vendredi 20 septembre 2024

LE PROCÈS DU CHIEN de Laetitia Dosch (2024) par Luc B.



Il faut être indulgent avec un premier film, surtout s’il est nourri de bonnes intentions. On a parlé la semaine dernière du film des frères Larrieu, où la franco-suisse Laetitia Dosch tenait le premier rôle féminin. On la retrouve comme auteur et réalisatrice de son premier film, LE PROCÈS DU CHIEN.

Laetitia Dosch est comédienne, mais pas que, elle écrit et met en scène des pièces de théâtre, dont la dernière « Hate » combinait déjà le monde animal et humain, puisqu’elle partageait la scène avec un cheval ! Elle partage maintenant l'écran avec Cosmos le chien. 

La pauvre bête a mordu au visage la femme de ménage de son maître, Dariuch. Circonstance atténuante, le cleps avait le nez dans sa gamelle, elle voulait le caresser, le bestiau n’aime visiblement pas être dérangé quand il mange. Mais Lorene Furtado porte plainte, et voilà Dariuch contraint de trouver un avocat pour défendre le clébard, faute de quoi il sera piqué. Avril Lucciane accepte le dossier.

Première étape, faire reconnaître auprès d’un juge qu’un chien n’est pas une chose, un objet, comme écrit dans le Droit. Le juge renfrogné est perché sur une estrade minable, scène surréaliste, l’avocate obtient gain de cause lorsque Cosmos demande à sortir pour aller pisser. Conclusion votre honneur, le chien et son maître ne sont pas qu’une entité, la preuve, c’est un être vivant à part entière. 

Cosmos est donc convoqué cette fois à un procès d’assises. « Faites entrer l’accusé » tonne le président du tribunal (Mathieu Demy), deux gendarmes escortent le chien jusqu’à son coussin. Le ballet des témoins peut commencer, à la cour de déterminer si Cosmos est un danger public, ou une brave bête dans son bon droit de ne pas être emmerdé lorsqu’il bouffe des chips.

LE PROCÈS DU CHIEN reprend et détourne les codes du film de procès, évidemment sans atteindre le niveau stratosphérique de ANATOMIE D’UNE CHUTE, où il était aussi question d’un chien. Laetitia Dosch trousse une comédie, une farce, l’absurde n’est jamais loin. Il est question ici d’animalisme, de spécisme, de la place de l’animal dans la société. Une seconde intrigue concerne un ado, le voisin d’Avril Lucciane, qu’elle soupçonne d’être battu par son père alcoolique, on comprend le lien établi par la réalisatrice, les dominants, les dominés.

Les portraits sont assez caricaturaux, c’est une comédie. Ainsi, Dariuch, joué par François Damiens, passe pour un demeuré illettré, ce qui à l’écran lui retire toute empathie. L’avocate de la plaignante, jouée par Anne Dorval, et aussi engagée en politique, à l’extrême droite (ficelle un peu grosse), qui veut débarrasser la société de tous les nuisibles, y compris le pauvre Cosmos. La défense du chien consiste à préciser les circonstances exactes de l’agression, n’y aurait-il pas eu provocation et donc légitime défense ? Le chien serait-il misogyne ? Pour argumenter sa défense, Avril Lucciane s’appuie sur les compétences d’un comportementaliste canin joué par l’excellent Pascal Zadi.

Le sujet et le point de vue sont originaux, le film traité en mode comédie réserve quelques bonnes répliques et de bons gags, le rythme est rapide, moins d’une heure et demie. Autre qualité, l’abattage de l’actrice, qui s’implique à fond, quasiment de tous les plans. 

Mais revers de la médaille, les autres rôles sont peu exploités. On regrette notamment que François Damiens n’hérite que d'une partition un peu chiche, pas grand chose à se mettre sous la dent. Pascal Zadi a plus de visibilité à l’écran. Pierre Deladonchamps, qui joue un collègue, ne trouve pas réellement sa place dans l’intrigue. Reste le chien, un griffon au regard expressif, joué par Kodo (le premier nom du générique !), il est formidable ! On sent aussi le manque de budget, ou de temps, certains plans intérieurs détonnent, comme filmés à l’arrache avec une DV antique, image un peu sale, gros grains, manque de lumière.

C’est un petit film, monté avec trois bouts de ficelles, qui a le mérite de révéler un univers, celui de son auteur, une certaine poésie parfois, un humour décalé, Laetitia Dosch va au bout de ses intentions, même si on ressent une certaine maladresse dans l’écriture et la réalisation. 


Couleur - 1h23 - format 1:1.85

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire