vendredi 31 mai 2024

MARCELLO MIO de Christophe Honoré (2024) par Luc B.

 

On raille parfois l’entre-soi d’un certain cinéma français, mais alors là, ce MARCELLO MIO bat tous les records ! Chiara Mastroianni y joue son propre rôle, sa mère Catherine Deneuve y joue… sa mère, Benjamin Biolay qui a été son mari y joue son… ex-mari, elle avait fréquenté dans sa jeunesse Melvil Poupaud, qui reprend ici son rôle d’ex-petit ami… Ce n’est plus film, mais une réunion de famille.

Sauf que voilà, l’idée est géniale ! Le réalisateur Christophe Honoré connaît bien Chiara Mastroianni avec qui il avait déjà tourné six films. Et l’idée lui vient d’écrire cette histoire d’une Chiara qui se travestit en son père Marcello Mastroianni. Tout naturellement, le reste du clan est convoqué. Avec deux invités, l’actrice/réalisatrice Nicole Garcia et l’acteur Fabrice Luchini, eux-mêmes dans leurs propres rôles. Le déclic du travestissement est lui aussi génial.

Chiara Mastroianni passe un casting pour un film de Nicole Garcia. Lors des essais face à Luchini, elle débite son texte un peu trop vite au goût de la réalisatrice, qui lui donne comme consigne : « Joue-la plutôt en mode Marcello plus que Catherine » (référence au débit rapide de Catherine Deneuve). Cette réplique est géniale, dans ce qu’elle sous-entend de filiation et de style de jeu. Chiara s’interroge sur cette hérédité, cette fille-de, se grime en Marcello et part déambuler dans les rues de Paris. Tout le monde la prend pour une folle, sauf Luchini qui s’amuse de la situation.

Question : est-ce qu’on tient deux heures avec un tel argument, si génial soit-il ? Réponse : non.

Mais cela n’empêche pas MARCELLO MIO d’être un joli film plein de charme, de malice et de poésie. Certaines scènes sont très réussies, comme celle où Chiara (en Marcello, donc) participe sur un quiproquo à une émission de télé italienne, alignée avec six autres sosies de Marcello, que l’actrice Stefania Sandrelli (la vraie) doit relier à un de ses films. Comme les scènes avec Luchini, si heureux de pouvoir faire les 400 coups avec le comédien italien qu’il admirait tant, ou encore lorsqu'avec sa mère, elle revient dans l’appartement qu’ils avaient habité à Paris.  

Christophe Honoré truffe évidemment son film de références, le chapeau de HUIT ET DEMI, la fontaine de Trevi de LA DOLCE VITA, et sûrement d’autres que je n’ai pas repérées. Ainsi que des allusions à la vie privée des réels protagonistes, et c’est là que le film glisse vers l’entre-soi, beaucoup de clins d’œil nous passent au-dessus de la tête. Autre belle scène, quand Benjamin Biolay chante « Le grand sommeil » d’Etienne Daho, d’abord chez lui au piano, avant que la chanson ne s’immisce dans la bande son (chansons originales d’Alex Beaupain) et plus tard la scène du concert, un peu longuette tout de même.

L’autre point fort du film est sa mise en scène, certes un peu maniérée parfois. Christophe Honoré, homme de texte, de théâtre, mais aussi d’image, soigne ses cadrages, y déploie une certaine poésie. La dernière séquence est assez magique, la troupe, la famille, réunie en Italie, au bord de la mer. Avec ce deuxième déclic qui fera sortir Chiara de son personnage quand Deneuve, très naturellement, l’embrasse sur la bouche au petit déjeuner en lançant un : « bonjour mon amour ! ». Tout le monde finit à l’eau, étonnant de voir Deneuve (à son âge, et après ses problèmes de santé) nager la brasse ! Elle est formidable, comme toujours, pourtant la partition ne devait pas être si facile à jouer.

Le souci est que le film dure deux heures. L’argument ne tient pas aussi longtemps. Le scénario s’apparente davantage à une succession de scénettes, qui patinent parfois. Comme la première séquence où Chiara grimée en Anita Ekberg rejoue la scène de la fontaine de Trevi, à Paris, sous l’autorité d’une réalisatrice survoltée. De quoi s’agit-il, clip, pub ? On ne sait pas. Ou les moments avec le soldat anglais en garnison à Paris (une référence que j’ai ratée ?) dont les développements s'éternisent. Ce sont presque toutes les scènes qui s’étirent un peu trop, Christophe Honoré semble hésiter sur le ton à prendre, franche comédie absurde, hommage nostalgique, portrait déconstruit d’une actrice.   

J’aurais aimé davantage de fantaisie, voire de burlesque, de magie (le cinéma sait faire ça), de folie dans la mise en abîme. On pense parfois au DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH de Spike Jonze, complètement déjanté, mais Christophe Honoré ne pousse pas les curseurs aussi loin, il s’amuse avec le personnage mais reste dans la révérence. Le film amuse, réjouit, mais ne captive que par moment. Qu’en aurait fait un Quentin Dupieux ?

Le point fort tient aussi à l’interprétation. Chiara Mastroianni est formidable, une silhouette presque chaplinesque, elle s’amuse visiblement beaucoup à re-composer l’image du père, clope au bec et whisky à la main, fallait oser, face à une Catherine Deneuve toujours épatante, juvénile. Quelle actrice !


couleur  - 2H00 - format 1:1.85

 

6 commentaires:

  1. Shuffle Master.31/5/24 09:24

    Tu ne dis presque rien sur le jeu de Biolay. Par pudeur, sans doute?

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  2. Un jeu toute en retenue... très retenu. Je l'ai vu dans certains films où il était bien. Ici, pas franchement un rôle de composition puisqu'il joue lui-même !

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  3. Biolay qui joue lui même ??? Diantre, m'étonne pas que le film soit un tantinet longuet...

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  4. Je rectifie mon avis. On frise le rôle de composition puisqu'il apparaît assez sympathique dans le film !

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  5. Moi j'peux pas, c'est physique...

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  6. Déjà rien que l'affiche, désolé mais je préfère Anita Ekberg dans la fontaine de Trévi ...
    Et Biolay qui reprend Daho, ça me laisse songeur ... un ange passe, qui n'a pas la voix d'Otis Redding ...

    Honoré, c'est du cinéma cultivé, référencé, tout gentil, tout mignon, et finalement bien ianch ...

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