vendredi 27 décembre 2024

OH, CANADA de Paul Schrader (2024) par Luc B.



Au départ, sur le papier, les retrouvailles de Paul Schrader et Richard Gere étaient tentantes. Petit rappel des faits… Ces deux-là s’étaient croisés il y a plus de 40 ans dans AMERICAN GIGOLO (1980). J’aime bien l’acteur Gere, davantage pour LES MOISONS DU CIEL que pour PRETTY WOMAN... un type plutôt discret, qui a l'air sympathique. Quant à Paul Schrader (78 ans aux prunes) c’est un des grands auteurs du Nouvel Hollywood, scénariste pour Scorsese, TAXI DRIVER et  RAGING BULLentre autres, mais aussi du YAKUSA de Pollack, RENCONTRE DU TROISIÈME TYPE de Spielberg, LEGITIME VIOLENCE de John Flynn, ou le MOSQUITO COAST de Peter Weir. C'est l'intello de la bande, qui a écrit sur le cinéma avant d'en faire (il adore Bresson), et comme Scorsese, élevé dans la religion, stricte, les thèmes de pêché & rédemption infusent son oeuvre.   

Il est aussi réalisateur, HARDCORE, MISHIMA, le remake de LA FÉLINE, pour les plus anciens. Le gars tourne régulièrement depuis, dans une indifférence polie, on ne peut pas dire que ses films trustent le haut du box office. Ce OH, CANADA a été davantage mis en lumières grâce à sa présence à Cannes. Je vais être tout à fait franc, j’y suis allé par défaut, le film que je voulais voir a été déprogrammé au dernier moment, et celui de Schrader passait au même moment dans l’autre salle…

C’est que le sujet ne donne pas franchement dans la poilade. A savoir : un célèbre réalisateur de documentaires, icône de la gauche intellectuelle des années 70’s, Léonard Fife (Richard Gere), en stade terminal d’un cancer, se confie sur sa vie, face caméra, en présence de sa femme. Le scénario est adapté du dernier ouvrage de Russell Banks, lui même mort du cancer, et dont Schrader avait déjà porté à l’écran AFFLICTION (1997).

Le film commence avec un format étroit, 1:37. Ce sont les images des caméras qui filment l’interview. Schrader va opter pour différents formats, le 1:85, le scope, la couleur ou le noir et blanc, selon les points de vue, les époques. Car en se remémorant sa vie, Léonard Fife va nous faire voyager jusqu’à la fin des années 60. Ses souvenirs se télescopent, se brouillent, à cause de la fatigue, de la maladie, du traitement. Lui, le héros adulé d’une génération, tient à raconter réellement sa vie, sans pudeur. Mais s’en souvient il vraiment ? 

Le Léonard Fife des jeunes années est joué par Jacob Elardi, étoile montante à Hollywood, et pas uniquement parce que le gars tape ses deux mètres ! A la fin des 60’s, futur papa, il décline la proposition de son beau père de reprendre l’entreprise familiale. Il se voit davantage dans l’enseignement. Pour échapper à la conscription, qui l’aurait envoyé au Vietnam, il passe la frontière canadienne (qui à l’époque accueillait à bras ouvert les jeunes américains). On comprend, du moins le crois-je, qu’il abandonne sa femme et son gosse, pour totalement changer de vie. Je dis crois-je, car le film est très confus. C’est un kaléidoscope de scènes, dans le désordre, non reliées entre elles. 

Paul Schrader épouse dans sa mise en scène les pensées confuses de son personnage. On se dit qu’il manque des pièces au puzzle, des choses non dites, non avouées, ou oubliées. Le film, donc, les oublie aussi. Il y a des très belles idées, comme le fait que Richard Gere joue aussi, parfois, son personnage jeune. Un très beau plan, tout simple, dans lequel c’est Jacob Elardi qui sort du champ, mais, et sans que ça coupe, Richard Gere qui re-rentre à l’image. Ou Elardi qui joue face à son beau père, mais c'est Gere qui revient faire le compte rendu de a discussion à sa femme. La seconde épouse de Fife, Emma, est jouée par Uma Thurman, qui joue aussi 40 ans plus tôt la femme d’un de ses potes, Gloria. Que je pensais être le même personnage, mais non. Schrader joue aussi sur les supports d'image, l'écran principal bien sûr, mais aussi les combos de contrôles vidéos, et la dernière scène est vue par l'intermédiaire d'un téléphone portable (images issues d'une caméra dissimulées). 

Donc un dispositif de mise en scène complexe, qui aurait pu être fascinant : les souvenirs sont-ils réels (Elardi à l’image) ou fantasmés, déformés (Gere à l’image) ? Hum... ce n’est pas aussi simple, hélas, c’est pourquoi on s’y perd rapidement, et que Paul Schrader ne parvient pas à nous intéresser à son histoire, et surtout pas à son personnage, au demeurant assez antipathique. Les images sont superbes, les intérieurs boisés, les mouvements de caméra élégants, les paysages automnales du Canada filmés en scope, un superbe grain d’image. J'ai regardé poliment, parce que je suis bien élevé, mais je ne suis pas rentré dans cette histoire, peinant à comprendre l’aura dont jouit Léonard Fife.

On pouvait imaginer un film sur les derniers instants d’une vie, certes, sujet grave, comme un témoignage lumineux, voire exaltant, d’une vie bien remplie. Ou s'amuser du personnage qui en fin de compte aura roulé, toute sa vie, son monde dans la farine. Mais il n’en est rien. C’est très froid, hermétique, malgré la palette de couleurs chaudes. Les comédiens font ce qu'ils peuvent avec une partition assez chiche, dommage pour Richard Gere, amorphe dans son fauteuil roulant, qui finalement ne semble faire que de la figuration. 


couleur et N&B  -  1h35  -  formats 1:1.37 / .66 / .85 / 2:1.39 

6 commentaires:

  1. Pour Les "moisons" du ciel....surement un problème de digestion....effectivement il n'y a que dans ce film que je trouve Richard Gere supportable, en conséquence je vais surement passer à coté de ce Oh Canada

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  2. "Le comédiens font ce qu'il peuvent"...décidément la bûche et les bulles ont laissés des traces...

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  3. Richard Gere, et plutôt bien, d'ailleurs... :-) Moi j'aime bien Pretty Woman, mythique, toute mon adolescence...

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  4. Shuffle Master29/12/24 08:38

    J'aime bien Gere également, qui est très bien aussi dans Sans Pitié.

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    1. Pas vu, je vais essayer de le choper quelque part. Gere retrouvera Basinger quelques années plus tard dans "Sang chaud pour meurtre de sang froid".

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    2. Shuffle Master.30/12/24 09:40

      Bonne idée. J'ai vu les deux. Sans Pitié est au dessus. Excellent polar, belles scènes à Chicago au début.

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