”HÔTEL DU NORD“ (1938) de Marcel Carné par Pat Slade
En
1938 la France profitait des congés payés et n’imaginait pas que l’année
suivante elle serait dans la drôle de guerre.
”Hôtel du Nord“ un film qui ne manque pas d’atmosphère
”Hôtel du Nord“
un grand classique du cinéma français que les moins de vingt ans n’ont jamais
regardé. Le Paris des années trente a souvent été représenté au cinéma comme ”Sous les toits
de Paris“ (1930) ou ”Le
jour se lève“ (1939), des images un peu désuètes d’une
capitale qui a bien changée avec le temps. J’ai souvent trainé mes guêtres du coté du canal
Saint-Martin et au 102 Quai de Jemmapes dans le 10e arrondissement,
une enseigne ”Hôtel
du Nord“, leur publicité : ”L'authentique Hôtel du Nord“ dommage de
casser l’image d’Epinal mais c’est complètement faux, il n’a jamais existé que
dans l’esprit de Marcel Carné. ”Hôtel du Nord“ un film qui restera dans l’histoire
du cinéma français pour ne pas dire mondial avec les dialogues d’Henri Jeanson et son argot titi parisien dans la
bouche d’Arletty.
Juste
l’histoire de plusieurs personnages qui se croisent dans un hôtel qui ressemble
plus à une pension de famille. Un couple d’amoureux transi et miséreux (Jean-Pierre Aumont et Annabella), un éclusier cocu et
donneur de sang (Bernard Blier), un dragueur
invétéré (Andrex), un client homosexuel (François Périer), les
sympathiques patrons (André Bruno et Jane Marken)
et le couple emblématique de l’histoire : Mr Edmond souteneur notoire et Mme
Raymonde prostituée qui a de la gouaille et du caractère (Louis Jouvet
et Arletty).
Pour
résumer sans rien dévoiler : un suicide raté, un mac amoureux d’une autre femme
que sa gagneuse et qui se cache d’un truand, un éclusier naïf qui pense que sa
femme est une oie blanche et qui se mettra en ménage avec Mme Raymonde après
que cette
dernière soit
partie avec Kenel le dragueur.
Mais ”Hôtel du
Nord“ se sont surtout les dialogues d’Henri
Jeanson, la fameuse scène ou Edmond et Raymonde partent à la pêche et
sur la passerelle qui enjambe le canal Saint-Martin, la prise de becs entre les
deux protagonistes. Mme Raymonde a appris que M. Edmond a couché avec une autre.
Ils ont une dispute, qui lui laisse un œil au beurre noir. Mais elle s’accroche
au projet du souteneur de quitter le milieu pour Toulon, tandis que le
maquereau n’aspire plus qu’à pêcher…
Mme Raymonde: — T’en fais du chichi parce que tu vas à la pêche ! Moi je
vais à la chasse tous les soirs et je ne crâne pas ! D’abord aller à La Varenne
quand on n’a pas le droit de croquer à Toulon… Pourquoi qu’on part pas pour
Toulon ? Tu t’incrustes ! Tu t’incrustes ! Ça finira par faire du vilain… M. Edmond: — Et après ? Mme Raymonde :
— Oh, t’as pas été toujours aussi fatalitaire… M.
Edmond : — Fataliste
! Mme Raymonde :
— Si tu veux ! Le résultat est le même… Pourquoi que tu l’as à la caille ? On
n’est pas heureux tous les deux… ? M. Edmond:
— Non ! M.
Edmond : — Tu l’aimes toi notre vie ? Mme Raymonde: — Faut bien, je m’y
suis habituée. Cocards mis à part, t’es plutôt beau mec ; parfait, on se
dispute, mais au lit, on s’explique ; et sur l’oreiller, on se comprend… Alors
? M. Edmond :
— Alors, rien. J’en ai assez, tu saisis ? Je m’asphyxie ! Tu saisis ? Je
m’asphyxie ! Mme Raymonde :
— A Toulon y’a de l’air puisque y’a la mer ! Tu respireras mieux ! M. Edmond :
— Alors ça sera partout pareil : j’ai besoin de changer d’atmosphère ! Et mon
atmosphère, c’est toi ! Mme Raymonde : — C’est la première fois qu’on me
traite d’atmosphère ! Si je suis une atmosphère, t’es un drôle de bled ! Oh la
la… les types qui sont du milieu sans en être et qui crânent à cause de ce
qu’ils ont été, on devrait les vider ! Atmosphère ?! Atmosphère ?! Est-ce que
j’ai une gueule d’atmosphère ?! Puisque c’est ça, vas-y tout seul à La Varenne,
bonne pêche, et bonne atmosphère !
J’ai fait des coupes dans le dialogue, mais il reste compréhensible dans
l’idée ; Une des répliques les plus célèbres du cinéma français. Bien sur,
il n’y a pas que celle-là mais elle est emblématique et reste la carte
d’identité du film. Du grand Jouvet, de
l’immense Arletty qui pendant la guerre sera
très ”occupée“ avec l’officier
allemand Hans Soehring, elle dira plus tard ”Mon cœur est
français mais mon cul est international“ accusée de collaboration horizontale, interrogatoires, onze nuits dans un cachot de la Conciergerie,
puis transfert au camp d'internement de Drancy.
Contrairement à la légende, Arletty ne sera jamais tondue. Elle est libérée
quelques semaines plus tard et assignée à résidence au château de la Houssaye,
en Seine-et-Marne. Avec interdiction de tourner. Finalement, le 6 novembre 1946, le Comité national d'épuration la
condamne à un blâme une peine assez bénigne. Parmi les griefs qui lui sont
reprochés : "A connu officier
allemand en 1941. Liaison amoureuse
avec ce dernier." Son premier film d’après guerre sera ”Portrait d’un
Assassin“ de Bernard Roland en 1949.
À l'exception de quelques plans, le film a été tourné
aux studios de Billancourt. L'Hôtel du Nord et le canal Saint-Martin ont
entièrement été reconstitués parle décorateur Alexandre Trauner
qui fera la plus part des grandes films français comme ”Les Visiteurs du Soir“, ”Tchao Pantin“
ou ”Subway“.
Pour les décors, tout a l'air vrai parce que tout est faux.
Il y aurait encore beaucoup de choses à raconter sur ce
film, mais je garde le suspens pour ceux qui ne l’aurait jamais vu.
”Hôtel du Nord“ un film à voir, un film avec
une certaine… atmosphère !
85 ans. Une vie. TOUT a changé.
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