mardi 25 juillet 2023

”HÔTEL DU NORD“ (1938) de Marcel Carné par Pat Slade


En 1938 la France profitait des congés payés et n’imaginait pas que l’année suivante elle serait dans la drôle de guerre.


”Hôtel du Nord“ un film qui ne manque pas d’atmosphère




Hôtel du Nord“ un grand classique du cinéma français que les moins de vingt ans n’ont jamais regardé. Le Paris des années trente a souvent été représenté au cinéma comme ”Sous les toits de Paris“ (1930) ou ”Le jour se lève“ (1939), des images un peu désuètes d’une capitale qui a bien changée avec le temps. J’ai souvent trainé mes guêtres du coté du canal Saint-Martin et au 102 Quai de Jemmapes dans le 10e arrondissement, une enseigne ”Hôtel du Nord“, leur publicité : ”L'authentique Hôtel du Nord“ dommage de casser l’image d’Epinal mais c’est complètement faux, il n’a jamais existé que dans l’esprit de Marcel Carné. ”Hôtel du Nord“ un film qui restera dans l’histoire du cinéma français pour ne pas dire mondial avec les dialogues d’Henri Jeanson et son argot titi parisien dans la bouche d’Arletty.                                                                       
Juste l’histoire de plusieurs personnages qui se croisent dans un hôtel qui ressemble plus à une pension de famille. Un couple d’amoureux transi et miséreux (Jean-Pierre Aumont et Annabella), un éclusier cocu et donneur de sang (Bernard Blier), un dragueur invétéré (Andrex), un client homosexuel (François Périer), les sympathiques patrons (André Bruno et Jane Marken) et le couple emblématique de l’histoire : Mr Edmond souteneur notoire et Mme Raymonde prostituée qui a de la gouaille et du caractère (Louis Jouvet et Arletty).

Pour résumer sans rien dévoiler : un suicide raté, un mac amoureux d’une autre femme que sa gagneuse et qui se cache d’un truand, un éclusier naïf qui pense que sa femme est une oie blanche et qui se mettra en ménage avec Mme Raymonde après que cette dernière soit partie avec Kenel le dragueur.                                   

Mais ”Hôtel du Nord“ se sont surtout les dialogues d’Henri Jeanson, la fameuse scène ou Edmond et Raymonde partent à la pêche et sur la passerelle qui enjambe le canal Saint-Martin, la prise de becs entre les deux protagonistes. Mme Raymonde a appris que M. Edmond a couché avec une autre. Ils ont une dispute, qui lui laisse un œil au beurre noir. Mais elle s’accroche au projet du souteneur de quitter le milieu  pour Toulon, tandis que le maquereau n’aspire plus qu’à pêcher…                                                               

Mme Raymonde : — T’en fais du chichi parce que tu vas à la pêche ! Moi je vais à la chasse tous les soirs et je ne crâne pas ! D’abord aller à La Varenne quand on n’a pas le droit de croquer à Toulon… Pourquoi qu’on part pas pour Toulon ? Tu t’incrustes ! Tu t’incrustes ! Ça finira par faire du vilain… M. Edmond : — Et après ? Mme Raymonde : — Oh, t’as pas été toujours aussi fatalitaire… M. Edmond : — Fataliste ! Mme Raymonde : — Si tu veux ! Le résultat est le même… Pourquoi que tu l’as à la caille ? On n’est pas heureux tous les deux… ? M. Edmond : — Non ! M. Edmond : — Tu l’aimes toi notre vie ? Mme Raymonde : — Faut bien, je m’y suis habituée. Cocards mis à part, t’es plutôt beau mec ; parfait, on se dispute, mais au lit, on s’explique ; et sur l’oreiller, on se comprend… Alors ? M. Edmond : — Alors, rien. J’en ai assez, tu saisis ? Je m’asphyxie ! Tu saisis ? Je m’asphyxie ! Mme Raymonde : — A Toulon y’a de l’air puisque y’a la mer ! Tu respireras mieux ! M. Edmond : — Alors ça sera partout pareil : j’ai besoin de changer d’atmosphère ! Et mon atmosphère, c’est toi ! Mme Raymonde : — C’est la première fois qu’on me traite d’atmosphère ! Si je suis une atmosphère, t’es un drôle de bled ! Oh la la… les types qui sont du milieu sans en être et qui crânent à cause de ce qu’ils ont été, on devrait les vider ! Atmosphère ?! Atmosphère ?! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?! Puisque c’est ça, vas-y tout seul à La Varenne, bonne pêche, et bonne atmosphère !

J’ai fait des coupes dans le dialogue, mais il reste compréhensible dans l’idée ;  Une des répliques les plus célèbres du cinéma français. Bien sur, il n’y a pas que  celle-là mais elle est emblématique et reste la carte d’identité du film. Du grand  Jouvet, de l’immense Arletty qui pendant la guerre sera très ”occupée“ avec  l’officier allemand Hans Soehring, elle dira plus tard Mon cœur est français mais mon cul est international“ accusée de collaboration horizontale, interrogatoires, onze nuits dans un cachot de la Conciergerie, puis transfert au camp d'internement de Drancy. 
 
Contrairement à la légende, Arletty ne sera jamais tondue. Elle est libérée quelques semaines plus tard et assignée à résidence au château de la Houssaye, en Seine-et-Marne. Avec interdiction de tourner. Finalement, le 6 novembre 1946, le Comité national d'épuration la condamne à un blâme une peine assez bénigne. Parmi les griefs qui lui sont reprochés : "A connu officier allemand en 1941. Liaison amoureuse avec ce dernier." Son premier film d’après guerre sera ”Portrait d’un Assassin“ de Bernard Roland en 1949.

À l'exception de quelques plans, le film a été tourné aux studios de Billancourt. L'Hôtel du Nord et le canal Saint-Martin ont entièrement été reconstitués par le décorateur Alexandre Trauner qui fera la plus part des grandes films français comme ”Les Visiteurs du Soir“, ”Tchao Pantin“ ou ”Subway“. Pour les décors, tout a l'air vrai parce que tout est faux.

 

Il y aurait encore beaucoup de choses à raconter sur ce film, mais je garde le suspens pour ceux qui ne l’aurait jamais vu.

Hôtel du Nord“ un film à voir, un film avec une certaine… atmosphère !  


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