- Attends Claude, j'pause mon sac… Voyons… Telemann, un nom connu mais pas très chroniqué dans le blog, il faut remonter à Noël 2021 où tu nous proposais l'écoute d'une cantate de ce compositeur baroque très prolixe, contemporain de Bach et Haendel et…....... Tu veux dire quelque chose ?
- Oui, oui Sonia, c'est très gentil de me donner un rôle dans ce billet… Donc chers lecteurs, six quatuors de ce compositeur talentueux à défaut d'être génial pour minimiser l'enthousiasme de Sonia… Pas de Passion selon Saint Mathieu (au sens de Bach) ou de Messie, chef d'œuvres absolus parmi bien d'autres des deux compères cités…
- Des quatuors ? on a déjà écouté le 16ème de Beethoven il y a peu de temps…
- Oui mais si tu fais attention à la liste des instrumentistes qui composent le casting, nous avons : une flûte, un violon, un violoncelle et un clavecin, une formule inhabituelle et colorée et pas du tout un quatuor à cordes classique…
- Hein ? Heu… à oui, je suis bêbête… Ça a l'air divertissant comme musique, mais pourquoi Paris ?
- Ben… parce que Telemann les a composés lors d'un voyage dans la Capitale en 1738… Hi hi, tu étais partie à fond mais…
Pat et Luc se sont foutu de moi avec mon timbre à titre de portrait de Telemann ! Il faudrait que les petits marioles se rappellent qu'au début du XVIIIème siècle n'existaient : ni les photomatons, ni la photo argentique ou numérique et encore moins des téléphones pour faire de ravissants selfies. Quant aux œuvres des portraitistes, ben… à part les princes, on n'avait droit à une toile voire deux dans sa vie, pas plus, à moins d'être un noble de haut rang 😊. De Telemann, on ne connait que le portrait de la chronique de 2021 ou des variantes sous forme de gravures brouillonnes…
Comme l'éducation nationale risquerait (pas tous les enseignants) de
demander pour le cours de la semaine suivante d'écrire sur "Telemann, sa vie, son œuvre", j'évitais en 2021 à nos collégiens de caviarder sans
trop de pertinence l'article copieux de Wikipédia en leur proposant un
résumé concis et structuré… Un langage simple, mais pas non plus du rebeu
😂.
- Ça va les chevilles Claude ?
- Heu oui Sonia, mieux, qui t'as parlé de mes tendinites ?
- Très drôle, je résume le résumé du billet précédent alors…
- Oui, et on fera un ajout sur les séjours parisiens de celui que l'Europe adulait bien plus que Bach lui-même !
Anner Bylsma - Jaap Schröder - Gustav Leonhardt - Frans Brüggen |
Né en 1681 à Magdebourg,
Telemann
débutera sa carrière à la même époque que
Bach,
Haendel
et
Vivaldi, tous disparus entre 1740 et 1760.
Telemann
connaîtra lui une longévité exceptionnelle pour le siècle des lumières,
vivant jusqu'à l'âge canonique de 86 ans (+ en 1767 à Hambourg).
En cette année 1767,
Mozart
parcourt l'Europe, initie le courant classique par ses quatuors et ses
symphonies et même, en fin de siècle, le romantisme dans ses concertos pour
piano. Il côtoiera
C.P.E. Bach, deuxième fils de
Bach
et lui aussi grande figure du classicisme. Mais par son style,
Telemann
restera fidèle à l'âge baroque.
Bach, Haendel et Vivaldi sont des stars du baroque considérées comme des génies. Telemann occupe une place en arrière-plan, ce qui est paradoxal pour cet homme qui, à l'époque baroque, connaissait une incroyable notoriété. Une explication à cela ? Je l'avais déjà donnée. On entendra beaucoup de contemporains siffloter le début des quatre saisons de Vivaldi, l'Hallelujah du Messie de Haendel (voire l'imposer à la sortie de leur mariage - avec Maggy on avait préféré Monteverdi 😊), Le Choral du veilleur de Bach, etc. Des hits de cette catégorie d'airs inusables… Une exception : le sublime Concerto pour hautbois en sol majeur TWV 51:2. de Telemann (Clic).
Michel Blavet |
Jean-Pierre Guignon |
Jean-Baptiste Forqueray
|
Pour
Telemann, ben… c'est plus difficile malgré l'excellence de son écriture. Ainsi en
participant au
jeu des milles euros animé par
Nicolas Stoufflet, identifier l'œuvre d'où serait extrait un air
sélectionné au hasard dans l'une des milliers de partitions de Telemann, c'est mort. D'autant que la discographie est fort riche !
À l'inverse, Albinoni et Pachelbel avec respectivement leur adagio (écrit en 1958 par Remo Giazotto à partir d'un fragment d'origine douteuse trouvé dans les ruines de Dresde bombardée 😊) et un canon sympa et usé jusqu'à la corde… Là c'est dans la poche (les 1000 € !). Pour le texte original de la chronique : (Clic). J'étais un peu sévère dans mon appréciation de la musique de Telemann. Bon ouais Ok, une Passion selon Saint Mathieu, mais pas de l'envergure de celle de Bach, on n'écoutera pas sa musique de divertissement ou à caractère liturgique la tête entre les mains, en méditation, mais bien jouée, comme nous le prouve l'interprétation choisie pour ces six quatuors, l'inventivité et les couleurs révèlent nombre d'émotions… sous réserve d'être prêts à les accueillir …
Écoutons ce jour six des douze quatuors parisiens pour flûte, violon, viole
de gambe ou violoncelle et clavecin composés en deux cahiers de six. Le
Premier cahier
date de 1730 : TWV 43:G1, D1, A1, g1, e1, h1,
second cahier
de 1736 : TWV 43:D3, a2, G4, h2, A3, e4. La numérotation des
œuvres de
Telemann
est incompréhensible pour un non expert comme moi, une numérotation savante
due à la difficulté d'établir une chronologie dans les 3700 manuscrits ou
les ouvrages édités (par gravure taille douce) qui nous sont parvenus parmi
6000 compositions…
Pour frimer lors d'un futur dîner :
Telemann-Werke-Verzeichnis (Catalogue des œuvres de Telemann), en abrégé TWV est l'indicatif du catalogue des œuvres de
Georg Philipp Telemann, un catalogue publié par Martin Ruhnke vers 1960.
TWV 43 désigne les pièces pour trois instruments solistes et une
basse continue (viole ou violoncelle), les lettres sont un codage des
tonalités, mais là c'est carrément occulte 😊.
~~~~~~~~~~~~~~~~~
En 1721,
Telemann
s'installe à Hambourg jusqu'à son dernier soupir en 1767. Il est
responsable de toutes les paroisses de la ville sur le plan musical. La
musique instrumentale l'occupe aussi beaucoup, ce qu'on lui reproche… Peu de
temps après sa prise de fonction, la mort de
Johann Kunhau
en 1722 laisse vacant le très envié poste de
Cantor de Saint Thomas de Leipzig.
Telemann
est fort attiré par le job, mais ses exigences financières sont un frein à
sa nomination et c'est
Jean-Sébastien Bach, pourtant moins apprécié qui sera nommé. Entre les dettes de jeu et ses
mésaventures conjugales,
Telemann
compose et sa notoriété permet la publication de ses œuvres, d'où des
rentrées d'argent plus conséquentes. Depuis 1720, il s'était promis
de se rendre à Paris pour découvrir la musique française, notamment celle de
Rameau.
Ce voyage devait répondre aussi à l'invitation de trois des plus grands
virtuoses du baroque tardif dans la capitale française : Le flûtiste
Michel Blavet
(1700-1768), le violoniste
Jean-Pierre Guignon (1702-1774), le gambiste
Jean-Baptiste Forqueray (1699-1782), et un claveciniste dont l'histoire a effacé le nom. Des artistes souvent
compositeurs et très appréciés à la cour de la Régence puis de
Louis XV,
Forqueray aura comme élève la fille de Louis XV, la princesse
Henriette-Anne et aussi le futur roi
Frédéric-Guillaume II de Prusse. Donc pas uniquement des potes…
En 1720, pour faire patienter ces virtuoses, Telemann avait composé le premier cahier de quatuors qui fut imprimé. En 1736, il écrit le second pour honorer ses hôtes lors de son arrivée à Paris en 1737, enfin… Telemann tiendra occasionnellement la partie de clavier. Les concerts sont des succès et le compositeur confiera dans ses écrits sa fierté d'avoir pu partager sa musique avec d'aussi éminents instrumentistes.
~~~~~~~~~~~~~~~~~
Les musiciens du
Quadro Amsterdam
ont choisi de graver le second cahier, plus sophistiqué que le premier. La
formation très libre : flûte, violon, violoncelle, clavecin, comme maints
ouvrages instrumentaux de l'époque trouve ses racines dans la musique
baroque du siècle précédent en Italie. Après la renaissance les styles
sonates, cantates, oratorios, concerto grosso, etc. commencent à imposer des
successions de mouvements et des tonalités dans leurs rédactions.
Les
quatuors
ou
quadri
de
Telemann, se présentent sous forme de suites variées et non comme le modèle
officiel à venir en quatre mouvements : Rapide – lent - rapide – rapide,
avec quelques entorses à ce schéma suivant le tempérament pour l'innovation
de certains compositeurs.
Le compositeur français
François Couperin a inventé vers 1724 un concept qui a pris la forme de "concerts" portant les titre
Les Goûts réunis. L'idée est d'apporter dans un habile et galant mélange des motifs
mélodiques venus d'Espagne, d'Italie, d'Allemagne, de France, etc.
François Couperin en homme astucieux promeut une musique jouable dans toute l'Europe.
Exemple, pour le
concert N° 7
:
1‑gravement, et gracieusement ; 2‑Allemande – gaiement ; 3‑Sarabande –
grave ; 4‑Fuguette – légèrement ; 5‑Gavotte – gaiement ; 6‑Sicilienne -
tendrement et louré. Les amateurs des
Suites
de
Bach
pour orchestre ou violoncelle ne seront pas déroutés par ce
vocabulaire.
Concert à Versailles en 1710 (Antoine Forqueray à la viole) |
À ces contrastes de rythme et de climat propres aux divers cultures
musicales,
Telemann
et ses confrères offrent une virtuosité de bon aloi au discours musical,
ajoutent des duels entre instrumentistes, en bref : de la musique de
divertissement riche et colorée. Dans le tableau ci-dessous, vous ne
rencontrerez pas les noms des danses,
Telemann
préférant à ce type de référence chorégraphique, ou à des termes de tempos
officiels, des adverbes et adjectifs précisant l'esprit dans lequel les
musiciens doivent interpréter le morceau.
De la musique pleine de charme qui ne justifie aucune analyse
musicologique. Vous en connaissez désormais sa genèse…
Le disque de
Quadro Amsterdam
réunit quatre des pionniers virtuoses de la redécouverte du style baroque,
la grande aventure encore très contestée dans les années 60.
Harnoncourt
et le
Concentus de Vienne
pulvérisaient les interprétations des musiques baroques et classiques sur
instruments modernes et dans un style assez lourd hérité du romantisme… Le
recours aux "instruments anciens", rares à l'époque n'était pas le handicap
majeur. Nous entendrons
Franz Brüggen
à la flûte qui créera l'Orchestre du XVIIIème siècle
plus tard
(Clic).
Jaap Schröder
tient la partie de violon et
Anner Bylsma
celle de violoncelle, il reviendra à l'usage des cordes en boyau pour
l'interprétation "authentique". Quant au claveciniste, organiste et chef
d'orchestre
Gustav Leonhardt, lui aussi l'un des chefs de file du retour aux interprétations anciennes,
je ne le présente pas, tout est dit dans la chronique sur la légendaire
gravure de la
Passion selon
Saint-Matthieu
de
Bach
(Clic).
Nota : sur le tableau ci-contre le gambiste Antoine Forqueray est le père de Jean-Baptiste Forqueray, ami de
Telemann. Bon musicien certes mais mauvais mari brutal qui aurait pu connaître les
geôles de nos jours pour violences conjugales…
Il existe divers enregistrements de qualité de ce corpus. En complément de l'élégance du disque de 1963, voici, captés en 1997 les deux cahiers, de nouveau par Gustav Leonhardt accompagné par Barthold Kuijken, Wieland Kuijken, Sigiswald Kuijken… une affaire de famille (Sony – 5/6). Les instruments sont vraiment d'époque. On notera les progrès accomplis en moins de quarante ans sur la vivacité du jeu des instrumentistes. Trop rapide, trop virtuose, moins de poésie qu'en 1963 ? À vous d'en juger 😊 !
Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
|
|
INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. |
Playlist |
Quartet No. 1 in D-Major, TWV 43:D3 |
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Playlist |
Quartet No. 4 in B Minor, TWV 43:h2 |
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1
2
3
4 5 6 |
I) Prélude (Vivement) II) Tendrement III) Vite IV) Gaiment V) Modérément VI) Vite |
2:06 1:49 2:13 4:29 3:05 1:56 |
19
20
21
22
23 24 25 |
I) Prélude, Vivement II) Flatteusement II) Coulant IV) Gai V) Vite VI) Triste VII) Menuet, Modéré |
3:38 2:11 2:30 1:48 1:30 3:07 3:55 |
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Quartet No. 2 In A Minor, TWV 43:a3 |
|
|
Quartet No. 5 In A Major, TWV 43:A3 |
|
7
8
9
10 11 12 |
I) Allégrement II) Flatteusement III) Légèrement IV) Un Peu Vivement V) Vite VI) Coulant |
2:47 3:20 2:15 3:10 1:50 4:35 |
26
27
18
29 30 31 |
I) Prélude, Vivement II) Gai III) Modéré IV) Modéré V) Pas Vite VI) Un Peu Gai |
2:12 2:07 4:45 3:36 2:10 2:25 |
|
Quartet No. 3 In G Major, TWV 43:G4 |
|
|
Quartet No. 6 In E Minor, TWV 43:e4 |
|
13
14
15
15
16 17 18 |
I) Prélude, Un Peu Vivement II) Légèrement III) Gracieusement IV) Vite V) Modéré VI) Gai VII) Lentement [- Vite - Lentement - Vite] |
2:03 3:05 2:10 2:46 2:57 1:52 3:58 |
33
34
35
36 37 38 |
I) Prélude, à Discrétion (- Très Vite - A Discrétion) II) Gai III) Vite IV) Gracieusement V) Distrait VI) Modéré |
2:45 2:48 1:19 2:13 2:53 4:58 |
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