vendredi 6 septembre 2019

JAMES LEE BURKE "La nuit la plus longue" (2007) par Luc B.


Nous avions déjà évoqué cet auteur américain (né en 1936), mais je ne m’en lasse pas [ Prisonnier du ciel ]. C’est tout de même du polar de haute volée, tant au niveau des intrigues, des personnages, et du style bien sûr. On reste ici avec la série des Dave Robicheaux, du nom de son héros récurrent, flic à New Iberia, en Louisiane, ancien alcoolique, et dont on suit la vie sur 25 ans au fil des romans. Le contexte géographique est primordial, James Lee Burke parle de ce qu’il connait, sa région, ces habitants, cette culture du Sud, minée par le ségrégationnisme, la pauvreté, les gangs, mais aussi les mangroves, les plats de riz sauté et crevettes épicées, le Dr Pepper...
LA NUIT LA PLUS LONGUE (2007) se situe juste au moment où déferle sur la Nouvelle Orléans l’ouragan Katrina (29 août 2005) qui a jeté à la rue des milliers de gens. C’est d’abord cet enfer que décrit l’auteur, tout en soulignant que jamais des mots ne pourront décrire l’horreur de la situation. Il y arrive tout de même.
On fait la connaissance de pas mal de personnages. Jude Leblanc, un prêtre cancéreux, junkie, en ménage avec une pute portoricaine. Otis Baylor, agent d’assurance, un homme bon, mais issu d’une famille raciste adepte du KKK. Thelma, sa fille, qui a été violée quelques années plus tôt par trois Noirs, dont jamais la police n’a retrouvé la trace. Tom Claggart, un voisin, milicien suprématiste. Clete Purcell, agent de probation, qui cherche à mettre la main sur les frères Eddy et Bertrand Melancon, et André Rochon, trois petites frappes.
L'ouragan se déchaine, les eaux montent. Jude Leblanc sur le toit d’une église tente à coups de hache de percer une issue pour faire sortir ses fidèles, prisonniers du grenier. Il a réussi à trouver une barque, mais se la fait voler. Katrina a dévasté la ville, la population est évacuée, parquée, ceux qui restent se divisent en deux catégories : les pilleurs et ceux qui tentent de s'en protéger. Pour la bande à Melancon c'est coup de chance : la maison dont ils éventrent les murs, voisine de celle d'Otis, regorgent de billets, sachets de coke, diamants. Petit souci : cette maison est celle de Sidney Kovick, un humble fleuriste, mais aussi un redoutable caïd.
Un coup de feu éclate dans la nuit. Deux voyous s'écroulent. D’où est venu le tir ? De chez Otis Baylor qui voulait protéger sa propriété ? De sa fille qui pense avoir reconnu ses violeurs ? Du voisin Tom Claggart, adepte de la chasse aux Négres ?  Des sbires de Kovick pour punir les monte-en-l’air imprudents ? Dave Robicheaux est chargé de l’enquête, qui va s’avérer particulièrement ardue.
Dans un paysage apocalyptique, avec ces cadavres flottant dans les rues inondées, magasins et maisons saccagés, hordes de pillards, prisonniers évacués sans qu'on sache où, hôpitaux surchargés de victimes, Dave Robicheaux et Clete Purcell cherchent des indices, questionnent, recoupent les témoignages. Les services du shérif sont débordés, c’est l’anarchie. James Lee Burke pointe les carences de l’Etat dans la gestion de la catastrophe, on se souvient des fameuses digues balayées comme des fétus de paille par le raz de marée, des dizaines de milliers de sans-abris relogés à la hâte dans des stades, sans eau ni nourriture.
Autre adversaire redoutable : les mensonges, les secrets de familles. Le personnage d’Otis Baylor est remarquable d’humanité mais aussi d’ambiguïté, comme Bertrand Melancon, la petite frappe prise de remords quand de prédateur il devient la proie. Avec la course aux diamants volés, ce sont d’autres personnages qui entrent en scène, peu recommandables, comme Ronald Bledsoe, un effrayant pervers au crâne chauve en forme de pouce, dont on se demande pour qui il travaille… Les victimes collatérales sont nombreuses, y compris chez Robicheaux dont la femme Molly et la fille adoptive Alafair se retrouvent dans le collimateur de Bledsoe.
On pourrait s’y perdre avec tous ces intervenants, mais James Lee Burke tient parfaitement son récit, comment un petit cambriolage se transforme en chaos, plongeant chacun dans la tourmente. Au-delà du polar, c’est un grand roman sur la nature humaine, avec ses proies innocentes et les prédateurs qui pullulent, dont l’intérêt est sans cesse relancé par des rebondissements et découvertes. Grand livre. 


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