mercredi 19 juillet 2023

Sammy HAGAR " All Night Long " - " Loud And Clear " (1978 - 1979), by Bruno

 



   1975, un jeune fou qui est passé subitement de l'ombre à la lumière en un seul disque, grâce à la perspicacité de Ronnie Montrose qui l'avait sorti de son groupe de reprises sans lendemain, quitte le groupe de Ronnie après la tournée européenne. Après deux albums magistraux de heavy-rock lourd et percussif qui définissaient le futur du Rock US, du Big Rock (comme certains allaient le nommer pour se démarquer d'une scène Metal qui commençait déjà à s'autoparodier). Enfin, suite à des désaccords, l'entente entre Ronnie Montrose et son chanteur n'était pas au beau fixe, et ne sait pas si ce dernier a été mis dehors ou s'il a claqué la porte. Qu'importe. Lui qui galère depuis les années soixante, marqué par une vie familiale difficile, fuyant un père violent - boxeur raté devenu à moitié fou par l'alcool - et faisant maints petits boulots lors des vacances scolaires et week-ends pour gagner un peu de monnaie. Ce qui lui permettra plus tard de s'offrir une première guitare, pour 40 $. 


   Cumulant les échecs musicaux, se retrouvant à l'aube des années 70 sans groupe, après que deux membres aient été arrêtés pour trafic de drogue, et père d'un premier fiston (Aaron), il n'a d'autre choix que de répondre par l'affirmative à la proposition de son beau-père pour conduire ses camions de chantier. Désormais, les rêves d'une carrière musicale où il serait reconnu et acclamé semblent inaccessibles. Jusqu'à ce qu'un guitariste talentueux qui en a sérieusement marre de faire le mercenaire en restant sagement dans l'ombre de ses employeurs, décide de monter son propre groupe et jette son dévolu sur lui. C'est ainsi qu'en 1973, avec le monstrueux premier album de Montrose - l'un des plus grands disques de Hard-rock -, le nom de Sammy Hagar apparaît pour la première fois dans la presse.

     Le jackpot pour le blondinet, et il aurait probablement pu assurer tranquillement ses arrières en restant suffisamment de temps dans le groupe de Ronnie Montrose, dont la carrière s'annonçait sous les meilleurs auspices pour se faire un nom. Même si pour cela il doit ravaler sa fierté et faire des concessions. Mais non, l'homme, endurci par la vie, préfère prendre le risque de mener tambour battant sa propre carrière. Direction plus que louable, même si le gaillard se doute bien que désormais il a toutes les chances de voir s'ouvrir devant lui les portes des majors. Et c'est bien ce qui se produit, et dès l'année suivante sort "Nine On a Ten Scale". Cependant, il y a entre celui-ci et ceux réalisés avec Montrose, un fossé plus profond que celui de la fosse des Mariannes. Visiblement, bouclettes est comme un gamin dans un magasin de jouets ne sachant plus quelle direction prendre, vers quoi tendre sa main avide. Et la production faiblarde n'arrange rien - Bette Midler s'accaparera "Keep on Rockin'" pour la B.O. du film "The Rose". Pour redresser la barre, Sammy sort rapidement un second opus, huit mois plus tard, en janvier 1977. Un album éponyme - également nommé " Red " ou " The Red album " (en raison de la pochette où tout prend des teintes rouges assez prononcées et du premier morceau du même nom) - qui certes, ne casse pas des briques mais comporte néanmoins quelques bonnes chansons (Bette Midler, encore elle, reprend la même année "Red"). Pas mal de reprises quand même. C'est à compter de "Musical Chairs" - également sorti assez rapidement, dans la même année - qu'il commence à trouver sa voie. Bien que l'album soit encore assez éclectique - et pour celui-ci en particulier, c'est plutôt une bonne chose - on sent qu'il est plus à l'aise. Même si c'est l'époque où il se coupe les tifs et perd sa blondeur (une teinture ?), essayant un look de crooner branché qui le rang quasi méconnaissable. Apparence qu'il ne gardera que quelques mois et surtout ne reprendra jamais ; à croire qu'il s'agissait d'une compromission. 


   Les chansons 
de "Musical Chairssont plus solides, mieux structurées. Outre son omniprésence sur la route, la raison provient probablement de la nouvelle mouture du groupe avec notamment le renfort du guitariste Gary Pihl, qui va devenir un fidèle lieutenant jusqu'à ce que Sammy mette sa carrière solo en sommeil. Pour cause d'emploi nettement plus lucratif au sein d'un groupe californien tenu par deux frangins, en remplacement d'un fanfaron, blond lui aussi. Il a aussi dégotté le batteur Denny Carmassi ; ainsi, avec déjà Bill Church à la basse et Alan Fitzgerald aux claviers, il a quasiment réuni la dernière formation de Montrose, telle qu'elle apparaît sur "Paper Money".

     Seulement voilà : comme pas mal de groupes de cette époque, il y a une nette différence entre la musique du monsieur donnée sur disque et celle sur scène. C'est ce dont témoigne ce premier live : "All Night Long". Et tout comme pour d'autres groupes, cet album live fait office de tremplin permettant à Sammy d'effectuer une première incursion dans le Top 100 US. Classement envieux qu'il ne quittera désormais qu'en de rares occasions (quatre fois seulement en plus de quarante ans à compter de 1978 - de quoi faire tourner la tête à beaucoup).

     Sur scène, Sammy et sa bande se lâchent, envoient du lourd, mettent le feu aux planches. Alors que sur disque, les chansons semblent tiraillées entre un rock à la Bob Seger, un heavy-rock Soul tel que défini par les derniers disques de Grand Funk Railroad et un Hard-rock entre Kiss et Moxy. Sur scène, il ne s'agit de rien d'autre que du pur hard-rock. Et lorsqu'il reprend le "Young Girl Blues" de Donovan, à l'origine sobre chanson folk intimiste avec pour seul instrument la sèche de l'Ecossais, il la transforme en un heavy-slow-blues poisseux et fébrile. Un poil long tout de même. On souhaiterait que le dernier mouvement, une véritable déferlante sonique, se pointe plus tôt.


     L'album paraît démarrer prudemment avec "Red" - titre qui va un temps être indissociable de son répertoire scénique, et lui servir de surnom, comme un brevet : The Red Rocker -, jusqu'à ce que la troupe, entraînée par une section rythmique accélérant le tempo tout en l'alourdissant, commence à montrer les crocs. Pris par le rythme, "Rock'n'Roll Weekend" suit dans la foulée, et prend des allures de petit bolide teigneux, insouciant, zigzaguant sur la highway, la police de la route à ses trousses ("I can't drive 55" chantera le monsieur des années plus tard). Le matériel du premier Montrose étant exceptionnel, il serait bien dommage de ne pas en profiter. Ainsi, Hagar a récupéré ses propres compositions ; à savoir "Make It Last" - ici couplé à un "Reckless" basique et frénétique, proto-Heavy-Metal 80's -, dans les normes mais 
toutefois ne parvenant pas à retrouver sa force percussive originelle, et "Bad Motor Scooter" qui clôture l'album dans un savoureux feu d'artifice Heavy-raw-boogie-rock. Véritable grosse cylindrée, équipée du bi-turbo "Carmassi-Church" (duo qui s'octroie une délicieuse petite échappée), crachant mille étincelles éblouissantes qui déchirent la noirceur de l'espace. Un final galvanisant - qui incite à envoyer les watts (au détriment du voisinage) - dont le coda pourrait bien avoir inspiré des Australiens tatoués et à la mine patibulaire. Rien que pour ça, ce live mérite de ne pas être oublié. Malheureusement, le fade-out dévoile que le morceau a été ignominieusement tronqué.

   Sinon "Turn Up The Music" tape plus dans un heavy-rock classique, du style rock stadium. Même si les grattes mettent à mal les Marshall, au point de souvent couvrir le pauvre Fitzgerald qui a bien du mal à se faire entendre, quêtant la moindre accalmie pour rappeler qu'il ne s'est pas endormi, ça reste dans les clous. Quoique le final est "pied au plancher", accélérant jusqu'au crash. Tandis que "I've Done Everything For You" préfigure le (heavy) rock FM qui, bien qu'allant vers une certaine facilité, va remplir les poches de Sammy la décennie suivante.

     Certainement pas l'album live de l'année, et on préféra le plus bestial et séminal "Live 1980" - pourtant alors quasiment passé inaperçu et boudé -, mais un disque sympathique, porteur de quelques très bons moments, qui rappelle qu'en dépit de quelques égarements studio, particulièrement à ses débuts (pression du label ?), Sammy Hagar était déjà bel et bien un véritable rocker. Un puissant chanteur doublé d'un excellent rythmicien, et même un honnête soliste, donnant de sa personne, suant, hurlant sur scène comme un diable rouge. Dire que la presse française s'est longtemps moqué de lui. Même si sa discographie n'est pas irréprochable, notamment par faute en raison de disques inégaux (mais plus probablement à cause d'une écoute succincte, voire quasi inexistante), ça reste incompréhensible. 



 En 1979, l'album est réédité pour le marché européen sous le titre "Loud And Clear" (avec une nouvelle pochette plus attrayante) augmenté par un bestial "Space Station n° 5" (capté en 79).

 

Side one




1."Red" (San Francisco, CA, July 4, 1978)John Carter, S. Hagar5:10
2."Rock 'N' Roll Weekend" (San Antonio, TX, June 21, 1978)Hagar3:40
3."Make It Last/Reckless" (Santa Monica, CA, March 23, 1978)Hagar6:40
4."Turn Up the Music" (San Bernardino, CA, March 28, 1978)Carter, Hagar5:15
Total :20:45
Side two




5."I've Done Everything for You" (Santa Cruz, CA, June 9, 1978)Hagar3:35
6."Young Girl Blues" (San Antonio, TX, June 21, 1978)Donovan Leitch9:00
7."Bad Motor Scooter" (San Francisco, CA, July 4, 1978)Hagar7:07
Total:19:40




👉  Autre article (lien) : 👌👍  " Live 1980 " (1983)

2 commentaires:

  1. Shuffle Master.19/7/23 13:58

    Connais pas très bien en solo, mais le 1er Montrose est effectivement un classique du genre.

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    1. De mémoire, même s'il y a de bien bonnes choses, il n'y a aucun album de Sammy Hagar équivalent aux deux premiers Montrose

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