vendredi 21 juillet 2023

MISSION IMPOSSIBLE : DEAD RECKONING - part. 1 de Christopher McQuarrie (2023) par Luc B.

Ce septième épisode de la franchise MISSION IMPOSSIBLE dure 2H45, et ce n’est que la première partie ! C’est-à-dire que le réalisateur Christopher McQuarrie, aussi scénariste et co-producteur avec Cruise, s’est dit en se rasant le matin, tiens, on va faire un film de plus de cinq heures,  parce que (je cite) il faut développer les émotions et laisser plus de place aux relations entre les personnages

Eh Coco, tu nous prends pour des billes ? Jamais un épisode de la série ne s’était autant focalisé sur son interprète principal ! Si tu veux privilégier les relations entre les personnages, ben tu raccourcis les courses-poursuites interminables et tu coupes les plans où on voit Tom Cruise sprinter, c’est-à-dire toutes les cinq minutes. Bon et puis, soyons franc, les affres sentimentaux et psychologiques des protagonistes, on s’en fout un peu, non ?

Comme désormais tous les films de ce type (James B. pour ne pas le nommer), tout repose sur des cascades, des effets spéciaux, des poursuites. Et ce principe scénaristique, le héros doit alpaguer une cible, que d’autres sbires convoitent aussi : des groupes de méchants en concurrence, la police locale, des services d’espionnages aux intentions plus ou moins honnêtes. Qui arrivera le premier ? Tout le monde, sinon ce ne serait pas drôle, et ça permet de relancer la course dans un autre point du globe.

Un canevas qui va se reproduire à Abou Dabi, Rome, Venise et Innsbruck (séquence autrichienne tournée en Norvège !). Allons-y dans l’ordre…

Un prologue joliment mis en scène se passe dans un sous-marin russe, le Sébastopole (l’équipage parle anglais avec l’accent russe !), le nec plus ultra en termes de camouflage, le bidule est totalement indétectable. Il est pourtant pris en chasse par un autre bâtiment, qui s’avère être un leurre à priori créé par une intelligence artificielle : l’Entité. C’est le thème du film, l’I.A. qui met en panique tous les services secrets de la planète, d’où cette scène formidable : à la CIA, des milliers d’agents, derrière des machines à écrire, retranscrivent les archives numériques sur papier !

L’Entité semble (semble, car franchement rien n’est très clair…) être contrôlée avec une clé cruciforme, en deux parties qui s’emboîtent. Et donc objet de toutes les convoitises. Celui qui la possède devient de facto le maître du monde.

Ethan Hunt, votre mission consistera à récupérer cette clé. Si vous ou un membre de votre équipe est capturé, le département d’Etat niera avoir eu connaissance de vos agissements (ah les faux derches !).

Première étape dans le désert, en pleine tempête de sable, où Ethan Hunt retrouve Ilsa Faust des services secrets britanniques, jouée par la superbe Rebecca Fergusson, découverte à l’occasion de l’épisode 5 [clic vers l'article], la tueuse en robe jaune, arfff, que de souvenirs… Elle est en possession d’une partie de la clé. Puis on a une scène au QG de la CIA, le genre de longue scène explicative, où Hunt s’introduit grâce à un masque. Car Christopher McQuarrie a le bon goût de renouer avec les masques en latex et les gadgets qui ont fait la gloire de la série.

La fine équipe du M:I, Ethan Hunt, Luther Stickell et Benji Dunn débarquent à l’aéroport d’Abou Dabi pour y intercepter la deuxième partie de la clé. C’est certainement la meilleure séquence du film, car McQuarrie croise trois enjeux à mener de front. Récupérer le sésame qui passe de poches en poches (entre en scène Grace la pickpocket délurée), ne pas se faire prendre par les flics/CIA/méchants, et déverrouiller une bombe atomique planquée dans des bagages. Rien que ça ! La limpidité et la lisibilité de la mise en scène de McQuarrie rend la chose palpitante et amusante.

Puis on atterrit à Rome. Jolie scène au commissariat avant que les cascadeurs investissent l’écran et les rues romaines, figure obligée, la poursuite en bagnole (dans le précédent épisode c’était à Paris). Ethan et Grace se retrouvent au volant d’une Fiat 500 électrique, enchaînés par des menottes, il gère le volant et elle les pédales. La réalisation est nerveuse, certains plans méritaient de durer plus de quatre secondes. Précision : Tom Cruise réalise ses cascades (argument marketing asséné à longueur d’interview), pour en profiter, pourquoi morceler les plans au montage ?

Exemple à Venise : le gars saute d'une rive à l'autre en prenant appui sur un vaporetto au milieu du canal. Si à l'écran on a un plan du premier saut puis un plan différent pour le deuxième, où est l'exploit ? Même si l'acteur a réellement sauté en une fois (ce dont je ne doute pas) si la continuité est cassée à l'écran par un angle différent, on n'y croit plus. Avec Belmondo, c'était one shot et plan large ! 

La séquence à Venise s’ouvre sur de longs palabres entre les protagonistes, on se jauge, on se menace, sourires acérés et mâchoires crispées. On retrouve la Veuve Blanche, personnage maléfique joué par la troublante Vanessa Kirby, il y a Grace et Ilsa, le méchant Gabriel et sa première gâchette Paris (jouée par Pom Klementieff, une frenchy qui nous vaudra à la fin un dialogue en français entre elle et Ethan). La castagne reprend de plus belle, overdose de plans charcutés, une bagarre interminable sur un pont vénitien filmée bêtement sous 18 angles, en bonus un plan aérien au drone complètement con. Et cette bonne idée sur le papier : une bagarre à trois dans un couloir de 60 cm de large. Mais là encore interminable et filmée au hachoir. C'est fou de finir par s'emmerder devant des scènes d'action. Du coup, tension zéro lorsque Ethan est contraint de choisir entre épargner Grace ou Ilsa

Tout ce petit monde se retrouve à bord de l’Orient Express à Innsbruck en Autriche (donc en Norvège !), avec en sus les pontes de la CIA. Ce huis-clos relève un peu le niveau, jeux de masques encore, en sens propre comme au figuré. On se dit qu’Hitchcock nous aurait troussé la chose avec délectation. Mais j’avoue que le final vaut son pesant d’adrénaline. La scène des wagons suspendus dans le vide rappelle furieusement une scène de JURASSIC PARK de Spielberg, mais passons… De toutes façons, ça devient difficile de faire dans l’inédit, seule la surenchère logistique semble motiver la production.

J’ai du mal à comprendre comment Christopher McQuarrie, scénariste attitré des films de Tom Cruise depuis WALKYRIE (2008) - on lui devait aussi USUAL SUSPECT, respect – passé depuis peu à la réalisation, qui s’était joliment illustré dans le premier JACK REACHER puis les derniers MISSION IMPOSSIBLE (le 5 surtout, ROGUE NATION) a pu perdre sa singularité, son élégance, ses références, pour se contenter finalement de faire comme les autres, débiter des plans survoltés au kilomètre assemblés à la machette.

MISSION IMPOSSIBLE : DEAD RECKONING (part. 1) ne se distingue pas des autres blockbusters. Bâti pourtant sur le même modèle que le dernier INDIANA JONES [clic vers l'article] il n’en a pas le charme. L’acteur-producteur Tom Cruise, qui accuse son âge - est-il encore crédible ? - semble être devenu l’unique motivation d’une telle production, Tom à moto, Tom sur un train, Tom en parachute, bientôt Tom à la ferme, et Tom qui court, qui court, qui court. Le seul plan de plus de 15 secondes est un travelling latéral qui suit Cruise taper son sprint, ok, on a compris, tu es encore physiquement en forme, plus que moi, et puis quoi ?

Qui dit part one, dit part two. Dans un an. On ira voir tout de même, histoire de boucler l’aventure.


couleur - 2h45 - scope 1:2.39  

3 commentaires:

  1. Bon...après avoir vu la bande annonce, je retiens que après "winter is coming", et ben war is coming...du coup j'ai très peur comme disait Ryan Gosling au gamin dans Drive...

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  2. Pas vu et pas vraiment envie de voir.
    Je valide l'analyse sauf sur un point. Les meilleurs James Bond sont pour moi à chercher du côté des derniers, ceux avec Daniel Craig (Casino Royale et surtout Skyfall, pour moi le meilleur de toute la saga). GoldenEye avec Brosnan était bien aussi, et l'atypique Au service secret de Sa Majesté, le seul de Lazenby. Par contre les premiers avec Connery et ceux avec Moore (les pires), pas grand-chose à sauver (allez si, Goldfinger ...)

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  3. J'aime bien les Sean Connery en général, l'esprit 60's, "Opération Tonnerre", "On ne vit que deux fois" notamment. Avec Roger Moore, on est passé à la comédie, et pas toujours du meilleur goût, mais "L'homme au pistolet d'or" est bien dans mon souvenir. Ceux avec Timothy Dalton (il n'en a fait que deux, non ?) je les avais vus au cinéma, mes premiers Bond en salle, renouent un peu avec des films plus bestiaux, violents, ceux de Connery, qui n’était pas un tendre. La série avec Daniel Craig se distingue parce que les producteurs ont confié le projet à de "vrais" metteur en scène, qui se sont appropriés le personnage, et pas uniquement à de bons techniciens aux ordres.
    Chez Mission Impossible, les 4 et 5 (6 à la rigueur) sont vraiment vachement bien. Je me demande si du côté des Bond, on ne s’est pas dit qu’ils venaient de trouver un réel adversaire, d’où cette surenchère depuis entre les deux franchises.

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