mardi 3 septembre 2024

ÉCLIPSES JAPONAISES de Éric Faye (2016) - par Nema M.

Sonia se ronge les ongles en attendant les résultats des élections législatives au soir du 7 juillet 2024. Elle regarde Nema, cette imperturbable Nema qui travaille sur un plan de pont en écoutant du Liszt (Les Harmonies poétiques et religieuses, Nema a la primeur, via Sonia, d’une future chronique du Toon…), tranquillement installée sur le canapé. Sonia explose :

- Mais Nema ! dans moins d’une heure la France va peut-être basculer vers une guerre civile, puis une dictature et toi, comme si de rien n’était, tu es encore avec tes plans à deux balles !

- Dictature, dictature… On ne va pas basculer directement dans un régime type Corée du Nord quand même… Calme-toi et tiens, lis ça. Cela te fera voyager un peu dans une VRAIE dictature.

 

Nota du webmaster de service : deux heures plus tard Sonia rassurée apprendra que le bellâtre déconfit "à droite toute", cause de ses angoisses, pouvait revendre son costard trois pièces vintage sur le bon coin 😊 Reprenons le fil de la chronique. Presque deux mois plus tard... la veille de la publication, comment dire, ben... on ne fait pas le résumé des évènements... 


Grand monument Mansudae

Alors, on part en Corée du Nord ? Pas vraiment en fait, ce n’est pas un pays pour faire du tourisme. On va au Japon ? Pourquoi ce titre, "Éclaircies Japonaises" ? Là, moi, je ne sais pas exactement, mais vous n’aurez qu’à contacter l’auteur 😊. Il y a comme une déambulation entre les deux pays, comme une aspiration, une attirance-rejet, des personnages qui vont être pris au piège. Des destins de filles, de femmes et d’hommes chamboulés par le passage d’une frontière : sortie ou entrée en Corée du Nord ?

 

Une jeune Coréenne du Nord, Chai Sae-Jin (Perle de l’univers) surdouée, parlant le russe et le japonais, sportive et totalement dévouée à sa Patrie devient une espionne, une terroriste chargée de faire sauter un avion de la Korean Air en se faisant passer pour une japonaise, sous le nom d’Iwatani Sakie, en voyage d’agrément avec son oncle. A force de chanter "Nous aimons l’uniforme que nous a donné notre Grand Leader", à force d’endoctrinement, voilà ce qui arrive. Formation très poussée à la fois pour se mettre dans la peau de "sa légende" et pour être physiquement capable de s’introduire en douce dans une ambassade la nuit… Mais finalement, après bien des épreuves, elle découvrira la Corée du Sud.

Oups ! On lui aurait menti ! On ne meurt pas de faim en Corée du Sud ! 😊 .


Sac à dos Fuji Yama

Un deuxième personnage nous interpelle. Nous le découvrons au Japon cette fois-ci. Pauvre Naoko Tanabe, petite lycéenne de 13 ans qui rentre chez elle avec son sac de badminton sur lequel il y a la jolie silhouette du Mont Fuji : elle sera enlevée et "formatée" en Corée du Nord pour y devenir professeure de japonais à des élites particulières de l’armée. Ne plus être Naoko, se transformer en Park Hyo-sonn, ne pas oser entrer en contact direct avec une autre exilée japonaise et vivre au jour le jour ce travail de formatrice. Attendre. Espérer ? Espérer qu’un jour on reverra le Japon et ses parents, son petit frère… 

 

Retournons un peu au Japon. Mais pourquoi ce jour-là Setsuko Okada, en balade avec sa mère, a-t-elle eu envie d’une glace ? Ce détour par le marchand de glace, cette petite fantaisie va bouleverser son destin. On croise une voiture, un rien. Et, elle aussi, jeune femme de 20 ans étudiante infirmière, se retrouvera en Corée du Nord. 

 

Quant à l’archéologue Shigeru Hayashi, passionné par les dogû, ces énigmatiques statuettes de terre cuite, qui voulait juste aller poster sa thèse. Bien mauvaise idée que de vouloir faire une partie de trajet à pied. Il sera happé par des "recruteurs" et deviendra acteur dans des séries B de Corée du Nord ! Des caricatures de japonais et d’américains qui s’agitent dans un scénario minable écrit dans le but unique de venter le seul pays et le seul type de gouvernement qui soient valables. Propagande à bas prix.  Mais, grâce aux dogû, il y aura une perspective heureuse.


hanok

Il y aura un mariage en Corée du Nord : celui de Young-im avec Jim Selkrik, un américain qui croyait trouver un refuge en Corée du Nord pour éviter la guerre au Vietnam. Bon. Les débuts dans cette terre de "non accueil" seront très durs et laborieux, mais bon an, mal an, Jim trouvera avec son épouse (d’origine japonaise) un bel équilibre et vivra heureux dans un Hanok en cultivant son bout de jardin.

 

C’est bien beau tout ça mais on les recherche ces braves gens. On ne se volatilise pas comme ça : il y a la famille, les amis, la CIA… Et il y aura de petits indices, sur une photo, à la télé, des recoupements, tous les ingrédients d’une course au trésor dont le trésor consiste en retrouvailles heureuses !

 

Ne vous laissez pas dérouter par ces noms japonais ou coréens, improbables pour nous et difficiles à mémoriser. Juste un petit effort (et quelques retours en arrière si nécessaire…).


L’auteur, Éric Faye, est né à Limoges en 1963. Il a écrit des romans mais aussi des nouvelles ou des récits de voyages. Plusieurs prix lui ont été attribués dont celui de l’académie Française pour Nagasaki en 2010. Il anime des ateliers d’écriture de nouvelles…. Beau style, rythme, sensibilité, bref de bons ingrédients, une bonne recette et la main du chef !  A déguster sans modération…

 

Bonne lecture !

 

Éditions du Seuil

230 Pages


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire