mardi 6 juin 2023

COLETTE MAGNY (1926-1997) - par Pat Slade


Colette Magny c’était la voix des minorités silencieuses, tellement silencieuse qu’elle restera une icône qu’auprès d’un certain public.





La Vieille Dame Indigne



J’aime les femmes qui chantent seules devant un micro ou accompagnées d’une guitare ou d’un piano, mais que sont-elles devenus les Barbara, les Juliette Gréco, les Anne Sylvestre, les Catherine Ribeiro, les Francesca Solleville et Monique Morelli qui avaient de la voix et des paroles qui avait un sens ? Exit les Sheila, Jeanne Mas et autre Chantal Goya aux textes creux et sans âme. Beaucoup arriveront à percer aux yeux du grand public alors que certaines se feront un nom mais resteront toujours dans l’ombre.

Colette Magny, pourquoi un sous titre tiré d’une œuvre de Bertolt Brecht et qui n’aurait peut-être pas été pour lui déplaire. Ceux de ma génération on toujours connu cette femme avec les cheveux gris-blanc. Nous sommes en 2023 et depuis sa disparition il y a plus d’un quart de siècle, il serait temps de lui rendre un hommage mérité.

Colette Magny commencera sa carrière artistique sur le tard et pas seulement. Son éveil politique se fera à l’éveil de la trentaine :” Jusqu’à l’âge de 30 ans, je n’avais pas lu un journal. C’est dire que mon éveil politique, il a été tardif.“ C’est en voyant une bagarre entre l’extrême droite et une gauche non-communiste sous ses fenêtres, rue de grenelle où elle habitait pendant la guerre d’Algérie, mais ce ne fut pas la manifestation en elle-même, mais la non intervention de la police qui la marquera. Elle chercha alors à comprendre la vie politique et soutint les milieux anticolonialistes. Elle commencera dans la vie active comme sténodactylo bilingue. Elle a une belle voix et le jazzman Claude Luther va l’encourager à continuer sur cette voie. C’est dans le jazz avec le répertoire des chanteuses noires qu’elle aura la possibilité de se mettre en valeur malgré une obésité précoce. Elle quittera son travail et écumera les cabarets rive-gauche et notamment le Cabaret de la Contrescarpe en s’accompagnant à la guitare. Elle rencontrera François Tusques le musicien de free-jazz (Qui a eu sa chronique avec celle des sœurs Goadec) et il sera un temps son complice musical. 

Ce sera grâce à un passage à la télévision dans ”Le Petit Conservatoire“ de Mireille en 1963 qu’elle connaitra la notoriété avec sa chanson ”Mélocoton“ le titre sera un hit et elle fera la première partie de Sylvie Vartan à l’Olympia. Mais la dame à du caractère et refuse cette soudaine notoriété. Elle arrête de chanter le morceau qui l’a fait connaitre ainsi que les standards américains dans lesquels on veut la placer.

Elle va s’orienter vers les textes poétiques de Rimbaud à Hugo, de Tzara à Aragon et des citations politiques en faisant des collages de textes dont ceux de Sartre en chantant la Révolution cubaine ”Choisis ton Opium“ sur un rythme de jazz, Ce qui ne plaira pas à Odéon sa boite de disque. Le représentant d’Odéon dira : ”Ce Sartre est un communiste“ (Qu’ils sont cons ces ricains ! nda) et d’après l’anecdote elle lui aurait renversé son bureau sur les jambes.

L’éditeur ”Chant du Monde“ lui ouvre ses portes. L’éditeur étant proche du partie communiste, elle connaitra une très grande liberté de mouvement dans ses créations. Elle aura toujours une audience dans le milieu militant mais les médias la bouderont. Son album ”Vietnam 67“ sera une réussite. C’est dans le mouvement de mai 68 qu’elle se reconnaitra et ”Vietnam 67“ sera bissé à sa première représentation au TNP ce qui lui donnera une grande popularité dans la jeunesse engagée.

La Fête de l’Huma, celle du PSU, les MJC, les usines en grève, elle est partout où est la lutte ouvrière. Elle chante les Femmes en lutte avec Catherine Ribeiro, les mouvements gauchistes acclameront son album ”Repression“ en 1972. Avec le temps son combat changera, le péril écologique deviendra son cheval de bataille avec ”Kevork“ en 1989. La télévision lui consacra quelques émissions où elle se montra souvent provocante.    

Elle avait quitté Paris pour le Tarn-et-Garonne où elle fonda l’association culturelle Act’2. Mais son regard se tournait toujours vers le monde populaire : ”Dans la famille coup de poing, Ferré c’est le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils. Et moi la mère !Aimait-elle à dire. Elle décède un jour de juin 1997 nous laissant  une petite discographie de onze albums riches en mots et en engagements.




4 commentaires:

  1. Merci de nous rappeler qu'elle était aussi une très grande "blueswoman"

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  2. "Exit les Sheila, Jeanne Mas et autre Chantal Goya aux textes creux et sans âme"

    Mouais, sauf que ces dames n'ont jamais prétendu être des chanteuses à textes et que quand on traduit les chansons pop-rock anglo-saxonnes, ce n'est pas du Shakespeare non plus (vous me rétorquerez à raison qu'ils ont d'autres arguments à faire valoir)... Et venant de quelqu'un qui chronique (j'ai bien dit CHROnique...) "Vilaine Fermière" sur ces pages ("Oui mais non", "Q.I", "Appelle mon numéro", "Du temps"...)...

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    1. De Mylene Farmer, je n'ai chroniqué qu'"Innamoramento" et ses prestations live, je n'ai jamais fait d'autre albums

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    2. C'est exact. Son dernier à peu près valable d'ailleurs, on sentait déjà la perte d'inspiration poindre le bout de son museau...

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