- Clementi, clémentine… Hihi Claude, encore un petit nouveau dans le blog ? Un baroqueux, un moderne ? Y a pas de dates pour ses sonates…
- Époque classique et début du romantisme Sonia. D'origine italienne, mais une longue carrière en Angleterre. Un pionnier du piano moderne…
- Pourtant M'sieur Horowitz lui a consacré un album entier… Il est bizarre que l'on parle si peu de ce compositeur…
- Clementi fait partie de ces compositeurs oubliés après le trépas et qui attendent au musée des manuscrits leur bienfaiteur, ici, le pianiste américain légendaire, déjà à la une dans le blog pour Schubert, autre grand nom qui faillit finir à la trappe…
- Tu vas nous raconter tout cela… Muzio, comme Muzio vinaigrette… hahahaha…
- Dis Sonia, tu en as encore beaucoup d'autres des calembours débiles sur le nom de cet homme ? t'as mangé quoi au petit déj' ? Du clown ?
Muzio Clementi (1752-1832) |
Certains compositeurs n'ont pas su gérer leur notoriété… au point de
disparaître totalement du hit-parade classique. Difficile de définir les
raisons objectives de cet effacement post mortem. Intérêt faible ou manque
d'originalité des compositions ? Carrière trop discrète et occupation de
poste(s) de peu d'envergure ? Personnalité trop modeste ? Mystère et point
commun à ces oubliés, l'attente de leur ange gardien, un instrumentiste ou
un maestro qui les redécouvre… et persuadent organisateurs de concerts et
labels discographiques de s'y intéresser… Merci à
Vladimir Horowitz et à… son épouse née Toscanini…
Heureusement pour les mélomanes, il y a les miraculés grâce à un éditeur,
un musicologue, des virtuoses de renom et de toute catégorie qui exhument
leurs partitions… Citons
Schubert, dont 10% de la production fut publié de son vivant et, sans son frère
hyperactif et les progrès techniques des interprètes, n'aurait jamais été
reconnu comme "un miracle" de la musique.
Mozart, lui, connut la gloire dès l'enfance grâce à un père possessif qui
"commercialisa" à outrance son gamin surdoué qui, heureusement, se révéla
être un génie… sans aucun doute excentrique voire un peu fat, mais un génie
quand même… Il y a surement plein d'exemples identiques mais Sonia va me
gronder…
Muzio Clementi, dont certains musicologues n'hésitent pas à affirmer que sans cet as du
clavier,
Beethoven
n'aurait jamais maîtrisé aussi bien l'art raffiné de ses dernières sonates,
est l'exemple même d'un compositeur pourtant innovant, mais disparu dans les
limbes de l'histoire de la musique après son décès. Pourtant ses premiers
pas dans le monde musical européen sont identiques à ceux de
Mozart
qui le détestera alors que l'inverse n'aura pas lieu… d'où l'utilisation du
mot "fat", pas sympa mais un poil justifiée…
Pour mieux se repérer dans le temps, Muzio Clementi est né en 1752, Mozart en 1756, Beethoven en 1770… Par contre, Clementi en mourant en 1832 (1827 pour Beethoven) a vécu quatre-vingt ans ! Longévité exceptionnelle à l'époque. Un petit détail important : il repose à l'Abbaye de Westminster auprès de Henry Purcell, Georg Friedrich Haendel, Ralph Vaughan Williams… Un honneur plutôt rare peu réservé aux musiciens par rapport à un millier de personnes inhumées, ce qui montre une célébrité reconnue du maitre italien par la perfide Albion.
Mozart et sa part d'ombre |
Muzio Clementi voit le jour à Rome, aîné d'une fratrie de sept enfants. Son père, Nicolo Clementi est orfèvre. Les dons musicaux du garçon sont décelés dès son plus jeune âge et à neuf ans, il peut déjà occuper le siège face à la console d'un orgue. Ayant atteint ses quatorze ans, Muzio est remarqué par un richissime anglais, Peter Beckford, intellectuel et politicien qui passe un deal (soyons british) avec Nicolo Clementi. Il accepte d'assurer la formation, le logis, en un mot le mécénat de Muzio sous réserve que l'adolescent occupe le rôle de claveciniste dans son domaine de Steepleton Iwerne, dans le comté de Devon. Peter Beckford visitait l'Italie dans le cadre de son "grand tour", un voyage initiatique dans toute l'Europe que tout jeune Anglais noble et/ou fortuné se devait d'assumer…
Muzio
restera sept ans au service de Beckford, étudiant le clavier
(clavecin à l'époque) et couchant ses premières compositions toutes perdues.
Il donne en 1770 son premier concert avec succès puis, libéré de ses
obligations vis-à-vis de son mécène, part pour Londres en 1774. De
Haendel
à
Carl Friedrich Abel
(Clic), deux allemands, force est de constater que l'Angleterre sera une terre
d'accueil pour des compositeurs en quête d'une carrière ailleurs que sur le
territoire germano-austro-hongrois où la concurrence est rude 😊.
De concert en concert, dans les années 1770,
Clementi
gagne en célébrité et se voit même considéré comme le meilleur pianiste du
temps !
Clementi
commence une tournée en Europe en 1781. Il rencontre l'autre virtuose
du moment, Mozart de quatre ans son cadet. L'empereur Joseph II organise non pas un
combat de coqs, mais une joute pianistique d'improvisations entre
Mozart
vs
Clementi
et proclame un match nul à la fin des n rounds…
Je ne peux m'empêcher de livrer à votre opinion les courriers de
Wolfgang
à papa Leopold Mozart suite à la compétition "Clementi joue bien, pour ce qui est de l'exécution de la main droite.
Sa force réside dans les passages en tierces. Par ailleurs, il n'a pas
un kreutzer* de sentiment ou de goût" ou encore de la même veine "Clementi est un charlatan, comme tous les Italiens, il écrit presto
mais ne joue qu’allegro, j'ai pu le constater.".
(*) Petite pièce de monnaie en cours dans le Saint-Empire Germanique… soit en résumé : "Clementi, ça ne vaut pas un sou" !
Vladimir Horowitz |
J'aime beaucoup Mozart, mes quarante deux chroniques qui lui sont consacrées en témoignent et, comme dirait mon ami Luc, toujours prêt pour un bon mot : "Mozart a son rond de serviette au Deblocnot.". Mais cette fatuité m'aurait rendu impossible toute sympathie ! À l'inverse, Muzio Clementi eut toujours une évidente et sincère admiration pour Mozart.
En 1782,
Clementi
retourne pour vingt ans à Londres assumer un emploi du temps chargé :
interpréter et diriger
Les concerts Salomon organisés par un
violoniste et maestro allemand du nom de
Johann Peter Salomon.
Clementi
y propose ses œuvres et croise
Haydn
venu jouer les siennes (il écrira les douze symphonies
londoniennes
à cette fin lors de son séjour entre 1794-1795).
Clementi
enseigne à de futurs virtuoses dont
Hummel,
Moscheles
et
John Field
qui sera l'un des maîtres d'un certain…
Chopin. Il travaille également au perfectionnement du piano forte en tant que
facteur de cet instrument définitivement adopté en remplacement du clavecin,
grâce à
Mozart
notamment, reconnaissons-le. Désastre terrible : son atelier et les pianos
sont détruits par le feu en 1807.
Et comme si toute cette activité ne lui suffisait pas, il devient éditeur…
Parmi ses clients le plus prestigieux sera
Beethoven, l'un de ses admirateurs, à savoir une référence d'importance… Les
éditions anglaises des partitions de
Ludwig van
ne seront pas exemptes d'erreurs de copie dit-on…
À partir de 1810 Clementi ne donnera plus de concerts mais se consacrera à la composition et complètera son catalogue très pianistique par six symphonies qui affichent un air de famille évident avec celles de Haydn et avec les deux premières de Beethoven avant que ce denier ouvre les grandes portes du romantisme avec la symphonie N°3 "Héroïque".
Partitions de 1860 |
Parmi 178 ouvrages, son œuvre principal est un recueil de
110 sonates
dont l'exécution exige souvent une virtuosité supérieure à celle de son
concurrent
Mozart… qui, toujours aussi affable, dénigrera celles écrites entre
1770 et 1790, écrivant à sa sœur "[…] Ne joue pas les sonates de Clementi en raison de leurs passages
sautés, et de larges étendues et accords, […] il pensait que cela pourrait gâcher la légèreté naturelle de sa
main". Il est vrai que les écarts et la vélocité dans ces sonates font songer
aux difficultés de la technique d'un Beethoven a contrario de la plus grande simplicité technique de
Mozart
ne disposant ni de grandes mains ni de pianos très perfectionnés… Cela dit,
les sonates des deux hommes partagent un point commun : la poésie !
Clementi
meurt déjà oublié en 1832 et pourtant sa tombe voisine celle des plus
grands à Westminster…
~~~~~~~~~~~~~~
Vladimir Horowitz
bénéficie d'une biographie détaillée dans la chronique dédiée à la sonate D 960
de
Schubert, un monument du répertoire et du disque
(Clic). On doit au virtuose à l'humeur versatile la redécouverte du patrimoine de
Muzio Clementi, du moins sur le plan interprétatif, car remercions son épouse
Wanda Toscanini (1907-1998), fille du célèbre maestro exilé
aux USA, de lui avoir offert
les partitions
du compositeur italo-britannique.
Horowitz
se passionna pour la sophistication de leur écriture et démontra par ses
exécutions galvanisées par sa précision fougueuse ce que
Beethoven
et d'autres maîtres du romantisme lui devaient en termes d'inventivité. Il
inscrivit de nombreuses sonates à ses concerts. L'album du jour réunit un
mélange de captations en studio ou en concert.
Citons quelques mots du compositeur et musicologue Guy Sacre (1948
-) extraits de son ouvrage de 1998 : "musique empreinte de tendresse, d’abandon, de songe intérieur. […] Pas
une mesure qui ne chante, et presque pas une qui n’émeuve : il faut dire
que la langue harmonique de Clementi, dans sa richesse, sa subtilité,
son goût pour les dissonances frôleuses, les équivoques modales, les
enchaînements imprévus, exalte ses courbes mélodiques, ses inflexions,
ses temps d’arrêt, ses reprises." Laissons
Horowitz
illustrer ces propos…
Sonata Quasi Concerto, Op. 33, No. 3 |
Sonata, Op. 26, No. 2 |
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Playlist 1 - Allegro Con Spirito Playlist 2 - Adagio E Cantabile, Con Espressione Playlist 3 – Presto
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Playlist 10 - Piuttosto allegro con expressione Playlist 11 - Lento e patetico Playlist 12 - Presto
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Sonata, Op. 34, No. 2 |
Sonata, Op. 47, No. 2 |
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Playlist 4 - Largo; Allegro Con Fuoco Playlist 5 - Poco Adagio Playlist 6 - Allegro Molto
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Playlist 13 - Rondo
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Sonata, Op. 14, No. 3 |
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Playlist 7 - Allegro Agitato Playlist 8 - Largo E Sostenuto
Playlist 9 - Presto
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Depuis l'initiative bienvenue de Horowitz, la discographie a redonné une place à
Muzio Clementi. Voici une sélection qui complète l'anthologie de
Vladimir Horowitz
réalisée au fil du temps :
Le pianiste et claveciniste allemand
Andreas Staier
enregistre en 2000 un choix de sept sonates et pièces diverses. Le
staccato legato élégant, ludique, par instant sensuel, appliqué à un piano
moderne reste une référence aussi passionnante que celle de son aîné
américain, en plus : magnifié par une prise de son raffinée (Teldec –
5/6).
(YouTube)
Comme le courageux claveciniste
Scott Ross
gravant les
555 sonates
de
Scarlatti, le pianiste et maestro anglais
Howard Shelley
nous a offert entre 2007 et 2009 six doubles albums réunissant
une quarantaine des sonates les plus passionnantes de
Clementi. (Hyperion – 5/6).
Nota : le pianiste
Costantino Mastroprimiano
a pris l'option de graver un grand nombre des sonates, mais sur un piano
forte historique. J'avoue que la dureté de sa frappe et de la prise de son
Brillant m'a laissé songeur, pas en bien… je le mentionne par souci
d'exhaustivité mais
Horowitz
a dû se retourner dans sa tombe… Oui, c'est vrai Sonia, en tant que
pianiste raté je déteste "casser", mais là "et la tendresse bordel ?".
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