Encore un truc obscur, sauf pour les accros au Rock des années 70, et plus particulièrement au Heavy-rock, Heavy Cruiser. Cette fois-ci, la bande est parvenue à aller jusqu'à une seconde galette. Les deux étant aussi bonnes l'une que l'autre. Pas de quoi sauter au plafond, ou se cogner la tête contre les murs (n'essayez pas, un parent l'a longtemps fait, il est définitivement et profondément abîmé...), mais du bon matos qui a plutôt bien vieilli. De plus, deux des musiciens sont parvenus à notablement prolonger et rentabiliser leur carrière musicale.
En fait, ce quatuor repose essentiellement sur un olibrius, un Canadien du nom de Neil Merryweather dont la carrière débute probablement en 1963. Né Robert Neilson Lillie à Winnipeg, capital de la province du Manitoba, il s'épuise à travers différentes formations successives sans pouvoir jamais enregistrer le moindre disque, à l'exception de quelques 45 tours qui ne parviennent pas à traverser la frontière. En fait, si, mais leur manager s'est tiré avec les bandes.... Les choses semblent changer un peu lorsqu'il intègre The Mynah Birds. Un groupe qui s'arrête en 1967 mais qui gagne plus tard une certaine notoriété pour avoir hébergé deux futurs Steppenwolf, Nick St. Nicholas et Goldy McJohn, Rick James (alors encore Rick James Mathew), et deux futurs Buffalo Springfield, Bruce Palmer et Neil Young. C'est sur les conseils de Palmer, que Lillie part pour Los Angeles tenter sa chance ; ça a bien réussi aux potos (et à d'autres compatriotes).
C'est là, dans la "cité des Anges" que la vie de Robert Neilson Lillie va prendre une autre tournure. Avec le claviériste James Newton Howard, il fonde le groupe Merryweather, avec lequel les choses s'accélèrent. Deux disques intéressants mais inégaux sortent en 1969. Un premier mêlant pop-psychédélique et proto-hard, et un second, un double, "World of Mouth", plus rock et bluesy, parfois proche d'une prestation live, peu ou prou dans le sillage d'un Steve Miller Band. Ou retrouve d'ailleurs Steve Miller sur deux morceaux (1). C'est à cette époque que, suite à la bourde d'une présentatrice, mister R. Neilson Lillie devient à jamais Neil Merryweather. Et c'est à cette même époque qu'il rencontre sa muse : Lynn Carey. Ancienne mannequin adolescente, actrice à la carrière des plus modestes, (accessoirement fille de l'acteur MacDonald Carey), elle entame une carrière d'auteur-compositrice interprète prometteuse avec un premier album éponyme du groupe éphémère C.K. Strong (👉 lien). Elle chante aussi l'année suivante sur les chansons du film de Russ Meyer, "Beyond the Valley of the Dolls".
Amoureux, Lillie-Merryweather abrège la courte existence de son dernier groupe, le Neil Merryweather, John Richardson and Boers, auteur d'un seul album éponyme (œuvrant dans une forme de heavy-soul-blues psychédélique plutôt bon), et appelle des potos, dont Charlie Musselwhite et Barry Goldberg (de l'Electric Flag) pour enregistrer dans la foulée un disque avec sa belle. Oui, Merryweather est un hyperactif, il n'arrête pas et ce disque s'en ressent. Malgré du potentiel, "Ivar Avenue Reunion" a le goût d'un travail inachevé, précipité. En deux ans, Merryweather participe à quatre albums où il chante, joue de la basse, occasionnellement de l'harmonica, compose et, pour les deux derniers, produit. Le quatrième est de trop. Toutefois, le couple se fait remarquer par la major RCA, et il rebondit dès l'année suivante avec un nouvel album pas piqué des hannetons, en duo avec sa dulcinée et signé communément, "Vacuum Cleaner". Un bon cru en droite ligne du duo Delaney & Bonnie. Hélas, Merryweather se fâche avec la direction du label et claque la porte. Il remonte rapidement un groupe à la gloire de sa belle, Mama Lion ; où il se met cette fois-ci en retrait afin que toute l'attention soit reportée sur Lynn. Probablement encouragé par son compagnon, Lynn se lâche et rugit comme une lionne (of course). Du coup, face à la puissance libérée de sa voix, l'orchestration parait avoir du mal à suivre, semblant en comparaison manquer de muscle et de poils (de fourrure). D'autant que Lynn en fait parfois un peu trop, avec quelques occasionnels effets de démonstration vocale superflus, mal venus (ce qui sera en partie corrigé sur le second essai). Le premier album, "Preserve Wildlife", reste néanmoins dans les annales grâce à sa pochette découpée qui, en l'ouvrant, dévoilait un sein lourd présenté à un jeune lionceau (en France, le distributeur fait moins de chichis et publie un 45 tours racoleur, sans cache).
C'est là où on arrive - enfin - au cas Heavy Cruiser. On ne sait pas si, une fois placé en retrait, son ego en a pris un coup, ou si la musique de Mama Lion, à laquelle il a pourtant participé (et encore bien plus sur l'album suivant), ne le satisfait pas pleinement, mais voilà que dans la même année il fonde un groupe en parallèle. Malgré les séances studio et les prestations scéniques, il trouve le moyen d'enregistrer la même année un autre album. Avec les mêmes musiciens que ceux de Mama Lion. Plus étonnant, une bonne poignée de chansons est cosignée Carey-Merryweather. Et bien que non créditée, il semblerait bien que ce soit Lynn qui apporte sa contribution sur quelques chœurs. Echange de bons procédés ? Certaines chansons sont issues d'une démo qui est arrivée aux oreilles d'un A&R de Famous Music (subdivision de Paramount) qui a apprécié et s'est empressé de racheter les droits à Artie Ripp - le producteur de Mama Lion et le patron du label.
Quoi qu'il en soit, cet album éponyme est un bon album. Rien de révolutionnaire, un peu patchwork, mais indéniablement bon. Les musiciens assurent, même si le guitariste est loin d'être un redoutable soliste, et Neil se distingue par son chant rocailleux et mordant. Quelque part entre la nonchalance et la morgue d'un John Kay et la rage d'un Little Richard. Voire d'un David Lee Roth. Il y a un entrain communautaire et une fougue qui amènent le rock musclé de cet album à fricoter avec le hard-rock d'antan (de cette époque). Les morceaux sont assez courts, allant à l'essentiel, se perdant rarement dans des échappées personnelles. Cependant, il pourrait, aux oreilles de certains, manquer de cohérence, tant le groupe passe d'un registre à un autre. Tout en restant fermement ancré dans le Rock. L'album débute d'ailleurs par un rock'n'roll d'Eddie Cochran, "C'mon Everybody". Ce qui n'est pas dans les habitudes des groupes dits de heavy-rock d'alors, qui réservait plutôt cet exercice pour clôturer une face. Il est probable que Merryweather ait par là, tenter de reproduire l'exploit de Blue Cheer avec le "Summertime Blues" du même Cochran qui a conduit ce groupe Californien à un succès qu'il ne réitèrera jamais. Autre Rock des 50's, en ouverture de la seconde face, un "Louie, Louie" des plus réussis, grâce à Merryweather qui s'y écorche les cordes vocales.
Le lien avec le rock'n'roll est encore présent sur le brûlant "Wonder Wheel". Instant fugace de rock'n'roll nerveux, enduit de wah-wah, en duo avec une chanteuse toutes griffes dehors, aussi fulminante que Neil. Un savoureux contraste avec l'enchaînement sur le sulfureux cosmic-blues hendrixien, "Outlaws", aux vapeurs mauves de psychédélisme acidulé.
"As Long As We Believe" trempe même dans le Southern-rock en préfigurant Lynyrd-Skynyrd, notamment par le rythme de la guitare et le piano de James Newton Howard. (Howard qui va devenir un musicien de studio prisé, travaillant pour Elton John, Diana Ross, Bob Scaggs, America, Eric Carmen, Barbra Streisand, Harry Nilsson). Howard illumine aussi "Let Your Rider Run" qu'il porte quasiment seul, à bout de bras, l'orchestration étant minimale, laissant toute latitude aux claviers. Neil chante quasiment comme un Billy Joel des premiers jours. Ce qui n'est peut-être pas une coïncidence sachant qu'ils sont tous deux sous le même label - Family Production - et que d'après certains critiques, Neil aurait aidé Joel à trouver sa voie(-voix) en réalisant avec lui une démo qui va lui permettre d'enregistrer son deuxième album, "Piano Man" (1973), dans une maison plus sérieuse.
Par ailleurs, avec "Don't Stop Now", la bande se ramasse sur ce qui semble être une pâle copie de Deep Purple. Toutefois, ça reste bien mieux que le final et saoulant "Miracles of Pure Device", dont le free-jazz-rock d'autiste fracasse les esgourdes, vrille les nerfs, et gâche la fête.
On mesure la haute tenue du talent de Merryweather avec ses deux compositions, "My Little Firefly" et " 'Lectric Lady". La première, planante, vaporeuse, métal-éthéré, proche du Mahogany Rush première période. La seconde, nettement plus rock'n'roll, avec un final en duo avec une chanteuse féline (Lynn Carey ?) se présente comme une fusion entre Black Oak Arkansas et Meat Loaf - lorsque ces deux derniers se lancent dans un intense duo avec une tigresse.
A sa sortie, le disque ne mentionne pas de nom de musiciens (le CD non plus). Artie Ripp, le producteur de Mama Lion, et patron du label, craint que l'album interfère avec celui de Mama Lion, sur lequel il fonde tous ses espoirs. Pour beaucoup, dont Billy Joel, le label, ou la maison mère Paramount, avait une gestion des plus exécrables. Dans un interview de 2016, Neil déclare qu'il n'a pas gagné un cent du temps où il était chez Family Production. Pour commenter les conditions déplorables, il raconte que lors d'une tournée avec Mama Lion, un gars du label a retenu les billets d'avion jusqu'à ce que le groupe signe un contrat imposé.
Le second opus, moins virulent, moins rugueux, est plus maîtrisé et équilibré. Il touche d'autres sommets qui auraient dû lui ouvrir les portes de la notoriété, mais non.... mais ceci est une autre histoire...
A1 | C'mon Everybody - E. Cochran / J. Capehart | 2:14 | |
A2 | My Little Firefly - N. Merryweather | 3:19 | |
A3 | Don't Stop Now - J.N. Howard / N. Merryweather | 3:53 | |
A4 | Wonder Wheel - Lynn Carey / N. Merryweather | 1:24 | |
A5 | Outlaw - Lynn Carey / N. Merryweather | 2:34 | |
A6 | Let Your Rider Run - Lynn Carey / N. Merryweather | 3:22 | |
B1 | Louie, Louie - Richard Berry | 3:26 | |
B2 | As Long As We Believe - Lynn Carey / N. Merryweather | 3:17 | |
B3 | 'Lectric Lady - N. Merryweather | 2:16 | |
B4 | Miracles Of Pure Device - Lynn Carey / J.N. Howard / N. Merryweather | 6:44 |
(1) Serait-ce un hasard si "Teach You How to Fly" a bien des allures d'ébauche du fameux "The Joker" de Steve Miller ?
🎶🚢
Même quand on s'intéresse/s'est intéressé au rock des années 70, ça reste quand même (on notera le chiasme....), obscur. Le seul truc identifié c'est Mama Lion. Il y a du beau monde sur Word of Mouth... Les 40 premières secondes de Teach you how to fly ressemblent effectivement à une démo de The Joker.
RépondreSupprimerOui, p't'être bien. Toutefois, il y aurait un réel regain pour ces années - et celle de la décennie suivante - par les jeunes. (même si le cheminement doit être long et ardu); Et si, ces jeunes sont aussi musiciens, on peut être alors surpris par leur connaissance en la matière. D'autant plus de la part des cordistes (bassistes et guitaristes) qui, apparemment, doivent remonter le temps pour étancher leur soif de bons riffs 👍🏼😁😉
SupprimerAprès, il y a une différence entre ce quatuor et, par exemple, Aerosmith, Alice Cooper, Led Zep, AC/DC, Black Sab'. Ces derniers étant désormais considérés comme respectables et incontournables (en occultant tous les articles assassins dont ils ont été le sujet pendant des années - Led Zep y compris 😁) Tout juste s'ils ne sont pas étudiés en classe... 😊
Ils vont l'être. Ma voisine, qui a passé l'agrégation de musique, a été interrogée il y a quelques années à l'oral sur les claviers des groupes de hard des années 70....
SupprimerVraiment ?? 😲 Incrédibeule !! Jon Lord, Hensley, Steve Walsh, Don Airey, Gary Wright, Raymond, Allen Lanier, Oleg, Gregg Rolie ?
SupprimerOui, Monsieur. Elle m'a avoué avoir un peu séché...Elle était plus calée sur Sibelius.
SupprimerC'était fait pour. Le(s) coquin(s). Concours oblige...
SupprimerIl(s) devait(en)t probablement attendre qu'elle parle de l'importance de l'influence de la musique classique sur les claviéristes des groupes de hard-rock de cette époque. Certains passaient d'ailleurs par le conservatoire. Et puis, les œuvres personnelles de Mr Jon Lord sont régulièrement joués par des orchestres outre-Atlantique. Où, apparemment, en dépit de nombreux défauts et d'un absurde chauvinisme, on bien moins d'a priori en matière de musique.