Suite à une forte demande, et la gueulante homérique de Sonia qui en a sacrément marre de recevoir une pelletée de mail quotidiens à cet effet, voici un nouvel élément apporté au chapitre des perles oubliées. Chapitre réservé aux bafouilles sur ces groupes qui ont disparu après avoir réussi à enregistrer et à sortir le fameux premier disque. Le but ultime, l'Eldorado, la Terre Promise, hélas atteint au prix de pénibles et douloureux efforts et qui a souvent servi à donner le coup de grâce à des jeunes dont la tête était pleine de rêves et d'espoir. Qui se sont souvent retrouvés éreintés par des années de galère, de mauvaise nutrition et de nuits écourtées. Toutefois, une fois n'est pas coutume, alors que jusqu'alors ce chapitre s'est concentré sur des galettes des années soixante-dix, cette fois-ci, ce sera les années quatre-vingt-dix. Vouaille!
Ce groupe, c'est The Mother Station. Un groupe un peu mystérieux, dans le sens où les compositions sont le fruit de Gwin Spencer, la fondatrice du groupe, et de Jo Beth Dunn. Cette dernière ne fait pas partie de la formation, ne participe pas aux enregistrements, et ne semble pas avoir contribué à quoi que ce soit d'autre (un avis de recherche a été déposé. Le FBI aurait même donné un temps l'affaire à leur célèbre duo : le grand dadais et la jolie rouquine). Les autres musiciens complétant le groupe, officiant à la basse, à la batterie et aux (discrets) claviers, ne paraissent pas non plus avoir fait carrière - du moins, aucune trace d'enregistrement. Ou presque, car Paul Brown, le très discret claviériste, participe modestement à l'album "Empire" de Survivor et à "A View from the Inside" de Red Beach. Seule la chanteuse, Susan Marshall, peut se targuer d'un curriculum vitae plutôt bien rempli. Baignant dès l'enfance dans la musique - son père est chanteur et sa grand-mère soprano et pianiste -, encore enfant elle intègre une comédie musicale. A la fin de ses études, elle monte à New-York où, pendant cinq à six ans, elle se produit dans diverses opérettes à New-York (qui n'avaient absolument rien de rock'n'roll !). Puis, lassée (du vacarme urbain ?), elle rentre à Memphis (où elle avait fini son cursus scolaire, avant l'université). Là, elle se contente alors de faire la choriste pour divers studios. Elle participe aux chœurs de l'album éponyme de 1991 de Lynyrd Skynyrd.
Ainsi, en 1994, en pleine débâcle des phratries harderoques, bousculés sans ménagements par les débraillés du grunge - ce qui n'a pas empêché Aerosmith de faire un nouveau carton avec "Get A Grip", qui reste dans les charts pendant presque deux ans -, débarque tranquillou cet album sorti de nulle part, débordant d'une belle énergie positive et regorgeant de tempi groovy. Les couleurs ternes, les personnes floutées à l'apparence fantomatique et le lettrage de la pochette annonce la couleur : celle des groupes peu ou prou obscurs de la première moitié des années soixante-dix.
La seule reprise de l'album, "Fool for the Pretty Faces", est un repère désignant la source de la musique de Gwin. Cette chanson, pas nécessairement connue car issue d'une période bien moins glorieuse, est celle du fabuleux groupe anglais, Humble Pie. Précisément de l'album "On the Victory", premier essai d'une nouvelle tentative de Steve Marriott pour relancer son groupe en 1980. Chanson qu'il continua d'interpréter sur scène pendant sa carrière solo. Cette version aurait probablement ravi Marriott s'il était encore de ce monde. Quand on sait qu'une version de "Ninety-nine Pounds" - en duo avec Mavis Staples (!) - et qu'une de "Losing You" des Faces, ont fait aussi partie des sessions, il n'y a plus de doute sur ce qui fait vibrer Gwin Spencer. Hélas, ces deux chansons restent à ce jour inédites.
Toutefois, le disque n'est pas enfermé dans une bulle nostalgique, sourde à l'environnement extérieur. Ainsi, la guitare de Gwin n'hésite pas à prendre parfois quelques couleurs à tendance "grunge". Notamment du côté de chez Pearl Jam. Et ce, dès l'entrée en matière, "Put The Blame On Me", où les grattes résonnent comme celles du tandem Grossard-McReady ; par contre, hélas, c'est loin du jeu énergique et percussif de Dave Abbruzzese. Car s'il y a bien un point faible sur cet album, c'est la batterie - à moins que cela soit dû à un défaut de mixage. D'un autre côté, beaucoup se sont obstiné à cataloguer The Mother Station en tant que groupe de Southern-rock. Probablement par simplification, bêtement parce qu'il venait de Memphis. Certes, on pourrait considérer l'enjoué "Hangin' On" comme un essai dans le genre par Linda Perry (la compositrice douée, alors en plein boom avec ses 4 Non Blondes). Peut-être encore plus pour "Love Me" ; même si ce dernier glisse doucement vers une atmosphère de heavy-rock bastringue plus propre à Aerosmith (et la flûte traversière qui s'incruste sur la seconde moitié n'a rien à voir avec celle de Jerry Eubanks). Ou encore, la ballade "Spirit on Me", dont les réminiscences sudistes sont relativement fortes, peut-être exacerbées par ce crin-crin invité. Cependant, Susan en fait alors un petit peu trop.
Il y a hélas, aussi, trop emportements vocaux inutiles sur le slow-blues "Heart Without a Home", où Susan s'arrache les cordes vocales, comme si elle voulait marcher sur les pas de Janis Joplin... Cependant, pour cette chanson, c'est manifestement forcé. Au point que ça en devient même pénible. Ce morceau aurait été tellement mieux en l'écourtant. Il y a effectivement sur cet album quelques erreurs de parcours. Maladresses quasi obligatoires pour un premier essai, qui vise probablement trop haut avec douze titres bien remplis (le disque cumule 60 minutes). Le producteur, Joe Hardy, pourtant fort de plusieurs "hauts faits d'armes" (notamment avec ZZ-Top), aurait pu être de meilleur conseil, faire en sorte que l'album se recentre autour d'une dizaine de morceaux, voire moins, et en raccourcir certains. Hélas, la tendance était plutôt d'en faire un max, comme si, dorénavant, la quantité primait sur la qualité. Cependant, ces quelques égarements ne doivent pas occulter un album qui est quasiment devenu culte.
D'ailleurs, pour rester dans le giron de la grande Janis, la ballade Soul "Love Don't Come Easy", pourtant somme tout assez conventionnelle, réussit à accrocher en jouant sur la retenue et la maîtrise. Plus qu'à trouver une partenaire pour un slow... torride. Après un diptyque estampillé "hard-rock" plutôt réussi, semblant mu par l'influence des Black Crowes, avec "Black Beauty" et surtout "Hangin' On", l'album se clôt sur un "retour au calme". Carrément par un country-blues "What's On Your Mind", sans relief, puis une ballade tendance blue-eyed soul, avec "Show You the Way", puis avec "Stranger To My Soul" qui débute en acoustique, juste sur des guitares suivi d'un violoncelle. Avant de prendre de sérieux accents de Heavy-southern-rock proche d'un Blackfoot. On s'attend même à une envolée de soli de guitares dans la tradition des "Free Bird" et "Highway Song".
Après cet album plein de promesses, le groupe se dissout rapidement, et ses membres semblent disparaitre dans la nature. On ne retrouve trace que du versant féminin de la troupe. Soit Susan Marshall, qui accompagne à l'occasion quelques artistes et groupes - et non des moindres - en tant que choriste, et pour laquelle les portes des studio restent grandes ouvertes. On la retrouve ainsi sur de nombreux disques, dont ceux des Lynyrd skynyrd, Smokin' Joe Kubek, North Mississippi All Stars, Ana Popovic, Willy DeVille, Larry McCray, The Afgan Whigs, Don Nix, pour les plus connus. Plus tard, elle propose ses compositions (notamment à Ana Popovic) et au début du siècle, elle entame une discrète et paisible carrière solo, à l'écart du hard-rock. De son côté, Gwin Spencer se fait employer par la télévision et se fend en 2004 d'un intéressant album solo.
1 | Put The Blame On Me | 5:02 | |
2 | Fool For A Pretty Face | 5:03 | |
3 | Love Don't Come Easy | 5:33 | |
4 | Love Me | 5:06 | |
5 | Somebody Else Will | 3:36 | |
6 | Spirit In Me | 4:34 | |
7 | Hearth Without A Home | 6:47 | |
8 | Black Beauty | 4:34 | |
9 | Hangin' On | 4:31 | |
10 | What's On Your Mind | 4:07 | |
11 | Show You The Way | 5:40 | |
12 | Stranger To My Soul | 6:12 |
🎶👠
Connaissais pas, mais je ne pense pas être le seul. Ça fait un peu penser au Rossington Collins Band, qui n'est pas stricto sensu un groupe de southern rock non plus.
RépondreSupprimerRossington Collins Band ?? The Mother Station est bien moins fin et penche plus volontairement vers le hard-rock teinté de Soul et de Blues.
RépondreSupprimerMais effectivement, il y a quelque chose. Remarque pertinente 👍