vendredi 7 avril 2023

JAMES LEE BURKE "La Fête des fous" (2011) par Luc B.

 

Nous avons évoqué par deux fois ce très grand écrivain américain, James Lee Burke (86 ans aux nougats) le papa entre autres de Dave Robicheaux, son héros récurrent le plus connu. Les intrigues se situaient généralement en Louisiane. Mais LA FÊTE DES FOUS prend racine à la frontière du Texas et du Mexique, le bouquin n’appartient pas à la série des Robicheaux, mais à celle d’un autre flic, Hackberry Holland, crée en 1971, et dont cet opus et le troisième épisode.

LA FÊTE DES FOUS est un bouquin génial, à l’intrigue tortueuse et peuplée de personnages tous plus épatants les uns que les autres. A commencer par Danny Boy Lorca, le pochetron local qui lorsqu’il est trop saoul va de lui-même dormir dans les cellules du Shérif Hack Holland. Ce jour-là, quand Danny se présente au shérif, tout chamboulé, il n’a pas bu. Il a vraiment vu un type se faire désosser dans le désert par une bande de mexicains. Le shérif Holland et son adjointe Pam Tibbs se rendent sur place, trouvent un cadavre en piteux état. La victime semble avoir été torturée, les indices indiquent que l’homme était menotté avec un autre, qui a réussi à s’échapper. L’enquête commence…

Il va falloir identifier la victime, son compagnon disparu, rechercher les agresseurs, et comprendre le pourquoi du comment. Vaste programme. D'autant que le shérif Holland n’est pas seul sur le coup. Le FBI et son représentant au Texas Ethan Riser sont aussi sur la piste du disparu, Noé Barnum, un ingénieur quaker, pacifiste, dont les plans d’un drone militaire intéressent beaucoup de gens, y compris Al Qaïda. Il y a aussi le prêcheur Jack Collins, un tueur en série particulièrement redoutable, un mystique, vivant comme un clochard, qui trimbale sa mitraillette Thompson dans un étui à guitare, que le shérif a dans le collimateur depuis plusieurs années. Et puis Krill, un mercenaire mexicain qui traîne dans une malle les cadavres de ses trois enfants, en attente d’être bénis puis enterrés.

On en rajoute une couche avec Temple Dowling, qui bosse pour une obscure agence d’état, dont « les lèvres sont trop grosses pour son visage poupin », pédophile à ses heures perdues, qui aimerait mettre la main sur Barnum pour le compte du trafiquant russe, le redoutable Sholokoff.

Et la figure féminine Anton Ling, dite La Magdalena, petite femme chinoise à qui on prête des pouvoirs divins, qui vit à la frontière mexicaine, et aide les réfugiés à entrer aux USA. A-t-elle offert un refuge et soigné Noé Barnum ? Beaucoup le pensent, comme le révérend Cody Daniels, un illuminé qui tire au fusil depuis le toit de sa maison sur les clandestins qui passent la frontière.

James Lee Burke orchestre cette chasse à l’homme sans un temps morts, l’intrigue démarre illico, il faut être attentif, tout se joue sur un territoire restreint, où chacun se surveille, s’épie, se menace. On apprend à mieux connaître les protagonistes, sans psychologie de bazar, même les plus odieux peuvent trouver grâce à nos yeux. Il y est beaucoup question de pêchés et de rédemption (la croisade de Jack Collins, le révérend Daniels). 

Le shérif Holland est un type au passé trouble, aujourd'hui à cheval sur les principes, qui déteste le langage de charretier de son adjointe Pam Tibbs, une sacrée bonne femme boulotte, à la gâchette facile. J’aime beaucoup les dialogues, tous emprunts de respect, on s’appelle monsieur même entre personnages abjectes. Burke écrit à l’économie, le mot juste, sans effet de plume. On admire son art à dresser des portraits en trois lignes, à décrire les paysages, la flore, la bouffe, les parfums, des éléments qui participent à l’intérêt autant que les protagonistes.

L’atmosphère est lourde, orageuse, violente, très violente. C’est fou comme certains aiment cogner, flinguer, dépecer, crucifier, scalper, émasculer, torturer leurs contemporains, par appât du gain, par intérêt ou par plaisir. Ca se lit bien, ça se lit vite, le lecteur reste scotché aux pages, Burke est un sacré raconteur d’histoire, dont les intrigues touffues tiennent en haleine jusqu’au bout.

Autres romans de James Lee Burke chroniqués ici : Prisonnier du Ciel   et La nuit la plus longue


Rivages Noir (poche)  -  620 pages

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