Est-ce qu'Elin et ses comparses ont choisi leur patronyme pour affirmer leur choix - proposé par Morpheus -, revendiquant une vie oisive, à l'écart du monde réel, sans se soucier des problèmes pouvant toucher l'humanité ? Ou bien serait-ce une simple référence provocatrice au citrate de sildénafil ? Interrogations d'autant plus mises en valeur avec la pochette du dernier album. Sobre, élégante, dépouillée, sans aucun lettrage, représentant les musiciens vêtus de noir, épousant le fond noir, à l'exception d'Elin qui se démarque dans sa longue robe bleue. La pilule serait donc la charmante Elin Larsson ? C'est aussi la seule personne à avoir les yeux tournés vers le haut, au contraire de ses comparses qui ont les yeux mi-clos, tournés vers le bas. Une pochette féministe mettant en valeur la femme, comme si elle était la lumière de ce monde, au contraire de l'homme plongeant dans la matière ? Elin Larsson, telle une prêtresse ou divinité de la fécondité, s'affiche avec un ventre arrondi qu'elle soutient d'une main gracieuse. Bravade envers une industrie du divertissement qui, paradoxalement, prône l'éternelle jeunesse et la sexualité, mais cache généralement, comme un tabou, l'enfantement. Par le passé, quelques rares personnalités du divertissement avaient d'ailleurs fait les frais de la vindicte populaire pour s'être affichées - en représentation ou par séance photo - alors qu'elles étaient proches de l'accouchement (Devaient-elles rester cloitrées chez elle ?). Elin l'assume, le revendique, le crie avec le verso de la pochette qu'elle occupe seule, fièrement, soutenant des deux bras un ventre prêt à mettre au monde.
Intermède people : Elin a mis au monde un petit garçon, Loui. Si l'année dernière elle a continué à se produire sur scène enceinte (le gamin, qui n'a rien demandé, est déjà irradié aux watts et au heavy-rock), elle sait qu'elle va devoir désormais redoubler d'efforts pour concilier sa vie de mère et une carrière qu'elle ne compte pas lâcher.
Même si les femmes semblent n'avoir jamais été autant représentées dans l'univers "rock", ce n'est pas pour autant que la misogynie du milieu fait partie du passé. D'après Elin et Zach Anderson, les femmes y sont encore trop confrontées, même s'il y a des avancées effectives. C'est pourquoi l'album lui-même débute par une chanson écrite en souvenir d'une mauvaise expérience subie par Elin (au Mexique) qui a marqué le groupe ; celui d'un comportement déplacé, irrespectueux et sexiste d'un homme, lors de son anniversaire (d'où le nom : "Birthday"). Dès cette première pièce, on remarque que le son de Blues Pills a changé. Il a été relativement policé pour aborder des sonorités plus pop-rock. C'est comme si le groupe avait cherché à être plus mainstream, diffusable ; le format même des chansons tournant autour des trois minutes, paraît le confirmer. Toutefois, c'est fait sans vraiment se renier, sans tomber dans l'ouvertement commercial à base de sons synthétiques et/ou chargés. A cet effet, généralement, la batterie et la voix sont mises en avant, voire la basse, au détriment des guitares de Zach qui ont été muselées (sans pour autant abandonner ses Stratos, Zach s'est entiché des Danelectro 59M Nos avec les deux micros lipstick et de Telecaster Custom). Les fuzz et autres phasers ne sont branchés qu'en de trop rares occasions, tandis que ses soli, plus concis que précédemment, sont assez souvent un peu noyés par le mixage. Dommage, car ce musicien, qui est resté connu pendant longtemps pour son rôle de bassiste, notamment au sein de Radio Moscow et des deux premiers disques de Blues Pills, s'est avéré être un guitariste intéressant, fin artisan du son et de l'émotion.
L'ouverture, avec "Birthday", est encore bien rock, mais en flirtant avec un rock dit "alternatif" - genre Kings of Leon. "Don't You Love it" également, en penchant même vers Gossip... mais... rapidement des mouvements irradiant l'énergie et l'insouciance d'un rock garage allié à un groove Motown s'imposent, projetant ce morceau assez dansant dans quelque chose de particulièrement jubilatoire - en y prêtant une oreille très attentive, on entend des musiciens s'encourager et s'esclaffer (Yeah, Oh, et autres Hihaaa !). La voix d'Elin semble aussi avoir subtilement changé pour prendre parfois des intonations plus juvéniles, pouvant parfois évoquer Duffy, notamment sur "Bad Choices". Morceau d'ailleurs bien plus proche d'une pop-rock ferme - de bronze (plutôt que d'acier) - que du heavy-rock. Déception ? Non, même si on peut regretter les élans heavy-blues-psyché d'antan, ces morceaux, et les suivants, ne manquent pas d'attrait, finissant par s'imposer d'eux-mêmes. Et si on pourrait leur reprocher ce chemin de traverse, pas si éloigné du précédent, il ne faudrait pas oublier que jusqu'à présent, Blues Pills ne s'est jamais contenté de refaire le même album. C'est ainsi qu'il continue son chemin, en travaillant, en s'étoffant tel un arbre étendant ses ramures. Le tronc reste le même, plongeant ses racines dans son terreau, mais changeant d'aspect à mesure que ses branchages s'étendent.
Etonnamment, la voix d'Elin semble nimbée d'une nouvelle jeunesse. C'est comme si sa grossesse lui avait donné une nouvelle vision sur le monde, une nouvelle et plus douce façon de l'appréhender, en mettant un peu plus de douceur dans l'intonation de ses chansons. Ainsi, sur l'envoutant "Top of the Sky", sur une orchestration des plus simples et assez dépouillée, comme un voile transparent ondulant sous la brise, Elin, juste avec sa voix forte, claire et émotive, porte aux nues ce qui pourrait bien s'avérer comme la plus belle ballade du groupe. Loin des sujets traitant des relations amoureuses occupant la majorité des ballades, cette pièce est plutôt une mise en garde contre l'addiction aux réseaux sociaux, contre ce phénomène incitant les gens à faire n'importe quoi pour attirer l'attention à travers le net (l'impulsion vient du Youtubeur français qui a fait une chute mortelle d'une tour chinoise, à Hong-Kong, où il s'est retrouvé coincé à l'extérieur, au 49ème étage).
Au risque de faire grincer des dents les fans de la première heure, d'autres chansons douces émaillent l'album, . Comme "I Don't Wanna Get Back On That Horse Again", plus épurée encore, qui marche sur les plate-bandes d'Adele (des similitudes vocales déjà relevées dès "Lady in Gold", le second opus). Plutôt mainstream, Elin la sauve de la banalité. Plus rock, "What Has This Life Done to You", clôture l'album sur de savoureuses réminiscences sixties et soul. Sur "Like A Drug", Zach alterne entre guitare acoustique et slide fantomatique, pour une atmosphère éthérée, un tantinet progressive, juste retenues à la matière par une basse massive. Et puis, pour finir, "Someday Better", plus corsé et soutenu, franchement rock, renouant quelque peu avec l'essence du précédent, avec une formation qui s'enflamme, se laissant emporter par la musique dans une catharsis régénératrice.
Evidemment, d'autres pièces plus remuantes, en sus des trois premières, égrènent l'album. Tel le jovial "Piggyback Ride" (premier single) et le fringant "Holding Me Back", aux allures de course sans fin. Ce qui met à égalité pièces enlevées et pièces tempérées. Entre les deux se faufile "Shadows", qui aurait pu être un sulfureux blues marécageux invitant démons, sorcières et farfadets, s'il n'avait été brisé par des éclats de pop-rock braillarde.
Un pari risqué. L'album risque de diviser, voire de décevoir certains, d'être incompris, rejeté, pourtant, au fil des écoutes, avec quelques pièces addictives, il s'impose comme une grande réussite.
🎶
Assez loin du premier effectivement, que j'avais failli acheter. Je ne vais pas jouer au gynécologue-obstétricien, mais le gamin a dû quand même bien déguster....Alain Delon? C'est qui?
RépondreSupprimerC'est clair 😁
SupprimerIl y en a un qui est tombé dedans (dans la marmite) étant petit, lui (Loui), a été carrément immergé - dans une mixture de heavy-psyché-rock bluesy - avant sa naissance 👍🏼🤘🏼
J'aimerai bien voir ce que ce marmot va artistiquement donner. Même si rares sont les "fils de" à avoir eu une carrière pérenne.