Sonia découvre par hasard dans une revue d’architecture un article consacré aux prouesses possibles avec les « nouveaux bétons » et le nom de Nema M. lui saute aux yeux :
- Ouhaou Nema ! la gloire ! Dommage qu’il y ait une horrible photo d’un pilier et non pas ton portrait…
- Ça va Sonia, j’ai déjà eu du mal à me plier à cet exercice d’écriture n’en rajoute pas. La gloire, les honneurs et tout le bataclan, ce n’est vraiment pas mon truc. D’ailleurs gagner le zénith à tout prix ne porte pas toujours chance, tiens je te conseille la lecture de ce roman.
  Les lois de l’apogée. Tel est le titre d’un roman qui fait monter au
    firmament ses principaux personnages avant de les faire chuter, pas vraiment
    ensemble, plutôt alternativement. 
  Jérôme Vatrigant a écrit un
    roman, et il reçoit le prix Goncourt en 1988. Voici le héros
    de l’histoire. Un jeune dandy de moins de trente ans, beau et élégant, qui
    roule en Alfa Romeo et joue au tennis. Son frère,
    Antoine ne lui ressemble
    pas : il est chirurgien et un tantinet bourgeois de province, marié
    père de famille avec enfants. 1988
    Jérôme est interviewé par
    Greta Volante, une sicilienne au caractère volcanique (et sulfureux), au sujet de ce
    fameux prix. Et il est subjugué. Et elle, elle va s’attacher à sa gloire
    pour s’en servir comme d’un marchepied. Co-héros
    Antoine et
    Greta.
Le récit couvre la période de 1988 à 2014. Par la voix de Jérôme qui s’enregistre régulièrement sur des cassettes TDK (un magnétophone à cassettes, ça ne nous rajeunit pas), nous découvrons certains évènements et surtout ses pensées et ses sentiments à l’égard de Greta. De dialogues entre lui et Greta, il y a peu. Elle le tutoie, semble l’aimer au moins au début, puis se mettra à le vouvoyer. Peu câline c’est le moins qu’on puisse dire, elle le haït copieusement et d’ailleurs c’est réciproque. Mais leur façon d’être ensemble résistera à toutes ces années. Par la correspondance entre Jérôme et son frère Antoine, nous découvrons comme une complicité fraternelle même si les destins sont totalement différents ainsi que les caractères. Quoique. Finalement, Jérôme est un idéaliste qui se lance dans l’édition pour la passion des écrits plus que pour l’argent et la gloire, tandis qu’Antoine se lance dans la politique pour « sauver le pays », mais par contre il ne crache pas sur l’argent.
|   | 
| Camping à la plage | 
  Les ambitions de Greta, son intelligence, sa capacité à travailler comme une forcenée vont la
    conduire à devenir l’éminence grise d’un patron du CAC 40 :
    Arnaud Panaud. Evidemment elle n’est pas infaillible et fait des bourdes qui se verront
    lors de la crise financière de 2008, mais la dangereuse manipulatrice saura
    bien rebondir. Jérôme ne gère
    pas trop bien sa maison d’édition et frôle la faillite.
    Antoine se fait élire député PS
    en province, puis part aux Etats-Unis se remplir les poches en créant une
    clinique privée de chirurgie esthétique. 
Ah, oui, au fait, j’oubliais : le quatrième personnage. Max Kemper. Un allemand, mal fagoté, détective privé, qui se rend chaque année du côté d’Hossegor dans les Landes à la recherche d’un quelconque indice sur la disparition de Jonas Essenbeck. L’adolescent Jonas a disparu sans laisser la moindre trace il y a des décennies alors que ses parents et lui étaient au camping de Contis-Plage. Pour ce détective chevronné, cette affaire, il voudrait absolument la résoudre. Et il y met toute son énergie et tout son talent. Il finira par faire émerger la vérité, tout à la fin de l’histoire.
|   | 
| Hôtel privé parisien | 
  Donc le couple Greta -
    Jérôme vit une cohabitation
    étonnante mais qui n’empêche pas de faire que les soirées organisées par
    Greta dans l’hôtel particulier
    du boulevard Raspail rassemblent tout le gratin parisien. Ces dîners sont
    très courus. Discussions sur des sujets professionnels à voix basse pour
    Greta, propos plus culturels pour
    Jérôme en fin de soirée. Le tout
    dans une ambiance de rivalité mais aussi de recherches d’alliances pour la
    promotion d’un projet, d’une entreprise voire d’un appui de la part des
    gouvernants ou du chef de l’Etat… Le tout terriblement mondain.
    Blanchet (noir originaire des
    caraïbes, Jackson de son vrai
    nom mais surnommé ainsi par Greta) le majordome s’occupe de cet hôtel particulier, du chat de
    Greta appelé
    Le Chat et ensuite de son chien
    Le Chien, ainsi que du café du petit déjeuner de
    Jérôme. Belle attention ? Pas forcément car programmée par
    Greta….
Curieusement Max Kemper, tenté par l’écriture d’un roman, entre en contact avec Jérôme et cela se passe bien car ils deviennent amis. Mais le naturel hautain et prétentieux de Jérôme fait que cette amitié tournera court : le rejet du roman est cinglant.
|   | 
| Jean Le Gall | 
| XXXX | 
Jérôme fait rebondir, et ce très haut, sa maison d’édition en découvrant un manuscrit non publié, une œuvre de Proust. Magique, mieux que l’Euro-million ! La presse spécialisée l’adule, les tirages explosent, tout le monde est béat d’admiration. Même Greta semble s’adoucir. Le couple partira en vacances très loin dans un lieu paradisiaque, pour une réconciliation ?
  De leurs sommets les trois héros vont dégringoler. À cause de magouilles
    financières pour Antoine, à cause de mensonges et de faux pour
    Jérôme, et pire pour Greta. Mais je n’en dirai pas plus.    
  Les lois de l’apogée, en tout cas dans cette histoire, nous disent
    que, comme tout corps lancé en l’air retombe, ceux qui atteignent la
    notoriété et font fortune par de la « com », des manipulations,
    des voies malhonnêtes n’en profiteront pas. Ils retomberont de haut…
Jean Le Gall, la quarantaine, est à la fois directeur d’édition et écrivain. Et très certainement d’une grande culture ainsi que d’une grande curiosité par rapport aux microcosmes des élites parisiennes de la finance, de la politique et de la littérature. En tout cas son amour pour la langue française écrite, celles des grands auteurs comme on dit, transparaît et cela nous procure un grand bonheur de trouver un style hors du commun dans ces pages. Agréable lecture.
Robert Laffont - 340 pages
 


 

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire