Nous
avions déjà évoqué cet auteur américain (né en 1936), mais je ne m’en lasse
pas [ Prisonnier du ciel ]. C’est tout de même du polar de haute volée, tant au niveau des intrigues,
des personnages, et du style bien sûr. On reste ici avec la série des Dave
Robicheaux, du nom de son héros récurrent, flic à New Iberia, en Louisiane,
ancien alcoolique, et dont on suit la vie sur 25 ans au fil des romans. Le
contexte géographique est primordial, James Lee Burke parle de ce qu’il
connait, sa région, ces habitants, cette culture du Sud, minée par le ségrégationnisme,
la pauvreté, les gangs, mais aussi les mangroves, les plats de riz sauté et crevettes épicées, le Dr Pepper...
LA
NUIT LA PLUS LONGUE (2007) se
situe juste au moment où déferle sur la Nouvelle Orléans l’ouragan Katrina (29
août 2005) qui a jeté à la rue des milliers de gens. C’est d’abord
cet enfer que décrit l’auteur, tout en soulignant que jamais des mots ne
pourront décrire l’horreur de la situation. Il y arrive tout de même.
On fait la connaissance de pas mal de personnages. Jude Leblanc, un
prêtre cancéreux, junkie, en ménage avec une pute portoricaine. Otis Baylor, agent d’assurance, un homme bon, mais issu d’une famille raciste
adepte du KKK. Thelma, sa fille, qui a été violée quelques années plus
tôt par trois Noirs, dont jamais la police n’a retrouvé la trace. Tom Claggart, un voisin, milicien suprématiste. Clete
Purcell, agent de probation, qui cherche à mettre la main sur les frères Eddy
et Bertrand Melancon, et André Rochon, trois petites frappes.
L'ouragan se déchaine, les eaux montent. Jude Leblanc sur le toit d’une église
tente à coups de hache de percer une issue pour faire sortir ses fidèles,
prisonniers du grenier. Il a réussi à trouver une barque, mais se la fait voler. Katrina a dévasté la ville, la
population est évacuée, parquée, ceux qui restent se divisent en deux catégories : les pilleurs et ceux qui tentent de s'en protéger. Pour la bande à Melancon c'est coup de chance : la maison dont ils éventrent les murs, voisine de celle d'Otis, regorgent de billets, sachets de coke, diamants.
Petit souci : cette maison est celle de Sidney Kovick, un humble
fleuriste, mais aussi un redoutable caïd.
Un
coup de feu éclate dans la nuit. Deux voyous s'écroulent. D’où est venu le tir ? De
chez Otis Baylor qui voulait protéger sa propriété ? De sa fille
qui pense avoir reconnu ses violeurs ? Du voisin Tom
Claggart, adepte de la chasse aux Négres ? Des sbires de
Kovick pour punir les monte-en-l’air imprudents ? Dave Robicheaux est
chargé de l’enquête, qui va s’avérer particulièrement ardue.
Dans
un paysage apocalyptique, avec ces cadavres flottant dans les rues inondées,
magasins et maisons saccagés, hordes de pillards, prisonniers évacués sans qu'on sache où, hôpitaux surchargés de
victimes, Dave Robicheaux et Clete Purcell cherchent des indices, questionnent, recoupent les témoignages. Les services du
shérif sont débordés, c’est l’anarchie. James Lee Burke pointe les carences de
l’Etat dans la gestion de la catastrophe, on se souvient des fameuses digues balayées
comme des fétus de paille par le raz de marée, des dizaines de milliers de sans-abris relogés
à la hâte dans des stades, sans eau ni nourriture.
Autre adversaire redoutable : les mensonges, les secrets de familles. Le personnage d’Otis
Baylor est remarquable d’humanité mais aussi d’ambiguïté, comme Bertrand Melancon, la petite frappe prise de remords quand de prédateur il devient la proie. Avec la course aux diamants volés, ce sont d’autres
personnages qui entrent en scène, peu recommandables, comme Ronald Bledsoe, un effrayant
pervers au crâne chauve en forme de pouce, dont on se demande
pour qui il travaille… Les victimes collatérales sont nombreuses, y compris
chez Robicheaux dont la femme Molly et la fille adoptive Alafair se retrouvent
dans le collimateur de Bledsoe.
On
pourrait s’y perdre avec tous ces intervenants, mais James Lee Burke tient
parfaitement son récit, comment un petit cambriolage se transforme en chaos,
plongeant chacun dans la tourmente. Au-delà du polar, c’est un grand roman sur
la nature humaine, avec ses proies innocentes et les prédateurs qui pullulent, dont
l’intérêt est sans cesse relancé par des rebondissements et découvertes. Grand livre.
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