intemporelles dont on dit : "J'connais rien au classique, mais ça j'aime bien". Étrange destin pour cette partition issue d'un quatuor et que Barber orchestrera dans des circonstances rocambolesques. Elle sera utilisée dans pas moins de 20 films à ce jour et même dans South Park et les Simpson. Et je ne compte plus les "compléments" de disque et les exécutions pour diverses commémorations…
Avant de commencer cette chronique sur la petite et grande histoire d'un morceau de 10 minutes, une question : pensez-vous que Barber n'a composé que cela ? Non évidemment, quand le Toon pose une telle question, le lecteur connait la réponse. Nous allons donc nous attarder sur une belle anthologie de musique américaine dédiée à Barber, album comportant en ouverture le célébrissime adagio bien entendu, et… plein d'œuvres variées, d'écoute agréable donc tout à fait passionnantes.
Samuel Barber est né en 1910 à West Chester, une petite ville de Pennsylvanie. Encore un jeune surdoué qui compose dès l'âge de 7 ans. Il s'essayera à l'opéra à 9 ans !
Il suit sa formation au célèbre Curtis Institute of Music de Philadelphie, le conservatoire, où bien plus tard, une jeune Hilary Hahn étudiera le violon. Pour l'un de ses premiers enregistrements (2000), elle gravera le concerto de Barber. Il se perfectionne à l'Académie américaine de Rome en 1935. En 1936 il écrit son quatuor dont le mouvement central, noté adagio, deviendra après orchestration le tube planétaire que l'on connaît.
Cet adagio a hélas un peu occulté l'œuvre importante d'un des compositeurs majeurs américains du XXème siècle. Ah je les vois les critiques et musicologues officiels et serviles taxer sa musique de néo-classicisme, néoromantique, bref de la musique pour néophyte, pour ne pas manquer une figure de style ! Non ! Barber fait partie de tous ces compositeurs US qui font le choix d'une musique pour un public qui en attend des émotions.
Coup de gueule :
Barber, Ives, Copland, Hanson, Gershwin, Morton Gould, Glass… : une légion de compositeurs a proposé dès la fin du 19ème siècle une approche de l'écriture musicale assez opposée aux tendances savantes de mises en Europe. Ces tendances ont provoqué une rupture nette, après le second conflit mondial, entre les attentes des mélomanes français et les œuvres issues des recherches sonores sectaires et alambiquées des compositeurs. Ainsi l'école Boulez et ses disciples privilégient la mathématique "solfègique" à l'émotion de l'auditeur et, cette dictature "des contemporains" est souvent dommageable pour l'intérêt que pourrait porter un grand nombre à la musique de notre temps.
Ces clivages n'existent pas ou peu outre atlantique entre musique populaire, savante, jazz et surtout la musique pour l'industrie phare et gourmande de partitions originales : le cinéma dès 1929. Cet état d'esprit a permis l'éclosion de styles forts divers et appréciés de tous. Les partitions des auteurs cités sont l'illustration parfaite de l'idylle entre la musique US et le public.
Certes, les termes : ballet, symphonie, concerto, fantaisie, etc. demeurent. L'évocation de la joie de vivre, la danse, la peinture impressionniste des grands espaces ou des villes américaines fourmillantes, sont tout à fait accessibles à nos oreilles. Un art qui n'utilise pas les théories musicales nouvelles comme des fins en soi, conception dogmatique de l'art musical qui conduit à l'ennui.
Fin du coup de gueule ! Retour à Barber.
Barber va composer de très belles pages souvent jouées outre atlantique, plus rarement en Europe. Trois concertos, dont celui pour violon, des pièces pour orchestre, des sonates et des chants populaires dominent cette production. Les plus grands chefs ont créé ses œuvres symphoniques, de Toscanini à Erich Leinsdorf, et Vladimir Horowitz assurera la création de sa Sonate pour piano en 1949. N'en jetons plus ! Nous allons survoler une belle sélection dans l'anthologie retenue. Samuel Barber est mort à New-York en 1981.
LEONARD SLATKIN
L'ADAGIO POUR CORDES
Le chef américain Leonard Slatkin, qui dirige l'ensemble des pièces orchestrales de cet album, est né à Los Angeles en 1944. Ses parents étaient violoniste et violoncelliste du célèbre Hollywood String Quartet qu'ils avaient créé. Il se forme à l'université de l'Indiana, au Los Angeles City College et enfin à la prestigieuse Juilliard School. Il débute sa carrière en 1966 et en 1968, il est déjà chef assistant de l'Orchestre de Saint Louis. Il y restera 11 ans. Il sera de nouveau le directeur de cet orchestre de 1979 à 1996 ! En près de 30 ans, il a hissé l'orchestre de Saint-Louis à un niveau international.
Relativement peu connu, cet artiste rigoureux a occupé ou occupe, outre à Saint-Louis, des postes de direction des orchestres de Washington, de la BBC, de Détroit et, tout récemment, de l'Orchestre national de Lyon. Un beau CV.
Les enregistrements de cet homme peu médiatisé sont nombreux mais peu diffusés en France. Il obtint pourtant un Diapason d'Or pour son interprétation d'une cohésion stupéfiante de la 4ème symphonie de Chostakovitch en 1992, œuvre réputée impossible à unifier. Et puis il a beaucoup servi la musique de son pays comme en témoigne l'intérêt porté à Samuel Barber qui a permis la parution de ce double album.
Slatkin s'est marié pour la quatrième fois en novembre 2011. Félicitations maître !L'ADAGIO POUR CORDES
Cet engouement du public pour les adagios m'amuse. "On dit des adagios ou des adagii ?" ironisaient Guy Bedos et Sophie Daumier dans un sketch resté célèbres. Albinoni, Rodrigo, Ravel, Massenet, Mahler et Co ont donné naissance à moult compilations avec ces pièces apaisantes. Ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs. Ce besoin de calme mélodique explique sans doute le succès souvent planétaire de ces morceaux rêveurs et alanguis, qui ont comme point commun d'avoir un métronome avec la noire = 60 à 80. Celui d'Albinoni n'est pas réellement d'Albinoni, mais celui de Barber est bien de Barber, il en était très fier ; une drôle d'histoire cet Adagio…
En 1936, Barber transcrit l'adagio de son quatuor pour orchestres à cordes. Lors d'un voyage à Rome, juste avant que le célébrissime maestro Arturo Toscanini ait demandé l'asile aux USA après avoir envoyé ch... Mussoloni devant tout le public de la Scala, Barber lui propose sa partition. Dur, elle lui est retournée sans commentaire. Vexé, Barber ne veut plus revoir Toscanini. C'est son ami Menotti qui apporte l'incroyable nouvelle ! Il y a malentendu. Toscanini a mémorisé l'adagio et propose de le créer. Cerise sur le gâteau, le premier "Essay for Orchestra" sera aussi inscrit au programme. Le concert a lieu en novembre 1938 avec le NBC symphony Orchestra créé pour Toscanini après sa traversée avisée de l'Atlantique. Pour Samuel Barber, c'est la consécration. L'histoire ne s'arrête pas là.
Dès la première, l'adagio devient une pièce aussi populaire que les premières notes de la 5ème de Beethoven, Ta Ta Ta Taaa, mais en plus serein. En 1967, Barber réalisera une nouvelle transcription pour chœur a Cappella sur la prière Agnus Dei.
Cette musique émouvante, oscillant entre nostalgie et détresse s'entend dans de nombreux films : Platoon, Elephant Man, Amélie Poulain, et bien d'autres. Ses résonnances spirituelles en ont fait un morceau de choix pour les obsèques des grands de ce monde : Franklin Delano Roosevelt (1945), Grace Kelly (1982), Baudouin de Belgique (1993) et Jack Layton (2011). Enfin, il y a eu une flopée d'adaptations par des artistes très divers, de John Mac Cartney à William Orbit. L'Adagio a été remixé en 2004 par le célèbre DJ néerlandais Tiesto dans l'album Just Be, l'un de ses morceaux phares. C'est braillard et boursoufflé, du Rieu électronique pour teenagers en transe. Je n'ai d'ailleurs pas trouvé la vision, surement sidérale, d'André Rieu dans son cursus, ça me manque !
Il est aisé de proposer de la sirupeuse guimauve extatique avec ce morceau. Leonard Slatkin avec un jeu précis, plutôt rapide (9'), évite bien entendu ce piège. Son phrasé conserve un coté méditatif mais sans aucune dramaturgie outrancière. Les cordes de Saints Louis, détimbrées et limpides se développent plan par plan, comme des vagues, des élans recueillis, sans emphase. Slatkin restitue la simplicité, l'humanité de la pièce, sans pathos. La forme est moins simple qu'il n'y parait. Mais pas de musicologie, écoutons !
LE CONCERTO POUR VIOLON
Second grand moment de l'album : le concerto pour violon composé en 1939. Encore une affaire singulière.
L'ouvrage fut commandé par le mécène Samuel Fields pour son fils Iso Briselli. Ce dernier trouva la partition trop simple. Qu'à cela ne tienne, Barber écrivit un autre final très virtuose. Briselli le déclara alors injouable pour ne pas payer la partition (on y croit tous…). Mais on raconte que Barber engagea un violoniste qui le joua sans difficulté après deux heures de répétition. Le concerto était donc "jouable" et Barber fut payé, bien joué. Il fut officiellement créé en 1941 par Albert Spalding.
Le violoniste américain d'origine portugaise Elmar Oliveira nous le joue ici accompagné par Leonard Slatkin à la tête de l'orchestre de Saint-Louis. Les deux artistes ont reçu un Grammy awards pour ce disque. Le concerto est classiquement divisé en trois mouvements. Je le considère comme un des plus riches et accessibles écrit au XXème siècle !
L'ouvrage s'ouvre sur un thème élégiaque et pastoral du violon. Le vent et les paysages de Pennsylvanie au bout d'un archet ? Une mélodie très accentuée apporte une nouvelle idée très ensoleillé. Puis le violon caracole en s'opposant à un orchestre diablement coloré. L'orchestre nous entraîne dans une petite marche en début de développement. Oui, c'est assez néo-romantique mais Dieu que c'est poétique ! Les thèmes initiaux et le rythme de marche impulsé nous conduisent vers une impression d'immensité. La musique américaine retrouve souvent ces ambiances de grands espaces, calme ou venteux. On pense à Hanson, Copland, Groffé. La magie de ce mouvement repose sur un principe simple : opposé une mélodie souple et mouvante à un orchestre qui semble battre une mesure de mille feux.
Le second mouvement accentue l'impression d'intime promenade rencontrée au début de l'allegro. Les chants des bois et cors se mêlent à la cristalline mélopée du violon. Quelques accents pathétiques viennent épicer ce grand moment de félicité musicale.
Ahhh Briselli voulait de la difficulté dans le final, et bien il y en a… Le mouvement noté "Presto in moto perpetuo" est une course effrénée et joyeuse, une farandole de notes, un jeu de cache-cache violonistique extraordinairement ludique. Nous sommes au-delà de la virtuosité, dans un jaillissement d'éclats de rire. Chapeau aux deux interprètes.
ET ÇA CONTINUE…Les trois "Essay for orchester" jalonnent la carrière de Barber. Il s'agit de courtes pièces symphoniques d'une dizaine de minutes d'une imagination assez fulgurante. Nous écoutons de la musique "abstraite" dans le sens où il n'y a pas de programme ou d'idée prédéfinie qui inspire la composition ; abstraite mais non intello...
Le premier Essay fut donc composé en 1936 et créé par Toscanini en 1938. Le climat sombre de la pièce rappelle celui de l'Adagio. Les cordes se déploient en longues phrases presque douloureuses, on peut imaginer un coucher de soleil intérieur. Le dramatisme évolue vers un passage quasi funèbre dominé par les cuivres d'une glaçante beauté. On pense à une influence de Sibelius. Un développement central plus animé intervient avec des notes joyeuses de flûte et clarinette et s'achève par des tuttis scandés et soutenus par un piano. La pièce se conclut dans une lumière crépusculaire mais apaisée. Il y a une puissance organique secrète dans ce morceau qui prend aux tripes. Je ne suis pas surpris d'avoir trouvé la vidéo de l'enregistrement de Leonard Slatkin sur le web.
Le second Essay, très populaire, fut commandé et créé par Bruno Walter en 1942. Il se présente comme une suite hiératique et échevelée opposant des accords puissants des cuivres et des percussions à des motifs interrogatifs et fantaisistes des cordes et de la petite harmonie. On trouve des accents quasi mahlériens à certains moments dans ce morceau empreint de vitalité (vidéo du CD Slatkin originel également disponible sur le web).
Le troisième et dernier Essay est encore une œuvre au destin bizarre. Il fut commandé en 1978 par une excentrique madame Aufrey Sheldon qui paya le compositeur. On raconte qu'elle était amoureuse de Samuel, mais… elle se suicida avant la création ! C'est un morceau de musique pure, élégant, un rien pastoral et cinématographique. Il n'atteint pas néanmoins la profondeur émotionnelle des deux premiers.
Et puis, pour compléter, on écoutera la très belle sonate pour violoncelle et piano qui m'a fait songer à celles de Fauré (c'est dire), des pièces pour piano, courtes et brillantes, un peu jazzy, et enfin, une ouverture et un court ballet symphonique inspirée de la légende de Médée.
DISCOGRAPHIE DIVERSEBarber a été assez bien servi au disque, surtout l'adagio enregistré par tout le monde (même Sergiu Celibidache*, cosmique, en complément de 2 symphonies de Chostakovitch !?) Les grands violonistes ont honoré le concerto. L'adagio transcrit pour Chœur a été enregistré par le New college d'Oxford en 1996 et ce très beau disque de chant a Cappella est toujours disponible avec d'autres Tube comme le Misere d'Allegri ou l'Ave Verum de Mozart…
(*) Si l'irascible maestro Roumain l'a enregistré, c'est que la preuve est faite : l'adagio de Barber, ce n'est pas une œuvrette…
VIDÉOS
À gauche, l'interprétation de l'adagio par Leonard Slatkin.
À droite, l'Essay for orchester N°2.
Et puis, même si je me fais tancer par Rockin pour mon incapacité à contrôler mon enthousiasme dans cette longue chronique, le premier mouvement du concerto pour violon interprété par Giora Schmidt et Itzhak Perlman dirigeant The Israel Philharmonic Orchestra (un concert live de 2004 à Tel Aviv).
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Classique,
Claude Toon
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