Je ne chronique pas un disque des Beatles, mais un polar tout à fait intéressant, écrit par Duane Swierczynski, qui a d’abord été journaliste, scénariste de bandes dessinées pour Marvel (des trucs comme Deadpool, Iron fist, X-Men), et écrivain. L’intérêt premier de REVOLVER tient dans sa construction. L’auteur valse entre trois récits, mais ne raconte pourtant qu’une seule intrigue.
7 mai 1965, à Philadelphie. Un binôme de policier, Stan Walczak et George Wildey, sont abattus dans un bar. Juste avant les coups de feu fatals, ça discutait musique au coin du judebox, une bière fraîche à la main, une Schmidt’s, George est un grand fan de Soul Music, Stan est plutôt polka.
7 mai 1995. Trente ans plus tard, Jim Walczak, fils du premier, devenu aussi policier, se rend avec son fils ado devant ce qu’il reste du bar dans lequel son père à été tué. Un bouquet de fleurs dans une main, une Schmidt’s glacée dans l’autre. Un camé s’approche, les interpelle, Jim ne percute pas tout de suite. Il s’agit de George Wildey Jr, le fils du coéquipier de son père.
7 mai 2015. Audrey, fille de Jim, fâchée avec la famille, arrive de Houston pour une cérémonie honorant la mémoire de ces deux flics tués en service il y a 50 ans. Tout le gratin municipal est présent, mais ça dégénère un peu, Audrey est une adepte du Bloody Mary, surtout à 10 heures du matin. Audrey est aussi dans la police, presque, elle finit son cycle à la police scientifique.
Trois époques, trois générations de policier, une seule famille, une seule enquête non résolue à ce jour. Duane Swierczynski découpe son livre en juxtaposant les chapitres : 1965 / 1995 / 2015. On rembobine en 1965, Philadelphie, les émeutes raciales dans le quartier noir, raison pour laquelle le binôme est constitué d’un blanc, Stan Walczak et d’un noir, George Wildey. L’auteur décrit très bien cette époque, le racisme latent dans la police, la corruption, les petits arrangements, les longues journées ou les nuits de planques. Et cette rumeur colportée par des indics, à propos des Loups. Un complot orchestré par les blancs pour mettre les noirs au pas. Stan Walczak et George Wildey enquêtent, ça ne plaît pas à tout le monde, ça gène le petit commerce des trafiquants. Est-ce pour cela qu’ils ont été abattus ?
1995. Jim Walczak travaille toujours à découvrir qui a tué son père, il y a un suspect qui justement vient de sortir de taule, en probation, Jim fait des heures sup’ pour le coincer. En parallèle, il mène une enquête sur le viol et le meurtre d’une journaliste d’un canard local, qui habitait dans un quartier réhabilité, sûr. La municipalité met la pression pour que l’enquête avance, les élections arrivent. Sonya Kaminski, qui bosse à la mairie, est continuellement sur le dos de Jim, à croire que c’est elle qui dirige l’enquête.
Il faut s’habituer à cette narration systématiquement découpée en trois époques, mais c’est justement ce qui fait tout l’intérêt de cette lecture. Chaque fin de chapitre nous apporte une révélation, des indices, mais il faut attendre deux chapitres après pour avoir la suite, puisque qu’on change régulièrement d’époque. Ce bouquin est très joliment écrit, sec, comme les grands Romans Noirs, les chapitres avec Audrey sont très drôles, le personnage est épatant, seulement 25 ans et déjà revenue de tout, insolente et déphasée, affublant des surnoms à tout le monde, vacharde.
Les séquences avec Jim Walczak donnent dans le polar classique, l’enquête minutieuse sur le viol, les premiers suspects trop faciles à trouver, l’entêtement du flic pour approfondir ses investigations, scrutée par une Sonya Kaminski qui semble faire partie de la famille. On la retrouve encore en 2015, quand son fils est pressenti pour être le futur maire.
Plus le roman avance, plus la trame chronologique se resserre, plus on comprend les implications entre les époques, les protagonistes, trois narrations qui en réalité n’en font qu’une, et dont on se dit qu’un très bon metteur en scène aurait pu faire un excellent film.
Rivages/Noir - 410 pages
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire