vendredi 15 novembre 2024

DIRE STRAITS EXPERIENCE - Zénith de Paris, 06/11/2024 - par Luc B.


C’est inédit, je n’avais jamais assisté à un concert de ce qu’on appelle un Tribute Band. Petit rappel des faits, un Tribute Band (ou cover band) est un groupe de musiciens généralement chevronnées, qui ne jouent que des reprises d’un groupe célèbre, de manière très officielle, souvent adoubé par le groupe original (ce serait idiot de refuser, vu les royalties). Les exemples pullulent, des faux Led Zep, Queen, The Doors, Beatles, Pink Flyod, Supertramp, U2, Springsteen, Joe Cocker... ou chez nous Cabrel, Renaud, Hallyday, Goldman...  

A ma connaissance, pas encore de cover-Rika Zaraï. Mais j'ai même croisé un faux-moi dans la rue lors d'une fête de la musique. Qui jouait mieux, ce con. Certains poussent le vice jusqu'à ressembler visuellement à leurs idoles, kitschissime, d'autres poussent la maniaquerie jusqu'à reprendre note par note un concert précis, de telle date, comme c'est le cas pour un des nombreux cover band de Genesis.

Je me souviens de David Gilmour saluant une des prestations de leur double, disant qu’ils jouaient presque mieux ! D’autres, qui à l’époque montaient sur scène complètement défoncés, disaient : si vous voulez savoir ce qu’on aurait été capable de faire, sobres, allez les écouter !  

Il y a énormément de tribute band de Dire Straits : Fire Straits, sTraits, Money For Nothing, DS:UK, Calling Mark, Brothers in Band, Dire Strats… Le cas de Dire Straits Experience est un peu différent, au sens où un membre du groupe a réellement participé à Dire Straits, Chris White, qui porte beau (le salaud) à presque 70 balais, saxophoniste à partir de 1986 et l’album « Brothers in arms ». Qui a réuni autour de lui six musiciens pour reprendre exclusivement le répertoire de Mark Knopfler, dont le chanteur - guitariste Terence Reis*, qui a la lourde tache d’être frontman. La configuration du groupe reprend celle de la tournée « Alchemy » : basse / batterie / piano / clavier / 2 guitares. Et White aux saxophones (soprano, alto, ténor) et flûte traversière.

Le concert était au Zénith de Paris, salle de 1500 places, le son frisait la perfection. Je me souviens d’y avoir entendu Mark Knopfler en solo en 1996, le son était juste dégueulasse… La première partie était assurée par Gaëlle Buswel, [=> photo à droite] bon blues rock, en configuration deux guitares acoustiques.

Le groupe entame avec « Telegraph road », fallait oser, titre fleuve de 14 minutes, suivi de « Solid rock » puis « Tunnel of love » (et hop, un bon quart d’heure en plus !) dans des arrangements très proches de « Alchemy ». J’avoue qu’au départ ça fait bizarre. On entend, mais on ne voit pas du Dire Straits. Et on ne peut s’empêcher de comparer, de chercher la p’tite bête, est-ce qu’il va faire ci, faire ça, comment il va négocier tel passage de chorus… Mais une fois qu’on s’est mis en tête que, non, ce ne sont pas les vrais, on ne se concentre que sur la musique.

Qui est très bonne, d’abord parce que les musiciens sont très bons, mais surtout parce que les morceaux sont excellents ! Et de se rendre compte que le père Knopfler a pondu des dizaines de titres sublimes, des chansons très écrites, construites, dont la durée et la complexité n’étaient pas la norme dans les années 80, celles de l’atroce avènement de MTV. 

Évidemment, une large place est faite aux chansons avec saxophone (c'est Shuffle qui aurait été content !), « Your latest trick » (grosse ovation), « On every street », « Two young lovers », « Goin’ home ». On n’est pas dans le strict exercice de copie, le second guitariste ne se contente pas de la rythmique, il prend sa part de chorus, et le sax intervient dans des titres qui n’en comportaient pas à l’origine. Donc de nouveaux arrangements, et donc des titres encore plus longs ! En particulier de très belles versions de « Roméo and Juliet » (avec évidemment la National Steel) et de « Private investigation », je n’ai pas peur d’affirmer que parfois la copie est meilleure que l’original !

Intéressante aussi la reprise de deux chansons des débuts, « Wild west end » et « Lady writer » jouées à quatre, la configuration d’origine de Dire Straits, où on retrouve vraiment le son des deux premiers albums. On aurait aimé en entendre plus, des « Down To The Waterline » ou « Once upon a time » sont absentes de la setlist. Ca pourrait être une bonne idée de jouer exclusivement les deux premiers LP !

C’est aussi à quatre musiciens que commence « Sultans of swing », avant que les claviers ne rentrent au troisième couplet, et là encore, réaménagement de la partie centrale, plus étirée, avec un dialogue sax / guitare, puis guitare / orgue, avant le long crescendo du chorus de guitare. Ce serait ma seule critique, jouer le sax à l'unisson sur ce solo iconique de guitare, qui du coup, se retrouve un peu noyée dans le mix.

De même, un « So far away » qui débute en mode calypso, au xylophone, avant que les guitares ne surgissent dans une version plus rock que l’original. En rappel, on a droit à une version abrasive de « Money for nothing » puis l’instrumental « Goin’ home » (BO du film Local Hero). Une des manies agaçante de Knopfler, c’était des fins de chansons qui n’en finissaient pas, point d'orgue à rallonge, genre la piste doit être longue pour poser un 747. Un défaut heureusement pas reproduit.

Quand on n’a pas vu Dire Straits à la grande époque (c'est mon cas), avant que les concerts ne deviennent des barnum en stades (raison pour laquelle Knopfler avait jeté l’éponge) cette expérience de tribute permet tout simplement de se faire plaisir, avec des musiciens de haut niveau qui s’amusent visiblement beaucoup. C'est un peu plus cher qu'un best-of, mais au moins, y'a de vrais gars qui jouent !  

*  Terence Reis racontait qu’à l’origine, il avait été contacté pour remplacer Mark Knopfler (en tournée solo) pour un concert caritatif, en 2011, il ne devait que chanter. Puis finalement on lui demandé aussi de faire la guitare. La formation d’anciens membres du groupe, réunie par le clavier Alan Clarke, a perduré, avant de se transformer en Dire Straits Experience sur l'impulsion de Chris White

Pour Bruno, extrait d’une interview de Terence Reis, à propos de son matos : « Une vieille Gibson Chet Atkins nylon, une Ovation Adamas des années 80 et une National bien sûr. Au milieu du concert, nous jouons à quatre et j’ai une Strat Integrity que j’ai assemblée avec des pièces détachées Musikraft. J’ai deux Strats, la Candy Apple Red et la Sunburst, et une Tele Integrity. Elles reprennent les specs des Schecter de Mark. Elles sont très différentes des Fender. Le luthier Ivan Leschner m’a fait un clone de la Pensa Suhr MK-1. Et selon les tournées, je prends ma Gibson Les Paul R8 VOS’58. Sinon, j’ai toujours ma Steinberger GLT2T de 1984-1985 ». 

5 commentaires:

  1. j'ai vu Dire Strait deux fois à Bercy en 85 et 91 et, à la vu des vidéos du tribute,je les trouves plutôt bon. La voix du chanteur est très proche de celle de Knopfler,peut être trop proche, ça frise l'imitation.

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    1. C'est vrai pour la voix, mais je me disais, comment chanter du Knopfler sans en reprendre, même inconsciemment, les intonations ? Sa voix allait avec sa musique. Comme je le disais, le mec a été d'abord choisi pour être chanteur, doublure ponctuelle lors d'un concert, sauf qu'il tâtait aussi un peu de la guitare...

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  2. Shuffle Master.15/11/24 10:34

    S'agissant du saxophone, puisque je suis pris à partie, on me prête à tort des opinions assez péremptoires. L'histoire me rendra justice. Samedi dernier, j'ai été contacté par un ex-collègue qui montait un groupe de jazz/bossa (et après, on va dire que je suis sectaire), avec un sax, justement. Pas de bol, le type jouait quasiment faux, pas dans la tonalité...etc. Ces messieurs ont passé 3/4 d'heures à batailler sur les grilles d'accords, sans avoir préparé grand-chose (4 morceaux uniquement pour l'essai) et j'ai dû jouer 15 mn sur 2 heures. J'ai dit que j'avais piscine pour la prochaine répète.

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  3. Votre saxophoniste vous a joué du pipeau, c'était pas un vrai ! Le problème du sax, c'est la tonalité de l'instrument, qui ne s'accorde généralement pas aux guitares, ou au piano. Il faut changer la tona, et alors là, le gars râle parce qu'il se retrouve avec cinq bémol à la clé... Nous aussi, on passe notre temps à monter ou descendre les tonalités, en fonction du sax, mais aussi du chanteur. Jouer systématiquement faux, j'ai connu ça aussi, avec une trompette, et là, c'est pire ! J'ai joué aussi avec un trompettiste qui jouait toujours à l'envers, jamais sur le temps, son "un" était notre "deux". C'était presque maladif, tout le monde fuyait dès qu'il arrivait ! A part ça, le mec jouait bien. L'avantage d'être à la batterie dans un groupe, c'est que tu as le temps de faire ton courrier pendant les répétitions. Le guitariste qui s'accorde pendant une plombe, puis qui règle son ampli, ses pédales d'effets qui... ne sortent jamais les mêmes effets ! Et dire qu'on se fout de nous sous prétexte qu'on passe 5 minutes à régler la position d'une cymbale... Je me marre.

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    1. Shuffle Master.15/11/24 14:20

      Oui, effectivement, ça ressemble souvent à ça. Plus le " nous, on s'accorde, toi, tu fais de la mécanique".

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